Leur profession tardant à être réglementée, les microbiologistes sonnent l’alarme
Tashi Farmilo
L’Association des microbiologistes du Québec (AMQ) met en garde la population suivant la suspension temporaire de l’étude de sa demande visant l’intégration des microbiologistes au système professionnel québécois. Depuis plusieurs années, l’AMQ multiplie les démarches afin que sa profession soit encadrée par un ordre professionnel, notamment pour assurer une meilleure sécurité du public.
Le gouvernement a invoqué la rigueur nécessaire pour traiter les dossiers liés au système professionnel comme l’une des principales raisons de cette décision, de même que le choix de prioriser des demandes devant être traitées à plus brève échéance afin d’assurer la protection du public. L’AMQ ignore à quel moment le traitement de sa demande pourra reprendre, laissant les microbiologistes sans cadre réglementaire qui reconnaît et valorise leur expertise unique.
« Nous déplorons vivement cette suspension, qui s’ajoute au manque d’ambition politique observé depuis longtemps face à notre dossier », d’indiquer Marc Hamilton, président de l’AMQ.
La demande de réglementation de l'Association vise à regrouper les microbiologistes au sein d'un ordre professionnel – à l'instar des médecins, des infirmières et des ingénieurs – qui exigerait de ses membres qu'ils offrent des services répondant aux normes de qualité et d’intégrité de la profession. À l’heure actuelle, la profession de microbiologiste n’est pas réglementée, ce qui veut dire qu’aucune loi ni aucun ordre professionnel n’encadre sa pratique. Il va sans dire qu’une telle situation pose de nombreux risques pour la santé publique, allant du charlatanisme en analyse microbiologique à la non-détection de micro-organismes nuisibles, de pathogènes et de virus.
Qui plus est, l’AMQ a été exclue des consultations liées au projet de loi 67, lequel porte notamment sur la modernisation du système professionnel. Pour l’Association, il s’agit d’une occasion ratée pour le gouvernement de bénéficier de l’expertise de ses membres. « C’est extrêmement décevant d’être laissé de côté, d'autant plus que le projet de loi 67 traite de domaines où les microbiologistes jouent un rôle essentiel », déplore M. Hamilton. Rappelons que la majorité des microbiologistes sont spécialisés dans un domaine de pointe (agroalimentaire, biologie moléculaire, biopharmaceutique, soins de santé, protection de l’environnement), contribuant ainsi au maintien d’une population en santé. Leur rôle consiste, entre autres, à prévenir la propagation des infections et contaminations nuisibles causées par des pathogènes.
L’AMQ bénéficie de l’appui des trois groupes d’opposition à l’Assemblée nationale du Québec et de celui de la population, dont la majeure partie appuie sa proposition. En effet, un sondage omnibus CROP réalisé en octobre 2023 a révélé que huit Québécois sur dix étaient d’avis que la profession de microbiologiste devrait être encadrée par un ordre professionnel régi par un code de déontologie. « Nous constatons à juste titre qu’une très grande majorité de Québécois désire être adéquatement protégée en ce qui a trait à la pratique de la microbiologie », note M. Hamilton.
Pour l’avenir, l’AMQ se dit déterminée à poursuivre le dialogue avec le gouvernement, en particulier avec la ministre responsable de l’application des lois professionnelles, Sonia LeBel. « Notre objectif est de protéger le public, ce qui implique de veiller à ce que les microbiologistes soient tenus de respecter les normes professionnelles les plus strictes », dit Julien Nelson, représentant de l’AMQ. L'Association milite pour des réformes qui permettraient la mise en place d’un mécanisme de contrôle de la compétence des membres et de surveillance de l’application des règles qui encadrent l’exercice de la profession aux fins de la protection du public.
L'AMQ espère également que le projet de loi 67 mènera ultimement vers une plus grande reconnaissance de la profession. « Les microbiologistes jouent un rôle clé dans la prévention des maladies infectieuses et la sécurité alimentaire. En conséquence, nous devrions faire partie intégrante des travaux de modernisation du système professionnel du Québec », d’insister M. Hamilton.
Trad. : MET