Éditoriaux
Éditoriaux de 2024
Sine me, liber, ibis en urbem
Didier Périès
Ô mon livre, tu iras sans moi à la ville. Oserais-je dire, quitte à dénaturer le ton et la signification de la phrase d’Ovide : tant mieux! Lui se plaignait que les vers meurent dans l’oubli, alors, qu’il était heureux du fond de sa retraite, sur la rive du Tanaïs… Nous, au Québec, voyons nos vers et nos livres se rendre à destination, alors que les temps sont moroses et endeuillés. En effet, les ventes de livre n’ont pas connu un si bel essor depuis longtemps. À l’heure des médias sociaux, de Netflix et de l’Internet plus généralement, cela mérite réflexion.
Pour commencer, plus de 18 % d’augmentation des ventes en 2021 (après un 16 % en 2020) ! Je ne suis pas étonné. D’abord, parce que si les librairies ont tendance à disparaitre depuis quelques décennies, celles qui apparaissent ou survivent ont de belles qualités d’après ce que j’ai pu observer depuis mon arrivée ici en 2005. Elles sont plutôt bien gérées, savent aller chercher leur public et font preuve d’ingéniosité et de résilience. Il suffit de voir Michabou et Bouquin’art, nos deux librairies indépendantes à Aylmer, qui tiennent la dragée haute aux Amazon, aux franchises comme Renaud Bray, Archambault, ou pire aux Chapters de ce monde ainsi qu’aux librairies de supermarché. Quoi de mieux que la relation personnalisée avec un commerçant à proximité, qui connait son métier et ses produits ?
De plus, vous admettrez que la dématérialisation grandissante de la culture, qui s’est accélérée avec la pandémie de COVID-19 depuis deux ans pour des raisons évidentes, nous frustre à bien des égards. L’être humain est kinesthésique, pas seulement un cerveau qui peut passer dix heures devant un écran. Les spectacles vivants nous manquent. Voir, entendre, sentir des artistes en direct nous manque. Avoir un livre en main, en tourner simplement les pages et sentir sa densité, sa texture sous nos doigts nous manquent. Sans compter les heures de divertissement et d’évasion qu’elle nous offre…
Mais il y a autre chose. La littérature d’ici, la littérature québécoise tire son épingle du jeu, son essor a atteint 21 % l’an dernier. La fatigue numérique ou oculaire ne suffit pas à l’expliquer, puisque le livre numérique n’a pas connu la même évolution ; ses ventes stagnent. Non, l’explication doit être ailleurs. La politique volontariste du gouvernement depuis les années 1980 en matière de financement de la culture a-t-elle joué un rôle ? Probablement. Personnellement, je m’en plains parfois, quand je vois la médiocre qualité d’écriture de certaines parutions ; heureusement que des subventions publiques financent les maisons d’édition ! C’est aussi comme cela que le français a pu une rester prépondérante au Québec. Des opérations promotionnelles telles que « J’achète un livre québécois » peuvent-elles avoir une influence ? Certainement. D’après les libraires eux-mêmes, ce fut un moment décisif. La littérature populaire a le vent en poupe, comme après le traumatisme que constitua la Deuxième Guerre mondiale. Et oui, l’envie de lire devient virale : quand on commence… Plus de nouveaux acheteurs, plus de budget pour acheter. C’est certain qu’il va falloir que les chaines d’approvisionnement suivent et que le prix des matières premières, comme le papier, ne monte pas trop. Mais quand on voit que même la dernière tendance massive sur les réseaux sociaux est le mot-clé « #bookTok », alors l’espoir est permis.
À la pêche aux…
Didier Périès
Je viens de terminer une formation professionnelle obligatoire concernant les cyberrisques. En réalité, cette formation pourrait s’appliquer à chacun-e d’entre nous, dans n’importe quel domaine d’activité. Comme on le dit de nos jours, « nous sommes tous à risque ».
De quoi s’agit-il ? En gros, de vérifier que je pourrais reconnaitre toute tentative d’hameçonnage (« phishing » en anglais). Vous avez bien lu, et même sans connaitre l’anglais, vous comprenez que le poisson c’est vous, moi, n’importe qui de notre entourage personnel ou professionnel qui pourrait être accroché, harponné par un courriel ou un message texte trompeur envoyé par une personne ou un groupe malveillant.
Vous pourriez vous demander : 1) pourquoi me vouloir du mal, à moi, simple citoyen-ne lambda, que rien ne distingue d’un-e autre ? Vous n’êtes peut-être pas plus intéressant qu’un-e autre, mais pas moins non plus, dès lors que vous avez un compte en banque… 2) Et puis, pourquoi opérer par texto ou courriel ? Cela permet de toucher davantage de personnes, si c’est un message de masse, et sans confrontation visuelle en direct en plus ! Admettons, mais un paquet de gens sont alors moins à risque d’être victimes, tous ceux et celles qui utilisent peu ou pas l’ordinateur, qui limitent leur utilisation du téléphone mobile au strict minimum… et qui ne sont pas habités par la convoitise (sur laquelle jouent souvent les fraudeurs). Pas faux, mais malheureusement, les deux fonctionnalités les plus employées par la majorité d’entre nous sont les messages textes et les courriels !
En tout cas, malgré mon scepticisme initial, j’avoue avoir appris des choses… Par exemple, les multiples petits détails qui peuvent trahir l’« adversaire » et prouver que c’est bien une tentative d’extorsion d’informations personnelles : une adresse internet d’expéditeur suspecte (regardez les lettres qui indiquent son pays d’origine) ; une erreur d’orthographe dans le titre, le nom de l’organisme ou l’objet du message ; une menace imminente et la demande d’ouvrir la pièce jointe ou cliquer sur un lien ; la demande pour des informations confidentielles. La grande leçon étant que, dans le doute, on n’ouvre pas le courriel, on ne clique sur aucun lien ; on avertit le service informatique de notre employeur ou on s’informe sur l’organisme qui nous contacte en lançant une recherche. Au pire, direction la poubelle : il y a des manières plus directes de contacter quelqu’un.
Quelques problématiques demeurent. Si la menace est réelle — l’actualité nous en donne régulièrement des exemples — et peut s’avérer sérieuse (certains se sont fait extorquer beaucoup d’argent), cela contribue à générer une paranoïa ambiante déjà élevée aujourd’hui. Personnellement, je ne connais personne dans mon entourage proche ou plus lointain qui a partagé une telle expérience ; peut-être préfère-t-on la garder pour soi-même, parce que l’on n’est pas fier de tomber dans le panneau… OK. Par ailleurs, la défiance permanente et générale que ces « formations » intègrent comme une donnée de base se reflète dans les choix de réponse proposés ; nous sommes amenés à être encore plus défiants et à faire de la délation professionnelle continue. Quand on voit que la meilleure réponse à donner au cas où l’on observerait « un collègue téléphoner et photocopier des documents plus souvent que d’habitude » est de le dénoncer à notre supérieur-e hiérarchique, on peut se poser des questions. Doit-on désormais se surveiller les uns les autres au quotidien en permanence ?
Les belles affaire!
Didier Périès
La semaine dernière, j’ai eu une prise conscience brutale à propos du gouvernement caquiste. Il est souvent qualifié de défenseur du Québec inc., parce que François Legault et beaucoup de ses ministres viennent du milieu de l’entreprise, parce que son credo est l’économie, et surtout parce qu’il se vante de ses succès en la matière et qu’il clame défendre d’abord les entreprises québécoises. Déjà, pas n’importe lesquelles, plutôt les grosses compagnies incorporées, avec de gros capitaux, qui font de gros investissements (ou en demandent à l’état) pour engranger de gros bénéfices. L’installation de Northvolt dans notre belle province aux frais du contribuable québécois, au mépris des règles environnementales et de l’opinion des principaux intéressés, les habitants de la Montérégie, pour des bénéfices lointains, en est un exemple frappant. Bref, soudain, le surnom de la CAQ ne me semblait plus usurpé.
Mais le déclic de mon épiphanie ? L’annonce par le même gouvernement qu’il permettrait à des compagnies exploitant les énergies hydroélectrique et éolienne de les vendre à d’autres (grandes) entreprises en ayant besoin. À première vue, rien de plus normal : après tout, on peut concevoir qu’Hydro-Québec ait de la difficulté à répondre à la demande ; on pourrait également arguer que son mandat est surtout le service à la population, une sorte de mission de service public… Et puis si les entreprises préfèrent s’arranger entre elles, pourquoi pas ? D’accord, mais si l’un de ses « producteur » d’énergie devient propriétaire d’une grosse partie du territoire québécois ou d’une rivière majeure, que fait-on ? Et si un jour l’une de ses entreprises devient un concurrent si puissant qu’il concurrence Hydro-Québec, qu’il peut influer sérieusement sur les tarifs énergétiques ou de vendre de cette ressource dont M. Legault semble si fier ? Ne faisons-nous pas rentrer le loup dans la bergerie ?
Comme dans le domaine de la santé, en déléguant aux cliniques privées de plus en plus de services, au risque que le personnel de la santé migre massivement vers le privé, ce qui affaiblirait encore plus un système public déjà à l’agonie, ce qui ironiquement contribuerait à justifier le transfert de la santé à des intérêts privés dont le principal objectif est de faire de l’argent, pas de soigner l’humanité souffrante !
Ajoutons-y le peu d’empressement (véritable) des caquistes à mettre en place les solutions en éducation (le règlement du conflit récent est au mieux un pansement qui sautera au moindre soubresaut) ou encore la braderie des claims miniers à l’échelle de la province, je m’excuse de le dire : François Legault déconstruit peu à peu le modèle social mis en place dans les années 1970 et 1980. La CAQ démolit un système progressiste fondé sur la solidarité et des politiques publiques novatrices en éducation et en santé qui a permis au Québec de prendre part au concert des nations modernes. Un héritage duquel le premier ministre affirme être le continuateur. Son inféodation à la grande industrie lui fait oublier que 80 % des entreprises sont des PME : ce sont elles qui sont au cœur de l’économie québécoise. À pas de loup, la CAQ brise les solidarités et confie l’avenir de nos enfants à des intérêts privés dont le seul but est de « faire des affaires » sur notre dos, pour mieux se dorer la pilule dans un paradis fiscal.
Si les journaux meurent, pourquoi le téléphone sonne-t-il sans arrêt ?
Lily Ryan
Les journaux sont morts, hein ? Qui l'a dit ? Le téléphone n'arrête pas de sonner ici au Bulletin !
Les lecteurs remarqueront dans cette édition une publicité expliquant comment s'abonner au journal. Jusqu'à présent, la plupart des gens recevaient leur journal local gratuitement par la poste ou au PubliSac (selon l'endroit où ils habitent). Le PubliSac va bientôt fermer complètement, et les journaux se démènent donc pour trouver un moyen abordable de mettre le journal entre les mains des lecteurs.
Oui, des changements se produisent. Il est vrai que les fausses nouvelles sur les médias sociaux sont frustrantes, voire pénibles. Cela signifie que l'appétit pour les informations locales est presque vorace en ce moment. Nous augmentons sans cesse notre capacité d'impression et pourtant, nous n'arrivons pas à garder suffisamment de journaux sur les étagères.
Sachant que les lecteurs demandent toujours plus d'informations imprimées, il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu'un dirait que les journaux sont morts. À moins que ce ne soit parce qu'ils répètent les stupidités verbales entendues à la télévision ou à la radio ? Les journaux locaux ne sont pas des méga-entreprises qui doivent verser des dividendes à leurs actionnaires. Les marges bénéficiaires peuvent être très faibles et pourtant, l'équipe publie un journal. C'est parce que nous croyons en la communauté. Les membres du Bulletin se sentent encouragés par les organisateurs communautaires qui nous remercient d'avoir couvert leur événement. Lorsqu'un chef d'entreprise appelle pour dire que la publicité a trop bien fonctionné et qu'il doit faire une pause, le service de publicité a le sentiment d'avoir bien fait son travail.
L'inverse est également vrai. Les gens demandent régulièrement pourquoi la ville ne fait pas de publicité pour les expositions d'art, les festivals d'hiver, les cours et toutes les autres activités locales que les lecteurs veulent connaître.
Au Bulletin, nous haussons les épaules et répondons : demandez à votre conseiller municipal. Il en va de même pour les autres niveaux de gouvernement, mais c'est plus difficile à expliquer au niveau local.
Cependant, le fait même que les lecteurs posent des questions suffit à motiver l'équipe à continuer.
Oui, le PubliSac ferme ses portes et un nouveau système de distribution est en train d'être mis en place pour le Bulletin de Gatineau.
Appelez-nous ! Nous vous expliquerons tout : comment vous abonner, où aller chercher le bulletin et comment ajouter votre magasin de quartier à notre liste de distribution.
Notre objectif est de servir les lecteurs, de couvrir les sujets qui les intéressent, et ce, à long terme. Longue vie à l'information locale imprimée !
La peste brune
Didier Périès
J’écoutais la semaine dernière le Balado de l’émission « Les Décrypteurs » et l’un des intervenants a fait une remarque extrêmement juste : les médias traditionnels ne portent pas assez attention à ce qui se passe dans les médias sociaux. Ces derniers sont souvent ignorés, pourtant ils influencent une partie grandissante de la société. En effet, beaucoup de gens se sont détournés de la presse écrite ou de la radio-télévision habituelle pour s’informer à travers Méta, X, Telegram, TikTok ou pire.
Or se joue ici un combat pour la vérité et l’opinion juste qui va déterminer l’avenir de nos démocraties. Des courants de pensée radicaux le traversent, y font leur nid, gagnant de plus en plus d’adeptes. On nomme cette nébuleuse « la complosphère », parce que les nouvelles qui y circulent tournent souvent autour des mêmes prémices : les gouvernements, les pouvoirs publics, la télévision, la radio et la presse écrite établis nous mentent et, de façon concertée, nous manipulent. Et tout ce qui émane d’eux n’est que tromperie, dissimulation et malfaisance.
L’exemple le plus frappant au Canada en est certainement la tournée qu’a effectué Tucker Carlson. Vous n’en avez pas entendu parler ? En effet, moi non plus. Pourtant, l’ancien journaliste-présentateur vedette de Fox news remplit des salles entières à l’ouest du Canada (4000 personnes à Calgary, 8000 à Edmonton, à 200 $ l’entrée). Il a même rencontré fin janvier la première ministre de l’Alberta. Vous avez bien lu : il a l’oreille de Danielle Smith ! Pour mémoire le monsieur a été remercié afin d’éviter un procès en diffamation, suite à sa couverture de la dernière élection présidentielle américaine. Donc parce qu’il a menti. Il a aussi déclaré vouloir libérer le Canada de Justin Trudeau qu’il qualifie régulièrement de dictateur et de tyran communiste. Ah ! Ces amis ? Orban en Hongrie, Milei en Argentine ou Poutine en Russie. Ce serait risible, s’il n’avait aucune influence.
La campagne de désinformation qui a déferlé aux États-Unis (et ailleurs) à propos de Taylor Swift avant, pendant et après le Superbowl est une autre illustration de la désinformation qui circule sur les médias sociaux. Le problème est qu’aujourd’hui, ce sont les défenseurs d’une idéologie d’extrême droite qui les accaparent ; que la mondialisation de ce phénomène met en contact des individus et des groupes aux idées régressives. Qu’on les appelle la droite alternative, la droite nationale, des nationaux-socialistes, des libertariens ou des fascistes, ne change rien au fait qu’ils mangent tous du même pain : xénophobie, homo et transphobie, antisémitisme, ultranationalisme, défense des valeurs de la religion (surtout chrétienne), conservatisme social et populisme. Même le forum économique mondial, pourtant souvent qualifié de club des pays riches, s’est inquiété du poids grandissant de la désinformation qui se répand dans le sillage de cette idéologie. Et là où ces gens-là accèdent au pouvoir, alors, ironiquement, le pluralisme d’opinion se dégrade, alors qu’ils clament souvent défendre les « libertés » tout en jetant l’opprobre sur les journalistes, garde-fou d’une saine démocratie.
Dès lors, on ne s’étonne plus de la polarisation du débat public et de la position de tête occupée par les conservateurs dans les intentions de vote au Canada. Ils se nourrissent du manque d’éducation de la population, du cynisme général face à la démocratie participative et de la tiédeur des réformes libérales face aux grands enjeux de notre temps.
La tête de l’emploi
Didier Périès
Alexei Navalny (assassiné par un pouvoir autoritaire), Brian Mulroney (mort de maladie), France Bélisle (démissionnaire). Qu’ont en commun ces trois personnes ? La réponse est évidente : ce sont trois personnalités politiques qui disparaissent, d’une manière ou d’une autre. Certes ils résident dans des pays différents, ont eu des statuts — élu-e ou pas — et des fonctions politiques différents, mais ils nous invitent finalement à nous interroger sur les qualités qui font un bon politique. Nous aurons des élections dans les deux années à venir et des choix devront être effectués. Indépendamment de la plateforme et des valeurs portées par les candidats, pourquoi voteriez-vous un tel ou telle autre ? Et si vous envisagez d’être candidat-e, en avez-vous les qualités ?
Étant arrivé au Canada en 2005, je n’ai pas connu la période sous la gouverne de Brian Mulroney. J’ai lu et entendu pas mal autour de ce personnage qui restera comme un exemple d’« homme d’État » : on affuble les hommes politiques de ce titre, lorsque leurs actions semblent indiquer qu’ils ont fait passer l’intérêt supérieur du pays avant le leur ; qu’ils ont également une vision au-dessus de la mêlée. Dans le cas de Mulroney, au-delà de ses compétences et réalisations politiques, ce sont ses qualités personnelles qui sont souvent ressorties dans les commentaires posthumes : rassembleur, généreux, chaleureux… un pygmalion pour plusieurs autres grandes personnalités canadiennes ; parlez-en à Jean Charest ou à Lucien Bouchard !
En ce qui concerne Navalny, si au début des années 2000 il appartenait à un parti social-libéral et il était très nationaliste, il est difficile de jauger de ses idées et encore moins de ses réalisations politiques, puisque très rapidement, il était devenu l’opposant politique numéro 1 du dictateur Poutine et que, de ce fait, 1) il était facile de se démarquer d’une telle idéologie en prônant simplement plus de démocratie et de liberté d’expression, moins de corruption 2) jamais la chance de mettre en place des réformes ne lui avait été donnée, il n’avait même pas été élu. Là encore, ce sont ses qualités personnelles que l’on retient davantage : son intégrité, son courage physique et sa détermination jusqu’au-boutiste.
À notre échelle locale, l’annonce par la première mairesse de l’histoire de Gatineau, il y a deux semaines, de sa démission doit nous amener à réfléchir, même si l’issue actuelle est nettement moins dramatique. Après tout, une « majorité » (relative : sur les 35 % de citoyens qui ont voté, elle a obtenu une majorité de 42 %, soit 14 % des inscrits) d’entre nous ont coché son nom sur le bulletin en 2021. Or, il semble que le « climat politique » au conseil municipal ait joué un rôle dans sa décision. Est-ce que la joute politique était plus facile, moins âpre, il y a 20 ans, 50 ans ou au XXIe siècle ? Je serais tenté de dire non… il aura également été question de désillusion, d’intimidation sur les réseaux sociaux en particulier, parce qu’elle était une femme ? Possible. Mme Bélisle a voulu « préserver [sa] santé pour l’avenir, car la vie politique est éprouvante ». On peut le comprendre, mais se pose alors la question suivante : a-t-on élu la bonne personne à ce poste ? A-t-on bien mesuré sa pugnacité, sa résilience aux multiples pressions de ce que l’on appelle — et pas pour rien — l’arène politique ?
Conducteurs, de grâce, réveillez vous
Lily Ryan
La Ville songerait à réduire le nombre d’intersections autorisant le virage à droite au feu rouge ainsi que d’autres mesures visant à améliorer la fluidité de la circulation. Pourquoi? Parce que les mauvais conducteurs donnent une mauvaise réputation à tous les autres. Pourquoi sont-ils si nombreux à Gatineau? Nous avons tous croisé un imbécile au volant dans un passé plus ou moins récent. Existe-t-il une solution pour améliorer les habitudes de conduite des gens sans ralentir ou arrêter la circulation?
L'exemple du virage à droite au feu rouge est parfait pour démontrer comment 15 secondes de conduite responsable peuvent changer la donne à Gatineau. D’ailleurs, quelle est la bonne méthode pour effectuer cette manœuvre de façon sécuritaire? Le conducteur doit faire un arrêt complet, puis regarder partout autour de lui pour s'assurer qu'aucun véhicule, cycliste ou piéton n’est en train de traverser l’intersection ou sur le point de le faire. C’est simple, non? Or, à la surprise générale, certains conducteurs causent des accidents en nombre suffisamment élevé pour alerter les planificateurs en transport de la ville. Résultat? Le nombre d'intersections où il est permis de tourner à droite au feu rouge risque d’être réduit.
Les citoyens dévoués qui siègent bénévolement à la Commission sur les transports, les déplacements durables et la sécurité de la ville de Gatineau ont discuté des façons d'améliorer les infrastructures suivant l’examen minutieux des résultats d'une étude récente sur la sécurité des axes routiers de Gatineau. L'étude comprenait des photos d'intersections où se produisent un nombre élevé d'accidents, ainsi que des renseignements sur la mobilité.
Toute cette énergie, ce temps et cet argent sont consacrés à des discussions sur la façon d'améliorer les intersections de la ville, alors que le vrai problème, c'est vous et moi. Nous, collectivement, en tant que résidents de Gatineau, avons une chose à faire pour assurer la sécurité de nos intersections, comparativement aux 14 202 collisions qui se sont produites au cours des quatre années visées par l'étude (2015-2019). Nous devons absolument améliorer notre conduite!
Une campagne d’information qui atteint son objectif dans le mille représente un investissement sensé pour la Ville. Inciter les conducteurs à se ressaisir serait bien plus efficace que de réduire le nombre d'intersections permettant de tourner à droite au feu rouge. Ce serait aussi beaucoup moins cher que d'accroître la présence policière ou de modifier le réseau routier. Nous avons besoin que les policiers fassent leur travail de police et nous, conducteurs, avons besoin d’adopter une conduite responsable.
(Trad. : MET)
Rougeole, vaccination et régression sociale
Didier Périès
Les cas augmentent chaque semaine, mais pas de panique : on est à peine à une vingtaine de personnes et elles se trouvent principalement à Montréal. Cependant une maladie qui devrait avoir disparu de nos radars médicaux ressurgit encore. La dernière fois, c’était il y a cinq ans et l’on avait atteint 113 cas dans tout le Canada, un tiers provenant du Québec.
Alors, pourquoi parler de la rougeole ? D'abord, parce qu’elle est très contagieuse — elle se transmet par voie aérienne. Ensuite, parce qu'elle peut être grave. Certes, la caractéristique de la rougeole est que des rougeurs se développent sur le visage et tout le corps, mais surtout elle peut présenter un danger mortel pour les femmes enceintes et les bébés ! Or, jusqu’à récemment, et grâce à la vaccination des bébés depuis 1970, elle avait été presque éradiquée.
Que s’est-il donc passé entre-temps ? Vous pouvez le deviner… Le nombre de personnes vaccinées a baissé. Dès lors la vraie bonne question porte sur la cause de ce recul. Plusieurs experts pointent du doigt la CoVid-19. En effet, plusieurs parmi nous sont (moralement ou mentalement) fatigués qu’on leur parle de vaccination. Vous en faites partie ? C’est humain. Toutefois l’autre explication provient de manière dont les gens sont informés, ou plutôt mal informés : par les réseaux sociaux, sur lesquels de plus en plus de désinformation circule, alimentant la méfiance de la population.
Exemple : « Une vaste étude mondiale confirme les liens entre les vaccins et de potentiels problèmes de santé » (Journal de Montréal, 20/02/2024) a enflammé les médias sociaux, il y a deux semaines… Antivacs, vous qui lisez un peu trop vite, préparez-vous… Cette étude a été faite sur 99 millions de personnes vaccinées contre la CoVid-19! un échantillon plus que représentatif qui montre tous les effets possibles mieux que si c’était sur 10 000 individus. Eh bien, oui, elle confirme que les vaccins à ARN messagers sont susceptibles de provoquer un peu plus de myocardites ! Mais seulement 7 cas sur 10 millions (ayant reçu leur première dose de Moderna) ont eu des effets. De plus, cette corrélation ne signifie pas causalité. Mais les chercheurs ont également conclu que les effets de la maladie sont bien pires, en qualité et en quantité, que le vaccin ! En fait, sachez que vous avez plus de chance d’être frappé-e par la foudre !
De toute façon, plus généralement, le principe de la vaccination est indiscutable : un organisme exposé plus d’une fois à un agent pathogène (ou antigène : virus, bactérie, parasite, champignon), envoie une réponse plus rapide et plus efficace, grâce aux cellules mémoires qui sont prêtes à produire les anticorps. Donc, un vaccin composé d’éléments affaiblis ou inactifs d’un l’antigène provoque une meilleure réponse immunitaire. Point. Ce procédé a largement prouvé son efficacité : la poliomyélite, la diphtérie, la variole ou le tétanos ont disparu dans les pays du Nord global, et combien d’autres maladies sont devenues rares ?
Pour revenir à la rougeole, ou toute autre maladie pour laquelle vous auriez dû être vacciné-e, il est aisé de vérifier : regardez votre carnet de vaccination (vous aviez entre 12 et 18 mois) ; si nous n’en disposez pas, consultez sur Internet le Registre de vaccination du Québec. Au pire, prenez rendez-vous sur Cliq Santé, c’est gratuit. Maintenant vous êtes informé-e !
Sacro-sainte automobile!
Didier Périès
Cela me démange depuis quelques temps. Je me permets d’y revenir à la lumière de ce qui se passe autour de l’implantation dans notre belle province de Northvolt, l’entreprise suédoise de construction de batteries électriques, et peut-être bientôt du constructeur automobile Honda. Pour le gouvernement caquiste, nous sommes dans la même logique : développer la « filière électrique » et en devenir l’un des leaders mondiaux, en proposant une intégration verticale de cette branche d’activité (extraction des minéraux rares comme le lithium, fabrication de la batterie électrique grâce à l'énergie hydroélectrique et construction de voitures qui utilisent ces batteries). Une synergie qui constitue pour beaucoup de compagnies un certain idéal de croissance… Et une manne financière qui se compte en milliards de dollars de subventions publiques !
Depuis 2000, il y a 50 % plus de véhicules, moteurs à combustion ou électrique confondus ; parallèlement, ils sont de plus en plus gros, tels les VUS, qui, eux, se sont multipliés par trois quasiment (184 % !). Résultat : le transport constitue aujourd’hui 43 % des émissions de GES. C’est un problème évidemment. Cependant, l’industrie automobile a déjà sa réponse et accompagne la tendance : combien de nouveaux modèles ou de conversion de modèles connus en version hybride ou électrique ? Même les Américains et leurs gros « trucks » électriques arrivent sur le marché !
Bref, tout irait « pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », pour reprendre la formule optimiste de Pangloss. Or, agrandir le parc de véhicules consacre le règne de la voiture solo. Imaginez nos routes, qui coûtent si cher et qui sont en si mauvais état, envahies par encore plus de voitures à toute heure du jour et de la nuit ! Qui y gagnerait réellement ? Pire, nos décideurs n’ont décidément rien compris à la réponse à apporter à la crise climatique : le développement soutenable signifie ne pas épuiser nos ressources naturelles, ne pas polluer davantage nos territoires, ne pas dépenser plus, ne pas accroître notre consommation. Non le contraire. Tous ces véhicules électriques sont beaucoup plus lourds, ils nécessitent plus d’énergie et abîment les routes plus rapidement. Mais, poussés par les constructeurs automobiles, on croit régler la crise climatique tout en continuant de rouler égoïstement… Alors on en veut plus. C’est un cercle vicieux !
La véritable réponse est à la fois simple et difficile : rouler à l’électrique mais surtout investir massivement dans le transport en commun. Simple, parce que l’idée est claire, l’application évidente, en finançant les sociétés de transports partout au Québec et les chantiers pour métro, tramway et autres pistes cyclables. Difficile, parce qu’il s’agit de changer les mentalités, de rendre attractifs ces modes de transports collectifs en termes de prix, de couverture du réseau et de fréquence. Sommes-nous prêts à franchir le pas dans les grands centres urbains ? Il faut en faire le pari.
En plus, aucune source d’énergie n’est vraiment propre, ne serait-ce qu’à cause des matières premières nécessaires et des coûts inhérents à sa captation et à sa transformation. Ainsi les barrages hydroélectriques, desquels la construction requiert la destruction d’écosystèmes entiers et que le gouvernement du Québec voudrait plus nombreux. Toutefois, rien comparé à l’exploitation des énergies fossiles (pétrole et gaz), qui est cent fois plus polluante et destructrice. Alors, tant que l’on voudra dépenser plus pour produire plus pour consommer plus, la situation empirera.
Amour plastique
Didier Périès
« Dans mon esprit tout divague… », ainsi commence la chanson du défunt groupe pop Vidéoclub. Parfois, j’ai la même sensation, quelque peu irréelle, face à l’incapacité de nos gouvernants à s’entendre. Le texte parle d’amour, et quel amour ! Un peu comme l’amour immodéré du Canada (et donc de vous et moi) pour le plastique.
La seule avancée libérale depuis 2015 dans ce domaine si crucial pour l’environnement et notre santé (pensez à toutes ces microbilles qui pénètrent partout, y compris dans notre sang) est le « Règlement interdisant les plastiques à usage unique » de juin 2022. Ce dernier interdit la fabrication, l’importation et la vente de 6 catégories de ces PUU : sacs d’épicerie, ustensiles, récipients alimentaires, anneaux pour emballer les boissons, pailles et bâtonnets à mélanger. Mesure nécessaire certes, mais qui s’accompagne d’une production croissante de pétrole au pays, l’un des constituants principaux du plastique ; de la mise en service de l’oléoduc Transmountain, au coût de plus de 30 milliards de nos impôts et de milliards supplémentaires de subventions, au nom de la « transition écologique », comme si l’extraction, la transformation et l’usage des énergies fossiles pouvaient être propres !
Maintenant, veux-je vraiment vous infliger le blabla politiquement correct qui suit, sur le site du Gouvernement du Canada (« mesures ambitieuses », « approche globale », « économie circulaire »…), en référence à la non moins fameuse et visionnaire Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) ? Non, mais la série continue… son dernier épisode ? Le Traité international contre la pollution plastique. Le Canada, 4e producteur de pétrole au monde et leader de l’écologie (selon notre ministre du désenvironnement, en tout cas), en a accueilli les délégués la semaine dernière, pour une nouvelle ronde de négociation avant l’ultime étape, qui se déroulera en Corée du Sud, en novembre prochain.
Apparemment, tout le monde désirait que ce traité soit juridiquement contraignant (comme les précédents ?) et s’attaque à la production… mais sans la réduire ! Ah, mais oui, parce qu’on va recycler ! C’est de l’économie circulaire. Une autre expression magique, comme adaptation climatique, technologies vertes ou captation du carbone : il suffit de les dire et, tout de suite, on est écolo ! En psychologie 101, on appelle ça la méthode Coué ; pour d’autres, c’est de l’hypocrisie climatique. Pour moi, c’est tout simplement — excusez mon langage — du foutage de gueule ! Parce que contrairement aux déclarations jovialistes de Guilbeault, assénées à coup de « j’aimerais », « je souhaiterais », le seul résultat est que ces 175 pays présents ont finalement convenu de maintenir le dialogue, rien de plus.
Au lieu de s’intéresser à la production et à l’utilisation des plastiques, on a décidé de tergiverser : comment mieux évaluer les substances chimiques qui le composent ? comment financer l’application du traité ? Bref, on a surtout décidé de se perdre dans les détails pour éviter de poser les vraies questions, et surtout d’aborder les vraies réponses. On pourra ensuite toujours accuser la Chine, l’Inde ou la Russie pour l’échec de ces palabres. La vérité est que plusieurs autres pays, dont le Canada, se sont abstenus de soutenir les pays qui proposaient de recentrer les débats sur la production. De toute façon, que fait vraiment le Canada, aujourd’hui, pour traiter ses 4 millions de tonnes de déchets (qui augmentent chaque année en plus), alors qu’il a un plan qui prévoit « zéro déchet de plastique d’ici 2030 » ?
Choisir son maire : réparer les nids-de-poule, financer le logement social, diriger les élus et les employés municipaux
Lily Ryan
À moins d'un mois de l’élection partielle de Gatineau, savons-nous tous pour qui nous allons voter? Première étape : reconnaître que chacun des sept candidats nous fait une énorme faveur, à nous, les citoyens, rien qu'en se présentant.
Qu’est-ce qui incite quelqu’un à se présenter comme candidat à la mairie? Fondamentalement, chacun est mû par la conviction qu’il peut faire de Gatineau une ville meilleure. Les candidats aspirent à améliorer leurs propres quartiers et à harmoniser les intérêts et les besoins des centaines de quartiers de la ville. Gatineau est une grande ville dont les priorités, les objectifs et les enjeux sont tout aussi diversifiés. Dans un quartier, les résidents sont aux prises avec de l'eau rouillée, et dans un autre, le manque d’espaces de stationnement cause des maux de tête. Dans un quartier, les résidents sont victimes de vols de voitures nocturnes, et dans un autre, ils subissent des refoulements d’égouts. Aucun secteur n’est exempt de problèmes!
Alors, comment chaque électeur fait-il correspondre ses priorités personnelles aux besoins généraux de la ville et aux compétences de chaque candidat? Certains citoyens sont confrontés à des obstacles majeurs et non spécifiques, comme l’isolement social, ce qui mine leur qualité de vie dans ce qui est censé être « leur » ville. L’isolement peut se manifester en termes de logement, de sécurité financière, de discrimination linguistique et de discrimination à l’embauche. Le dirigeant de la ville est confronté à un enchevêtrement de situations qui a des répercussions sur les conditions de vie de chacun; un mélange de logement adéquat, d’accès aux soins de santé et d’accès à l’emploi. Chaque solution semble soulever des problèmes ailleurs!
Nous sommes appelés à choisir un maire capable de réparer les nids-de-poule et de corriger les lacunes au niveau des soins de santé. La personne élue doit améliorer la diversité des embauches culturelles, par exemple dans le Vieux-Hull, tout en aidant les victimes d'inondations lorsque la rivière sort de son lit à Pointe-Gatineau. Nous recherchons un leader capable de servir les Gatinois de longue date dans leur langue – et d'investir dans le transport en commun à l'échelle de la ville!
Les gens arrêtent souvent au bureau du Bulletin pour jaser politique; les sujets se mélangent, se succèdent, à l'image de la journée d'un maire. Un maire dirige une administration qui doit s'efforcer de répondre à tous ces besoins. Un candidat à la mairie pourrait proposer de rétablir certains services en anglais, mais dire non à la traduction en anichinabé des avis de la Ville, malgré la présence de populations autochtones dans certains secteurs.
À mesure que les pancartes électorales se sont multipliées, le rythme des conversations s’est également accéléré. Malgré les pages d'articles dans les journaux, les heures d'entrevues à la radio et à la télévision et les rondes de poignées de main des candidats, les pancartes attirent notre attention sur « qui sont ces candidats ». Ces pancartes concernent la vie réelle, pas une politique abstraite ou une vision grandiose de notre ville.
Notre attention se porte désormais sur le candidat qui semble capable de motiver à la fois les conseillers et une armée d'employés municipaux. Le poste de maire exige de son titulaire qu’il soit capable de faire avancer les employés et les élus de la Ville dans la même direction, d’un même pas. Voilà notre choix.
L’éléphant dans la pièce… en feu
Didier Périès
Si personne ne le dit, j’ose croire que beaucoup le pensent. Mais avant d’aborder mon sujet de la semaine, je dois avouer que je ne m’informe absolument pas sur les médias sociaux, je ne sais pas comment l’information y est retransmise. Je lis des journaux papiers, regarde les nouvelles à la télévision sur différentes chaines… et sur ces dernières, on en parle beaucoup ; jusqu’en France, dans le très respecté journal Le Monde. Les feux dans l’Ouest canadien occupent depuis la semaine dernière à nouveau le devant de la scène.
Avec cette impression de déjà-vu… qui n’est pas une impression. La réalité est qu'elles ne sont pas nouvelles ces images prises d’avion de flammes gigantesques, qui avalent des hectares de forêt dans un nord de l’Alberta, du Manitoba qui ressemble à tous les autres « nord » canadiens. Nous avons déjà assisté au long défilement de véhicules remplis en extrême urgence devant l’avance fulgurante du brasier. Nous avons déjà entendu ces pères ou mères de famille, ces personnes âgées pleurer sur leur vie et leur maison détruites, peut-être à tout jamais perdues, sur leur dénuement et leur désespérance. Ils ne le méritent pourtant pas…
Or, avez-vous remarqué que ces scènes de dévastation géographique et humaine tendent à se répéter chaque année ? Nous, simples spectateurs, feignons alors de compatir, alors que le visionnement d’images en boucle finit par banaliser la nouvelle. Mais ce pourrait être nous, nous le savons en notre for intérieur ! Hiver doux et sécheresse aidant, nos forêts n’attendent qu’un éclair ou une étincelle pour s’embraser. Qui mériterait cela ? Et en même temps, certains ne peuvent pas s’empêcher de songer qu’il y a là quelque ironie, à ce que certaines des provinces les plus touchées pas une « saison des feux » de plus en plus longue et rapprochée soient parfois celles qui plombent nos efforts à réduire les GES, à lutter contre la crise climatique. Voulons-nous entendre cette vérité inconfortable que c’est le prix grandissant que nous allons devoir payer collectivement pour déforester, assécher les rivières et réchauffer l’atmosphère ?
Sans entrer dans la logique d’une justice immanente, où la nature se vengerait de ses agresseurs, épurerait la Terre de ses parasites afin de mieux respirer — littéralement — on ne peut s’empêcher de remarquer l’ironie du sort. Et franchement, cela me rend triste que l’on soit à ce point aveugle que le sujet ne soit même pas abordé sous cet angle-là. Ou bien est-ce notre goût pour les tragédies, le plaisir sadique que nous nourrissons ainsi, en songeant que, finalement, nous sommes plutôt bien lotis dans notre coin de pays ? Un simple « patch » sur une réalité que nous commençons à comprendre, que nous nions de moins en moins, mais pour laquelle nous ne sommes pas encore prêts à sacrifier grand-chose.
L’incendie qui a ravagé Fort McMurray en 2016 a coûté près de 10 milliards de dollars à lui seul. C’était il y a huit ans. Avec l’inflation aujourd’hui, quel va en être l’impact sur notre croissance cette année ? Et la pression démographique qu’exerceront ces déplacements de population récurrents ? Comment la sacrosainte économie, si chère au cœur de nos décideurs, va-t-elle reprendre dans ces régions ? Quels postes budgétaires les différents paliers de gouvernement devront-ils amputer pour redonner aux populations déplacées et sinistrées des conditions de vie acceptables ?
Loi 96
On fouine dans les documents de tout le monde, pas seulement ceux des anglos
Lily Ryan
Dans l'intérêt du renforcement de la démocratie, la nouvelle loi linguistique du Québec (projet de loi 96) mérite toute notre attention. D'abord, le fait de réclamer un examen plus approfondi et une analyse des conséquences probables des nouvelles restrictions prévues au projet de loi n’est pas un geste anti-francophone, ni antiQuébécois. Deuxièmement, n'avons-nous pas constaté qu'une législation qui est susceptible d’être utilisée pour punir certaines minorités ou les priver de leurs libertés civiles est une invitation à commettre de grossières attaques contre TOUTES les minorités. Tout ce qui peut servir de prétexte à la haine et à l'hostilité publique doit faire l’objet d’un examen rigoureux – n’est-ce pas ce que Trump et la montée de ses radicaux nous ont appris au cours des quatre dernières années?
Quiconque, francophone ou non, examine attentivement le projet de loi sera à même de constater divers problèmes dans la portée de la loi qui nécessitent le report de son adoption. De nombreux changements sont à prévoir avec la loi 96, puisqu’il s’agit d’un projet de loi omnibus.
Par exemple, ce qui est alarmant pour les Québécois de toutes allégeances, c’est le risque d’abus de pouvoir et d’atteinte aux droits fondamentaux découlant de cette nouvelle version de la police linguistique. Le projet de loi institue un nouveau « ministère de la Langue française », qui aura le droit et les moyens d’intervenir dans la quasi-totalité des organismes gouvernementaux. Les inspecteurs du ministère de la Langue française auront le pouvoir d'enquêter sur toutes les entreprises établies au Québec, notamment à la suite de dénonciations effectuées par l'intermédiaire de la nouvelle ligne téléphonique établie à cette fin. Les inspecteurs auront le pouvoir de saisir tout document de n'importe quelle entreprise, des ordinateurs aux registres de ventes. Des entreprises telles que les syndics en insolvabilité ou les cliniques de soins de santé spécialisés tiennent des dossiers contenant des renseignements de nature très délicate. Les inspecteurs de la langue française auront le mandat d'examiner les dossiers afin de s'assurer que les entreprises mènent leurs activités en français; toutefois, en raison de la portée excessive des droits conférés au nouveau ministère, les inspecteurs devront aussi être à l'affût de documents d’intérêt pour d'autres ministères du gouvernement provincial (santé, justice, revenu, etc.). En soi, cela semble être une bonne idée.
Certainement, surtout si l’examen des dossiers permet de découvrir qu’un père en défaut de paiement de la pension alimentaire est celui qui a payé pour la chirurgie plastique de sa nouvelle femme – acheminez son dossier aux autorités sans tarder! Mais, ce qui préoccupe mes amis francophones, anglophones et allophones, c'est le fait que de vraies personnes travaillent dans les divers bureaux et organismes gouvernementaux; de vraies personnes qui auront accès à d’innombrables boîtes de dossiers personnels – ceux des Québécois. Nos dossiers personnels ne devraient pas traîner ainsi dans des bureaux en vue d’être consultés puis transmis à d'autres ministères au cas où ceuxci y trouveraient des renseignements utiles.
Quel Québécois est à l'aise avec cette idée? Cela comprend les dossiers confidentiels des médecins sur leurs patients. Pour cette seule raison – et il y a de nouvelles dispositions encore plus problématiques – la loi 96 doit être revu et amélioré.
Trad. : MET
Attention, terrain miné!
Didier Périès
On a fait grand cas des 80 ans du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944. Cet évènement a certes constitué un tournant de la Deuxième Guerre mondiale, mais pas moins que le débarquement en Sicile, le 10 juillet 1943, plus vaste en hommes, en équipement et en navires, ou que la Bataille de Normandie, plus violente et plus longue — trois mois. Ceci au moment où l’URSS lançait plus de deux millions de soldats dans l’opération « Bagration », qui forcerait les Allemands à reculer de 500 km en quelques semaines…
On pourrait remarquer que ces célébrations, immenses spectacles aux accents nationalistes, où l’on vante et idéalise bien souvent l’action destructrice qu’est la guerre, sont des écrans de fumée qui nous distrairaient des véritables enjeux. En effet, nous sommes flattés que ces gens, dont la plupart n’avaient pas vingt ans, aient agi au nom de belles et grandes valeurs, qu’ils aient vécu une « épopée des plus brillants exploits ». Mais il n’y a pas de guerre propre ni de belle guerre : près de 35 000 civils ont été blessés ou tués dans les mois de bombardements ayant précédé l’opération Overlord et 20 000 autres pendant les trois mois de la bataille de Normandie. Sans compter les centaines de milliers de soldats morts… La guerre est la plus laide des manières de régler un désaccord et elle n’est pas non plus un show.
Quel parti politique n’a pas tari d’éloge sur le « sacrifice de nos soldats », portés par des « idéaux » de « démocratie, de liberté » pour « libérer l’Europe [et le monde] de l’oppression », qui sont les « fondements mêmes de la paix et de la sécurité mondiales » (Trudeau, Macron et les autres)? Même Poilièvre a vanté « l’héroïsme collectif », la « bravoure » pour « rétablir la paix et la liberté » et « contre le fascisme ». Ils semblent y croire quand ils le disent, la société — vous, moi, nos voisins — semblons y croire. Pourtant, même le meilleur taux de participation à des élections au Canada dépasse difficilement les 60 % ; 33 % aux municipales… Et c’est sensiblement identique dans les autres pays du Nord global (à peine 45% en France, lors des élections européennes du week-end dernier). Ce manque flagrant d’implication contredit l’adoration apparente que nous vouons aux idéaux qui ont conduit à l’engagement militaire dans les dernières guerres. Hypocrisie ? Ignorance crasse? Abêtissement général? Regardons cela de plus près.
D’abord, ces chiffres prouvent que la population adhère de moins en moins à la démocratie représentative telle qu’on la connait : on ne voit plus l’intérêt à exprimer notre voix dans l’isoloir. Préférerions-nous ne plus avoir à le faire ? Comment s’appelle le type de régime où l’on ne vote plus, parce qu’il n’y a qu’un candidat à sa propre succession déjà ? Ensuite, les partis de la droite radicale (ou extrême droite) connaissent un succès grandissant, avec leur discours soi-disant antisystème ; leur démagogie, loin des sujets de fond ; leurs attaques ad hominem, loin de la promotion des idées. Ces partis « illibéraux » s’appellent RN en France, PCC, Parti populaire au Canada ou Parti républicain aux États-Unis. En Europe, ces anti-européens acharnés sont quasiment devenus la deuxième force au parlement, ce qui est quand même ironique ! Leurs discours et leurs valeurs sont aux antipodes de ceux qui guidaient les valeureux soldats que l’on encense par ailleurs. Ne sommes-nous pas en train de vivre la mort à petit feu de la démocratie?
À qui profite l’absence de journal local?
Lily Ryan
Une chose est sûre : nous avons besoin de plus de nouvelles, pas de moins. Quelques journaux locaux se sont succédé à Gatineau au fil des ans. Certains ont dû mettre la clé dans la porte définitivement, tandis que d’autres sont passés à un format entièrement électronique.
Ce que vous tenez entre vos mains, cher lecteur, est un véritable journal local. Des journalistes rigoureux travaillent sans relâche, sept jours sur sept, pour vous informer des nouvelles qui touchent votre rue, votre quartier, votre secteur. Ils assistent aux séances du conseil municipal et des divers comités afin d’aider les résidents à comprendre l’incidence des décisions qui sont prises par les élus.
En tant que rédactrice en chef de journaux depuis 20 ans, la fermeture successive de salles de nouvelles aux quatre coins de l’Outaouais a été pour moi un choc. Je m’explique mal comment une communauté peut laisser un journal disparaître ainsi. Quel rôle une municipalité doit-elle jouer dans la survie de son journal local?
Trop souvent, seuls les coûts de publicité dictent les plans de relations publiques des villes. Les décideurs semblent faire fi du contenu des annonces et de leur pertinence pour les lecteurs. Pourtant, ces informations sont d’une importance cruciale pour les citoyens – pour le lectorat.
Depuis que la Ville de Gatineau a cessé de publier ses avis publics (renseignements sur les changements de zonage, les demandes de démolition, les projets de construction, etc.) dans nos pages, le Bulletin s'est donné pour mission d'aider les citoyens à se renseigner sur ce qui touche leur milieu de vie, et ce, d'une manière qui s’éloigne considérablement du journalisme traditionnel. Au cours des dernières semaines, notre personnel de bureau a pris le temps, malgré des journées déjà surchargées, d'aider les gens à trouver sur le site Web de la Ville les avis publics concernant leur quartier.
Grâce à la publication de ces avis publics pendant des années, d’autres initiatives municipales ont pu faire l’objet d’articles dans le journal. Les journalistes avaient pour tâche d'approfondir les sujets débattus au conseil. La presse écrite, en tant que quatrième pilier de la démocratie, a joué son rôle en rendant les élus responsables de leurs actes devant la population.
Aujourd’hui, en l’absence du contenu essentiel de ces avis publics, les journalistes eux-mêmes ne fournissent en grande partie que des informations de base. Ainsi, les pages du journal ne contiennent plus que les détails superficiels des décisions du conseil, plutôt que le fruit d’un véritable travail journalistique, comme c'était le cas auparavant.
Il est temps, cher lecteur, d'appeler le 311 pour demander à la Ville de recommencer à faire paraître ses annonces payées dans le journal local. Le coût pour chaque résident a été de trois cents (3 ¢) en moyenne au cours de la dernière année. Si l’absence d'informations n'est pas due à des contraintes financières, que cache la Ville?
N'hésitez pas à poser ces questions; elles contribueront à éviter que votre journal local ne disparaisse. Et à qui profite l'absence de journal? Évitons de répéter les erreurs du passé, en commençant par insister auprès de la Ville afin qu’elle publie le plus d’annonces possible dans le Bulletin. Il s’agit de votre seul journal local.
Lily Ryan
Le rôle des diplômés dans l’avenir des fausses nouvelles
Lily Ryan
Ce que nous apprenons à l'école est plus important que nous ne le croyons.
Ce n'est pas sorcier, grâce aux portes qu'elle peut nous ouvrir. Mais pour beaucoup, un diplôme d’études ne sert qu’à assurer un revenu. Alors, qu'est-ce que cela signifie pour moi et pour vous, cher lecteur, lorsque l’école du quartier produit une nouvelle cohorte de diplômés? Certainement plus que des contribuables supplémentaires!
En principe, la plupart des personnes qui fréquentent l'école ont pour objectif ultime de gagner de l’argent. Or, selon toute apparence, une crise de confiance sévit dans notre province, dans notre pays. Avec « l'effet bulle » créé lorsque les gens obtiennent leurs informations en ligne uniquement, et se voient donc proposer des contenus qui reflètent leurs croyances et opinions de manière de plus en plus radicale, les Québécois sont, plus que jamais, enfermés dans des ghettos mentaux. Les exemples sont partout – certains craignent encore que des forces hostiles (communistes) complotent pour conquérir le Québec, bien que la plupart de nos concitoyens à la fibre socialiste n'aient aucune intention despotique et n'emploient jamais le terme « communisme » dans leurs interactions quotidiennes. Une poignée de gens croient même que des civilisations reptiliennes extraterrestres ont pris le contrôle de la Terre et vivent parmi nous déguisés en humains. D'autres croient que le Canada est un endroit terrible où vivre, avec des gouvernements radicalisés qui contrôlent délibérément les gens – possiblement au moyen de fines particules qu’ils pulvérisent dans l'air!
Il s'agit là d'exagérations de ce que les gens peuvent être portés à croire en raison de leur bulle d'information. Des versions plus légères sont encore plus dangereuses pour une société pacifique. Est-il logique que la valeur nette d'un premier ministre ait augmenté de plus de 300 millions de dollars en un an? Bien sûr que non. Les personnes rationnelles sauront reconnaître la fausseté de cette affirmation et la tentative de diffamation qu’elle dissimule. Toutefois, les personnes à l'esprit engourdi semblent avaler les informations les plus absurdes pour ensuite les relayer dans leur bulle de médias sociaux. C'est ainsi que la méfiance du public peut croître, sur la base de fausses affirmations. Il n'est donc pas étonnant que depuis 2021, plus de 800 élus municipaux aient démissionné avant la fin de leur mandat, y compris l’ancienne mairesse de Gatineau, France Bélisle. De plus, les sources de fausses nouvelles peuvent encourager les gens à tenir des propos blessants, ou encore, à voter d'une façon ou d'une autre – voire les inciter à la violence armée. C'est ce qui s’est produit récemment à Gatineau. Les lecteurs se souviendront qu'une maison remplie d'armes a été découverte, dont certaines portaient le nom de François Legault (parmi beaucoup d’autres noms de politiciens).
Plus que des puristes culturels, ce dont le Québec a besoin, ce sont des penseurs rationnels orientés vers un but. Et cela part de l'éducation. Aller à l'école, c'est s'entendre avec les autres, avoir des objectifs et respecter les délais fixés (échéances pour la remise de projets, etc.). Les étudiants des écoles secondaires de l'Outaouais qui ont obtenu leur diplôme la semaine dernière sont notre meilleur espoir pour éliminer la propagation de fausses nouvelles radicales. Le Québec peut être fier de pouvoir compter sur un groupe de jeunes personnes aussi brillantes, qui comprennent la pensée critique – et l'importance de vérifier les faits, trois fois plutôt qu’une!
Continuez à user de discernement, chers diplômés – le futur a besoin de vous.
Ma chère fille,
Je regrette que nous, les humains, n'ayons pas fait mieux, n’étant pas parvenus à mettre fin à nos meurtres haineux.
Aujourd'hui, tu te trouves en visite à Konjic, en Bosnie (Europe). Derrière ton visage souriant coule la rivière Miljacka. J'ai appris l'existence de ce cours d’eau quand j'avais ton âge. C'était alors un charnier aquatique de personnes assassinées par leurs propres voisins.
Ces derniers mois, j’ai vu ton indignation politique croître face à ce qui arrive aux Palestiniens. Je sais ce que tu ressens, car je l'ai vécu pendant les campagnes de nettoyage ethnique, à l'endroit même où tu te trouves aujourd'hui. Cela devrait nous donner à tous l'espoir qu'il existe une réelle possibilité de guérison, que l'innocence peut revenir, ne serait-ce qu'au sein d'une seule génération.
Si mes larmes n'ont aucun sens pour toi, pour comprendre où j'en suis, imagine ceci.
Imagine que tu élèves une fille qui aime la vie. Et que cette fille tombe amoureuse de l'enfant d'un réfugié palestinien. Pour ta fille, l'amour de cette personne est tout ce qui compte. Toi, tu gardes pour toi toute la douleur que tu as ressentie en 2024.
L'indignation, la tristesse désespérée face à la mort aveugle, toute la confusion quant à savoir pourquoi une personne et pas une autre... imagine que tout cela revienne te hanter un jour.
Imagine qu'un mois de juin ensoleillé, dans vingt ans, après une année scolaire complète, ta fille et son amoureux palestinien rentrent chez eux à Raffa; dans une Raffa qui s'est en quelque sorte rétablie. Suffisamment rétablie pour accueillir les touristes et les enfants des réfugiés qui ont afflué (espérons qu'il y en aura?). Et tandis que ta fille t’envoie des photos de la riche campagne, des centres-villes animés, à quoi vas-tu penser? Nous nous ressemblons beaucoup, chère fille. Et je peux dire que le plaisir de voir deux jeunes gens heureux retourner dans leur patrie est teinté d’une grande tristesse.
Pourquoi des voisins se sont-ils entretués si terriblement en Bosnie? Pourquoi le monde ne les a-t-il pas protégés? Et pourquoi Israël, qui a lui-même tant souffert, répéterait-il les mêmes horreurs à l’égard d’un autre peuple? La cruauté dont l'homme est capable nous oblige tous à nous regarder dans le miroir.
Sachant cela, la prochaine question logique est de savoir, dans vingt ans, quelle guerre ethnique éveillera la même douleur poignante chez ta propre fille. Nous constatons qu'un cycle est en jeu. Il n'y a pas de plus ardent défenseur de la guerre qu'un ancien combattant. Pourtant, aucun ancien combattant, aucun dirigeant mondial, ni aucun groupe de grands-mères n'a réussi à éradiquer la guerre et les conflits. La haine du voisin, qui se répand insidieusement, n'est que trop courante.
Je m’excuse de ne pas avoir fait mieux. Ici, dans notre quartier, dans ton école, dans ton milieu de travail et au sein du gouvernement, il existe une haine dont je ne t’ai pas protégée. J’ai essayé. Innocemment, j’ai détourné les yeux. Mais maintenant, alors que je suis Québécoise depuis un demi-siècle, je comprends pleinement comment la haine du voisin peut se transformer en intolérance systémique – et glisser trop facilement dans le « nettoyage ethnique » que nous voyons dans le monde entier.
Certains de tes enseignants ont dit qu'il y avait trop d'anglophones à Aylmer et qu'ils ne vivraient jamais ici. Nous avons tous été maltraités par des gens à cause de la langue que nous parlons à la maison. Pendant cinquante ans, on m'a imposé une honte que j'ai traînée tout en sachant qu’elle ne devrait pas être. J'ai entendu des discours enflammés répandant de véritables mensonges sur les Anglos, prononcés devant des foules ivres. Une image associée à la fête locale du mois de mai représente un vieil homme armé d'un long fusil, pour célébrer le patriotisme anti-anglais. Quiconque te dit que ta peur ou ta honte d’être anglophone au Québec est une invention, a tort, chère fille. Je pensais innocemment que notre propre tolérance à l’égard d’autrui pourrait nous aider à dissiper cette intolérance.
Ainsi, ces excuses se veulent aussi un appel à la modération de tous les types d’extrémisme. Pour tous ceux qui sentent la haine, voire la méfiance, s'insinuer dans la vision qu’ils ont de leurs voisins, je vous invite à relire ce texte en vous imaginant qu'il s'agit de votre propre famille.
(Trad. : MET)
Une vie sans voiture
Ian Barrett
L'environnement est au cœur de la couverture médiatique et de la politique gouvernementale. Un certain nombre d'avancées technologiques contribuent à réduire notre empreinte carbone, notamment l'efficacité énergétique des voitures, ainsi que la transition vers les véhicules électriques. Cependant, même les véhicules électriques ont une empreinte carbone, principalement au cours du processus de fabrication.
Par ailleurs, le coût d'une voiture est également devenu un défi. Les prix des assurances et des réparations dans les garages ont connu une hausse à deux chiffres depuis le début de l'année 2023. Une nouvelle taxe municipale sur l'immatriculation des véhicules devrait également entrer en vigueur l'année prochaine. Les voitures pèsent de plus en plus lourd sur nos budgets.
Dans la région de la capitale nationale, rares sont les endroits où il est possible de vivre sans voiture. Pratiquement tous les quartiers construits au cours des 50 dernières années ont été conçus pour permettre aux habitants d'avoir leur propre véhicule. Pourtant, il existe une exception notable : Yet there is are two notable exceptions - central Aylmer and Old Hull.
Tout d'abord, une grande partie de la région dispose de l'un des meilleurs services offerts par la STO. Si vous habitez à distance de marche d'un arrêt des lignes 59 ou 55, vous bénéficiez d'un service fiable et fréquent vers le centre-ville. Les lignes 49 et 50 offrent des options pour se rendre dans les cégeps de Hull, et la ligne 58 permet de se rendre au Pré Tunney.
Nous sommes très chanceux de disposer d'un certain nombre d'autres commodités. Quatre épiceries se trouvent à distance de marche d'une grande partie du quartier. Plusieurs proposent des commandes en ligne qui peuvent être livrées à domicile, Laflamme livrant à votre porte en quelques heures.
Il est parfois nécessaire d'avoir accès à une voiture pour se déplacer en dehors des zones desservies par les bus. Or, Aylmer dispose d'une bonne flotte de voitures CommunAuto, disponibles à court terme et que vous pouvez louer à des prix très raisonnables pour quelques heures. C'est d'autant plus vrai par rapport aux prix pratiqués par les agences de location de voitures traditionnelles de nos jours.
Lorsque nous voulons sortir pour dîner ou prendre un café, nous disposons de l'une des meilleures sélections de cafés et de restaurants, tous situés sur notre rue principale ou à distance de marche de celle-ci. Le port de plaisance se trouve également à quelques pâtés de maisons.
Et nous avons accès à l'un des meilleurs réseaux cyclables que l'on puisse imaginer, en particulier la piste qui longe la rivière. Pouvoir faire du vélo jusqu'au centre-ville sans franchir un seul feu rouge est incroyable, sans parler des magnifiques paysages qui s'offrent à nous tout au long du parcours.
Les écoles sont également nombreuses et généralement accessibles à pied.
Pour les achats d'articles plus importants, nous avons bien sûr Amazon et Walmart qui peuvent livrer la plupart des produits à nos portes en un jour ou deux. Des magasins comme Rona et Lowe's offrent également de bonnes options de livraison, de même qu'un nombre croissant de petits magasins.
De toute évidence, bon nombre de ces avantages ne s'appliquent pas à des quartiers comme Deschênes et certaines parties de Wychwood. Pourtant, ceux d'entre nous qui habitent le centre d'Aylmer ont la possibilité de se passer de voiture, ce qui n'est généralement le cas que dans les grandes villes comme Montréal, New York ou Londres. Nous sommes très chanceux. (Traduit)
Se préoccuper de la santé mentale
Ian Barrett
Compte tenu de tout ce qui s'est passé au cours des quatre dernières années et demie, nous devrions au moins retenir quelques leçons importantes pour l'avenir.
Le domaine le plus critique est peut-être celui de la santé mentale. Tout au long des années 2010, il semblait que nous prenions conscience de l'importance de la santé mentale et que nous la considérions comme une partie intégrante de notre bien-être général. Pourtant, lorsque ce que l'on peut considérer comme l'apocalypse de la santé mentale a frappé en 2020, nous nous sommes retrouvés loin des ressources nécessaires pour s'attaquer véritablement aux conséquences sur notre bien-être psychologique. Pendant les bouclages, lorsque de nombreuses personnes se sont retrouvées confinées dans de minuscules appartements et que beaucoup d'autres ont craint d'attraper une maladie mortelle, on nous a essentiellement dit de rester calmes et de continuer, la même réaction que celle qui a été adoptée pour les maladies mentales dans les générations passées.
La complexité de la situation a fait qu'il n'y avait peut-être pas d'autre solution, mais peut-on honnêtement dire qu'il n'y a rien à faire si une autre pandémie devait frapper dans quelques années ? Les capacités sont moins aptes à répondre à la demande qu'elles ne l'étaient avant Covid. Les délais d'attente pour consulter un spécialiste de la santé mentale sont pires qu'il y a cinq ans.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est le peu d'attention que reçoit l'anxiété sévère et le nombre de personnes qui souffrent en silence. l y a ceux qui sont encore terriblement effrayés à l'idée de sortir de chez eux, certains ayant un système immunitaire affaibli, d'autres non. Nous les voyons s'aventurer dehors tôt le matin, portant un masque pendant qu'ils se promènent dans la rue.
Il est difficile de se faire une idée de l'ampleur d'une telle anxiété, mais le Census Bureau des États-Unis a constaté que les niveaux d'anxiété modérée à sévère en 2024 seront deux fois plus élevés qu'avant la pandémie, et qu'ils toucheront environ une personne sur cinq. Mais comme ces personnes souffrent seules et en silence, cachées chez elles, elles ne reçoivent pas beaucoup d'attention de la part de la société. Les délais d'attente pour consulter un psychologue professionnel peuvent facilement atteindre 6 mois, voire 24 mois pour les moins fortunés, à supposer qu'ils cherchent à obtenir de l'aide.
Si nous sommes enfin prêts à considérer la santé mentale comme un aspect essentiel de notre bien-être, nous devons augmenter les capacités et prévoir des plans pour permettre à un plus grand nombre de personnes d'obtenir des soins de santé mentale en cas de crise généralisée.
N'ayant pas connu de pandémie depuis près de cent ans, notre société pourrait être excusée de ne pas être prête en 2020. Toutefois, ayant vécu une crise où les gens n'étaient parfois même pas autorisés à quitter leur domicile, nous n'avons aucune excuse pour ne pas être prêts la prochaine fois. Compte tenu de l'interconnexion du monde, de la densité de population de nos villes et du peu de changements apportés aux mesures de protection, la prochaine crise de santé publique se produira probablement dans moins de 100 ans.
(Trad.: BG)
Ramassage des déchets : les changements prennent les résidents au dépourvu
Lily Ryan
Lorsque la Ville de Gatineau a modifié ses services de collecte des déchets, il semble que personne n'ait prédit la perte de patience collective qui s'est répandue dans toute la ville. D'autant plus qu'elles ont débuté dans la chaleur de l'été, les répercussions des règles plus strictes en matière de collecte des déchets ont été pénibles pour les résidents.
Quelle est la conclusion à en tirer ? Ne pas innover ? La pénurie de main-d'œuvre en Outaouais a essentiellement forcé les fonctionnaires à utiliser des bras robotisés plutôt que des humains le jour de la collecte des déchets. L'innovation semblait donc inévitable. La leçon à en tirer est peut-être qu'il n'est pas approprié de traiter tous les résidents selon le plus petit dénominateur commun. Lorsque les sacs en papier pour les déchets de jardin n'ont plus été admis au ramassage, les responsables politiques de la ville semblaient être des habitants de copropriété. Même si ce n'est peut-être pas la majorité, il y a beaucoup de résidents qui sortent plus de 60 sacs de feuilles et de déchets de jardin par an. Remplacer les sacs bruns par un gros bac en plastique est une solution de repli sur le plus petit dénominateur commun, mais cette approche unique fonctionne très mal pour les familles qui vivent à Gatineau depuis des générations. Ce n'est pas non plus une bonne solution à emporter.
Qu'en est-il de l'obligation désordonnée de laisser les sacs à ordures directement sur le bord de la route, à un mètre de distance, et probablement pendant plus de 24 heures ? Ce nouvel aspect du ramassage des déchets est particulièrement malodorant. Bien que fantastique pour les corbeaux et les écureuils, les ratons laveurs et les moufettes, la nouvelle approche consistant à laisser les déchets au niveau du sol pendant un jour ou deux faits très New York. Aucune ville ne veut de cette comparaison ! Il n'y a qu'une seule destination sur cette route, et elle est patrouillée par des rats, des pigeons et des couches souillées. Y a-t-il une leçon à tirer de cette partie du nouveau plan de gestion des déchets résidentiels de la Ville de Gatineau ?
De l'avis général, il n'y a pas d'autre leçon à tirer que de pousser un grand cri d'un bout à l'autre de la ville, pendant les deux heures que peut durer un trajet d'est en ouest : Enlevez-les ! C'est le cri collectif de la ville. J'ai abordé le problème sous le mauvais angle : Je demandais ce qu'il fallait emporter, alors qu'en réalité, l'appel est : « Emportez-le - tout le plan !
(Trad. : BG)
Les transports actifs figurent-ils parmi les priorités de Gatineau ? Les antécédents prouvent le contraire
Lily Ryan
Cela arrive à tout le monde : se faire dire un mensonge tout en insistant sur le fait qu'il s'agit de la vérité. Certes, on ne peut pas s'attendre à ce qu'une grande ville comme Gatineau agisse immédiatement face à des situations qui sont évidentes. Mais la situation actuelle, avec l'incapacité de la ville à gérer la croissance et les infrastructures, est alarmante.
Le président du conseil municipal, M. Boivin, a expliqué lors de la réunion ordinaire du conseil du 27 août que l'explosion démographique de la ville dépasse toutes les attentes. Il a déclaré que lors de sa campagne électorale, qui a abouti à sa victoire en 2021, les statistiques démographiques disponibles montraient qu'une croissance attendue pour 2030 était atteinte en 2019. Selon lui, les informations fournies par les urbanistes ne correspondent pas à la réalité. Et la réalité, c'est là où vivent les habitants. La réalité, c'est là où les conseillers municipaux sont confrontés aux résultats de leurs décisions.
Si l'on examine les décisions prises actuellement en matière d'infrastructures, on constate qu'il y a de quoi être perplexe. Dans toute la ville, il y a à la fois de l'espace physique et des suggestions publiques pour construire correctement la ville. Le boulevard La Gappe est un véritable problème. Le chemin Vanier en est un autre exemple.
Cette artère nord-sud a été réservée comme future route pour déplacer les gens des quartiers résidentiels vers les magasins et le travail. Il est même prévu de construire un pont à l'intersection de la route Vanier et de la rivière des Outaouais. La largeur de la route de Mountain jusqu'à la rue des Allumetières est suffisante pour accueillir tout ce trafic. Quant à la question de savoir comment déplacer le trafic, existe-t-il un plan ? Des voies réservées aux voitures, plusieurs types de voies réservées au transport actif et de nombreux arbres pour protéger tous ces gens des intempéries devraient être inclus, n'est-ce pas ? Il y a actuellement de l'espace et de grands arbres. Ou plutôt, il y en avait - cela dépend des semaines, il y a de plus en plus d'arbres coupés et de moins en moins d'espace chaque semaine.
Au lieu d'ouvrir les servitudes du chemin Vanier pour des couloirs de transport en commun actifs, les autorités municipales ont fermé les yeux sur la congestion et ont accepté sans broncher les plans des promoteurs immobiliers visant à garer l'arrière des immeubles d'habitation le long du chemin Vanier. Seules les voitures peuvent circuler entre ces quartiers et les zones commerciales et de transport en commun. Il est dangereux de se déplacer à vélo ou à pied le long du chemin Vanier pour se rendre aux arrêts d'autobus ou aux épiceries.
Aux yeux de quiconque regarde, il y a à la fois une occasion ratée de la part de la Ville de Gatineau et nulle part de croître d'une manière active et saine, comme l'ont tant promu les planificateurs qui ont imposé aux résidents les décevants projets domiciliaires du « Cœur de la ville ».
Gatineau mérite mieux, est-ce que quelqu'un y prête attention ?
(Trans.: BG)
Quand le vieux redevient nouveau – pourquoi l’emploi du terme « découvrir » est à éviter, même pour le tourisme
Lily Ryan
L'idée que quelqu'un, en 2024, puisse « découvrir » une région laisse franchement perplexe. C’est un fait désormais connu que ni Colomb ni Champlain n'ont découvert quoi que ce soit lorsqu'ils ont accosté sur ce continent. Les gens vivaient ici et savaient qu'ils existaient. Avec la vie quotidienne vient la réalité de l'existence. Aucune découverte à l'horizon, à moins qu'un remède inconnu contre le scorbut n'ait été découvert – à bien y penser, non, c’était aussi une chose connue des gens qui vivaient au quotidien sans scorbut.
Alors comment de nouveaux promoteurs touristiques pourraient-ils avoir « découvert » ce même territoire? Encore une fois, les gens vivent ici et beaucoup de touristes y viennent, mais il n'y a rien de nouveau à découvrir, au sens littéral du terme.
La magie des voyages, c'est d'expérimenter de nouvelles choses, d'explorer de nouveaux lieux, de se sentir plus vivant grâce à de nouvelles sensations. Mais qualifier l’expérience de « découverte » revient à se regarder le nombril et à revendiquer une activité progressive. Les touristes affluent dans les villes anciennes pour découvrir le fruit du talent de nombreuses générations. Et lorsqu'un touriste dans une ville ancienne, disons Istanbul ou Rome, aperçoit, au détour d’une rue, une place où se dresse une église rustique flanquée d’un joli café, prétend-il avoir « découvert » l'endroit?
D'autres touristes réservent des sites de camping le long de la côte de la Colombie-Britannique pour observer paisiblement des groupes de baleines qui s’alimentent. Là encore, aucune découverte ici – même si le touriste peut avoir l'impression que personne n'a jamais vu un baleineau se blottir contre sa mère de cette façon unique. Seul un colonisateur des années 1600 aurait l’audace inculte de prétendre à la « découverte » de ce comportement des cétacés.
Sachant tout cela, avec l'éducation évoluée d'aujourd'hui, pourquoi tant de dépliants touristiques, d'influenceurs sur les médias sociaux et d'éditeurs de journal vidéo (appelés vlogueurs) dépeignent-ils un sentiment de découverte de nouvelles terres, d'aventurier? Ces propos laissent un goût amer dans la bouche de nombreuses personnes qui les lisent, insultées par l’emploi de termes colonisateurs pour décrire des endroits comme le Pontiac, que les colonisateurs européens ont si négativement affectés. Le Pontiac est depuis longtemps une destination favorite de la « découverte » urbaine. Juste au cours de la dernière saison touristique, voir les jeunes gens innocents partir à l’aventure était comme essayer de ne pas regarder un accident de voiture. Les promoteurs touristiques qui ciblent ce public sont tout sourire, se réjouissant de la bonne affaire pour l’entreprise. Ce sont plutôt les Pontissois qui détournent maladroitement le regard lorsque des champs verdoyants sont « découverts » par des jeunots innocents qui ne savent pas mieux.
Trad. : MET
Révélation-choc d’abus sexuel et message d’espoir de Bob McDonald
Lily Ryan
Bob McDonald, héros scientifique canadien depuis des générations, a récemment révélé qu’il avait été victime de maltraitance lorsqu’il était enfant. Son père, comme il le décrit dans un livre autobiographique nouvellement publié, était à la fois alcoolique et agresseur. Maintenant âgé de 73 ans, M. McDonald souhaite transmettre un message d'espoir au public.
McDonald, animateur de Quirks and Quarks pendant 32 ans qui allait chaque année à la rencontre de jeunes scientifiques en herbe de la région à Hila, un camp d’apprentissage axé sur les sciences que j’ai fréquenté pendant longtemps, était un partisan optimiste et curieux de l'exploration scientifique. Étant un décrocheur, il a expliqué que l'exploration du monde lui procurait un certain sentiment de sécurité, alors qu’il ressentait l’inverse à la maison. Habituellement considérée comme un sanctuaire, la résidence familiale, sa chambre même, était un lieu de peur et de traumatisme, a-t-il déclaré lors d'une entrevue accordée à CBC à la mi-septembre. M. McDonald a ajouté qu'il tenait à partager son histoire parce que beaucoup d’autres vivent la même chose.
Selon lui, la clé d'une vie équilibrée après avoir subi des abus est de se concentrer sur l'avenir. Il s’agit d’un message similaire à celui que le CIASF (Centre d’intervention en abus sexuels pour la famille) partage depuis des années. Il vaut la peine de le répéter, et de toutes les façons imaginables : il est possible de contrôler ce qui se passe maintenant et ce qui se passera dans le futur.
En tant qu'enfant, il n’était pas en mesure de contrôler ce qui est arrivé, mais cela ne définit pas l'avenir à lui seul. M. McDonald veut que les Canadiens sachent que son exemple peut être suivi par n'importe qui. Notre rôle, ici au journal local, est d'aider. Il est essentiel de partager ce message, car les abus sexuels commis envers des enfants sont très répandus. La vérité est que des adultes abîmés maltraitent des enfants et qu’il y a des enfants abîmés partout autour de nous.
M. McDonald est devenu le professeur de sciences le plus influent du Canada grâce à son émission radiophonique hebdomadaire Quirks and Quarks, diffusée sur la chaîne CBC. Sa curiosité teintée d’optimisme a changé la vie de ceux qui l'ont écouté, rencontré, assisté à ses conférences et lu ses ouvrages. En donnant l'exemple d'une façon de vivre qui reflète ses propres intérêts, il aide tout le monde à se rappeler qu'il est possible d’aspirer à une vie saine et équilibrée. Il en va de même pour toutes les victimes (et les agresseurs, qui ont désespérément besoin de guérison) ici à Gatineau. Puisse un Bob McDonald traverser la vie de tous ceux qui ont besoin d’un rappel que la vie commence maintenant et va de l'avant.
Contrer les réno-démolitions
Solution logique pour propriétaires de bâtiments patrimoniaux qui négligent dans l’intention de démolir
Lily Ryan
Les conseillers municipaux abordent une fois de plus un sujet aussi vieux que les villes elles-mêmes. Lorsqu’un propriétaire néglige d’entretenir un édifice patrimonial car il souhaite ultimement le démolir pour le remplacer par une nouvelle construction, je propose d’exiger que celle-ci soit conforme au style d’origine.
Lors des récentes séances de consultation publique en matière d’urbanisme organisées par la Ville, un architecte a affirmé aux résidents présents qu’en ce qui concerne la conception de bâtiment, la volonté d’imiter des styles anciens est une approche dépassée. Il a expliqué que ce que les gens aiment dans l’architecture en 2024 existe parce que les concepteurs d’il y a cent ans ont été encouragés à créer ce qui était moderne à l’époque, ajoutant qu’en 2024, les nouvelles constructions partout dans la ville doivent être résolument modernes.
Le problème à Gatineau est que le style de conception en vogue à l’heure actuelle est similaire à celui que l’on voit un peu partout dans la province (et ce n’est pas positif). Or, les édifices patrimoniaux confèrent un cachet particulier aux quartiers de longue date.
Les bâtiments sont généralement démolis pour faire place à quelque chose de plus grand et de meilleur. La pénurie de logements actuelle signifie que les multi-logements sont hautement prioritaires. Mais l’un n’exclut pas l’autre.
L’Île de Hull en a donné un excellent exemple l’année dernière, alors que l’une des maisons allumettes a fait l’objet d’une demande de démolition assortie d’un projet de reconstruction. À l’époque, ces maisons étaient commandées par la poste et expédiées de la Nouvelle-Angleterre. Elles n’étaient pas munies de pare-vapeur antiradon, ni d’isolation, ni de bien autres choses. Elles représentaient toutefois une solution rapide à la crise du logement qui sévissait. Et elles sont devenues emblématiques pour de nombreux quartiers de Gatineau, au même titre que les demeures de style victorien dans le Vieux-Gatineau et le Vieux-Aylmer.
Le projet de démolition et de reconstruction visant la maison allumette de l’Île de Hull prévoyait un bâtiment agrandi offrant plus d’espace de vie ainsi que des méthodes de construction adaptées à l’hiver. Visuellement, le nouveau projet est clairement une maison allumette, qui incorpore cependant des éléments architecturaux reflétant les tendances de 2024. Une vraie personne a pris le temps de planifier une maison de rêve. Toutes les étapes du processus ont été suivies en respectant les recommandations des planificateurs techniques et des experts en architecture.
Dans le cas des bâtiments patrimoniaux qui sont négligés en vue d’être démolis, allez-y, élus de Gatineau : imposez la reconstruction dans le respect du style d’origine. Faites-vous les gardiens de l’histoire qui est ancrée dans le béton, la brique et le bois de nos quartiers.
Trad. : MET
Un long samedi de trouvailles
Didier Périès
Il y a de ces coïncidences ! Ou bien est-ce mon esprit, un peu tordu parfois, qui fait des liens incongrus ? En tout cas, samedi dernier, alors que les traditionnelles manifestations avaient lieu contre la crise climatique et les demi-mesures de « transition « ou d’« adaptation » de nos gouvernements, se tenaient d’autres évènements à saveur environnementale qui pouvaient élargir notre vision.
D’abord, la création originale de l’une de mes anciennes élèves de l’école secondaire Grande-Rivière, Clémence Roy-Darisse : un déambulatoire théâtral et horticole dans le boisé en arrière de l’UQO, qui avait pour thème « le deuil écologique des arbres incendiés », certes conçu cette fois-ci comme un laboratoire, mais une œuvre déjà unique et interactive à laquelle le public était invité à se joindre, pour être mieux conscientisé sur notre rapport à la Nature ! Et coïncidence, elle s’était adjoint la collaboration de deux « sorcières » de ma connaissance : Nicole McIvor (ancienne collègue de Grande-Rivière) et Charlotte l’Orage, avec qui j’ai fait de la création poétique. Incroyable !
Mais ce n’est pas tout. Samedi après-midi avait également lieu le premier événement sportif d’une série que l’on espère longue : « Courons Gatineau ». Les organisateurs de la Gatineau Loppet, qui ont connu divers échecs ces dernières années, à la suite d’hivers trop doux notamment (merci la crise climatique !), ont opportunément lancé cette série de courses d’automne (2 km, 5 km et 10 km) dans le quartier Saint-Louis, le long de la rivière des Outaouais et dans le Parc Leamy. Une véritable célébration des beautés naturelles de notre région, qu’il faut entretenir, pérenniser au maximum. D’ailleurs, une partie des revenus de l’évènement allait à « Garde-rivière des Outaouais » (Ottawa Riverkeeper), un organisme dont la mission est la protection et l’éducation autour et du bassin versant de ce cours d’eau. Si personne ne remet en question l’importance et l’avantage que constitue l’Outaouais, combien réfléchissent vraiment à ce qu’il faut être prêt à y investir en temps et en argent ?
Enfin, et non des moindres, le Cinéma 9 diffusait le documentaire « La très (grande) évasion » de Yannick Ergoat. Le film de 2022, bien que franco-français à première vue, n’a pas pris une ride et a même gagné en pertinence. Le titre un peu cabochard, en faisant une variation sur le titre du film célèbre de John Sturges, ne doit pas cacher le sérieux — journalistique — de la démarche… et la pertinence des propos. Il nous annonce que le capitalisme est devenu incontrôlable, au point que l’évasion fiscale est aujourd’hui systématique et détourne l’équivalent du budget du Canada chaque année… avec l’accord tacite de nos gouvernements. Ce n’est pas un complot, c’est le fonctionnement de notre environnement économique et financier.
En tant que citoyens lambda, ne voulons-nous pas pourtant plus de justice sociale (le corollaire de la justice climatique)? Mais celle-ci a un coût financier. Or, depuis des décennies, notre pouvoir d’achat décline, les taxes aux entreprises baissent, les services publics (éducation, santé, transport, environnement, transports) se dégradent irrémédiablement, parce qu’on nous serine que l’on vit à crédit, que les caisses sont vides… Ne pourrait-on pas envisager sérieusement, courageusement, d’aller chercher l’argent là où il se trouve : dans les paradis fiscaux. Le seul et unique problème est de savoir ce que cela prendra pour que l’un de nos premiers ministres aille jusqu’au bout de la démarche.
Planifier correctement l’avenir des vieux quartiers : Gatineau y parviendra-t-elle?
Lily Ryan
Quelle doit être la hauteur des bâtiments? La brique traditionnelle est-elle préférable à l'aluminium moderne pour l'extérieur des bâtiments? Peut-on démolir les bâtiments anciens? C'est ce genre de questions que l'on se pose lorsqu'il s'agit de planifier le développement des quartiers. La Ville possède une politique globale qui encadre la planification de l'aménagement du territoire. Il existe des règles spéciales dans certaines zones : les parcs industriels sont autorisés à disposer de vastes aires de stationnement. Les quartiers résidentiels situés à proximité d'immeubles commerciaux ne doivent accueillir à l'avenir que des immeubles à logements multiples, dont ceux qui ne sont pas situés à proximité d’une station de transport en commun doivent disposer d'un nombre approprié de cases de stationnement.
Dans certains quartiers de Gatineau, plus précisément les quartiers historiques, des règles spéciales encadrent ce qui peut et ne peut pas être fait. L'objectif est de préserver le caractère patrimonial de ces quartiers tout en améliorer leur habitabilité. Le Vieux-Gatineau, le Vieux-Hull et le Vieux-Aylmer font l’objet d’un plan particulier d’urbanisme (PPU), tout comme Buckingham et Masson-Angers.
Et c'est là que les enjeux en matière d'urbanisme et de politique prennent tout leur sens. Au cours des dernières décennies, les résidents de ces anciennes villes (ou villes d’avant la fusion) ont été invités régulièrement à prendre part au processus d’élaboration de PPU.
Une autre ronde de consultations a eu lieu en septembre. Selon l’équipe chargée de diriger les séances de planification, il s’agissait d’une première étape dans l’élaboration d’un plan qui entrera en vigueur au début de 2026. Les urbanistes ont indiqué aux deux groupes – l’un dans le Vieux-Aylmer et l’autre à Gatineau – que l’équipe s’est rendue à pied dans les secteurs visés à l’été 2024, puis ils ont énuméré une série de facteurs dont les gens doivent tenir compte lorsqu’ils réfléchissent aux règles d’urbanisme.
Les participants à la séance de consultation de Gatineau étaient peu nombreux, mais la séance d'Aylmer a réuni une soixantaine de personnes. La plupart d'entre elles sont déjà impliquées dans la vie communautaire : membres d'associations de résidents, bénévoles au sein de comités de la Ville et employés municipaux. Il y avait aussi quelques membres du grand public, généralement des résidents intéressés sans affiliation.
Nombreux sont ceux qui ont participé aux consultations de la Ville pour le même plan en 2022, en 2020 et même avant. En 2011, les citoyens ont largement contribué à la démarche de planification de la Ville concernant les secteurs particuliers. Aujourd’hui, la confiance d’un grand nombre d’entre eux est au plus bas, leurs préoccupations ayant été ignorées à maintes reprises (pensons, entre autres, au concept de « cœur de village », qui s'est avéré être une réplique du même vieux type de projet résidentiel auquel on est habitués, sans aucun commerce de proximité prévu). On parle de la même administration qui a cessé de publier ses avis publics dans nos pages sous prétexte qu'il n'y a plus de journal local qui couvre l'ensemble du territoire gatinois (c’est pourtant le cas du journal que vous tenez entre vos mains). Personne ne s’étonne du faible taux de participation aux séances publiques de la Ville si aucune annonce n’est faite. La séance tenue à Aylmer a été annoncée dans le journal local, et cette séance a fait salle comble.
On n’aura d’autre choix que de pardonner aux gens s'ils finissent par ne plus se présenter aux séances de consultation publique. Lorsque les résidents s’évertuent à montrer les endroits propices où aménager des pistes multifonctionnelles réservées au transport actif, mais qu'au lieu de cela, on abat des arbres et on construit des immeubles à condos ennuyeux à mourir, les urbanistes ne doivent pas s'étonner s’ils peinent à recruter des bénévoles prêts à s’investir au sein des différents comités de la Ville. À moins que l'apathie du public soit le but ultime recherché?
Trad. : MET
ENTRE LE MARTEAU ET L'ENCLUME
Pourquoi il est si important de s'assurer d'être sur la liste électorale et de voter aux élections du conseil scolaire anglophone le dimanche 3 novembre 2024.
Brian ROCK
Le 7 février 2020, le projet de loi 40 : Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique en matière d'organisation et de gestion scolaire a été adopté par 60 voix contre 35 à l'Assemblée nationale du Québec. Il avait été déposé par Jean-François Roberge, alors ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Elle vise à transformer toutes les commissions scolaires en centres de services scolaires et les neuf commissions scolaires anglophones en centres de services scolaires.
L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) a contesté la législation au motif qu'elle constituait une violation des droits à l'instruction dans la langue de la minorité en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En août 2023, le juge Sylvain Lussier de la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement de 125 pages sur la contestation constitutionnelle, accordant un sursis aux neuf commissions scolaires anglophones. Le procureur général du Québec a contesté le jugement du juge Lussier.
Le Canada a toujours eu la chance d'avoir quatre niveaux de gouvernement : fédéral, provincial, municipal et scolaire. Malheureusement, le gouvernement majoritaire du Québec a tenté de supprimer le quatrième niveau le 7 février 2020. Félicitations aux dirigeants de l'ACSAQ pour avoir tenu tête au gouvernement autoritaire de la Coalition Avenir Québec, qui utilise de façon répétée la clôture et la clause dérogatoire pour faire passer au bulldozer des mesures législatives impopulaires.
Il est important que les électeurs s'assurent d'être inscrits sur la liste électorale et s'informent sur les candidats à la présidence du conseil d'administration et au poste de commissaire dans leur circonscription électorale. Le taux de participation est d'une importance primordiale. La raison la plus souvent invoquée par le gouvernement, notamment en ce qui concerne les commissions scolaires, est la faiblesse embarrassante du taux de participation au fil des ans.
Les neuf commissions scolaires anglophones ont nommé des directeurs de scrutin et des greffiers d'élection.
La Commission scolaire Western Québec a nommé Mme Rachel Vincent au poste de directrice du scrutin. On peut la joindre au 819-592-0895 rvincent@wqsb.qc.ca M. Eldon Keon est le greffier d'élection. On peut le joindre au 819-661-5965 ekeon@wqsb.qc.ca
Le vote est-il important ? La réponse est claire : « oui ! » Le vote est un élément clé de l'engagement civique et une partie essentielle du processus démocratique.
« Le vote est précieux. Il est presque sacré. C'est l'outil non violent le plus puissant dont nous disposons dans une démocratie ». - John Lewis
(Trad.: BG)
Mesdames, pouvez-vous vraiment parler ?
Didier Périès
Les religions sont d’actualité ces derniers temps, avez-vous remarqué ? Et pas de la meilleure des manières. Certes, c’est un sujet sensible dans un Québec captif d’une société canadienne, où, excepté pour en défendre la pratique au nom de la liberté d’expression, elles sont louées, au point que l’on dirait que les athées n’existent plus. Tout le monde, au sein du beau multiculturalisme canadien, devrait croire en Dieu…
En tout cas, autant le Canada que le Québec prônent l’égalité homme/femme ; c’est pourquoi j’ai coché la case « oui », en remplissant le questionnaire qui me demandait si j’adhérais au principe de l’égalité entre les sexes, avant d’obtenir la citoyenneté canadienne. Et c’est aussi l’une des raisons majeures à la décision, en 1997, de faire payer 5 $ par jour aux parents qui mettraient leur enfant de 4 ans à la garderie : cela libérait des dizaines de milliers de femmes de leurs tâches domestiques et leur permettait d’entrer sur le marché du travail et de gagner leur indépendance financière.
Toutefois, il faut l’admettre, quoi qu’en dise les « modérés », qu’ils soient de confession juive, chrétienne ou musulmane, l’un des grands points communs entre ces trois religions monothéistes et cousines (si, si) réside dans leur caractère patriarcal, voir misogyne. Évidemment, leurs radicaux vont plus loin encore dans la stricte, et souvent littérale, lecture des textes, qu’il s’agisse des juifs hassidiques, des évangélistes ou des islamistes, mais les textes sr lesquelles elles reposent parlent d’eux-mêmes. Le problème est qu’elles sont toutes des religions révélées : Dieu a parlé aux hommes, en fait à un seul homme (Moïse, Jésus, Mohammed), qui a rapporté ses paroles à l’écrit dans un livre. Les livres sacrés sont la parole de dieu, rien de moins. Comment dès lors en déroger, sinon en en interprétant le sens, quand ce n’est pas clair ?
Cependant, je ne veux pas ici revenir sur les extraits de la Bible ou du Coran qui montrent tout le mal que les femmes incarnent, mais simplement m’intéresser à leur place aujourd’hui dans le débat public. Et parmi ces milliers de croyantes, les musulmanes sont les plus visibles, parce qu’elles arborent des vêtements caractéristiques, qu’ils soient traditionnels ou purement religieux, malheureusement pour elles ; ce qui entraine leur stigmatisation. Il n’empêche : on les entend peu pour défendre l’égalité hommes/femmes. Dans le débat social, elles semblent n’apparaitre que lorsqu’il s’agit de manifester contre l’éducation à l’identité de genre, contre la laïcité, ou dans les écoles, pour demander des exemptions au cours à la sexualité… Bref, rarement dans des causes progressistes. Qu’est-ce à dire ?
Pourtant, plusieurs d’entre elles s'estiment féministes. La vérité est qu’on ne les entend pas, en grande partie parce qu’elles sont « subalternisées », c’est-à-dire que, même si elles parlent, agissent ou participent, leurs paroles, leurs actes sont relégués au second plan. Pire, elles sont sans cesse victimisées, et le groupe majoritaire, duquel je fais partie, se considère alors comme le garant de leur émancipation. Et si elles revendiquent en tant que musulmanes, juives ou chrétiennes, on les ignore ou on les voit comme une menace. C’est particulièrement le cas des musulmanes, dans un contexte où l’Islam s’est politisé depuis les 40 dernières années… Elles doivent être sauvées et, en même temps sont les symptômes du danger. Comment sortir de cette dialectique fallacieuse ?
Notre COP16 à nous
Didier Périès
Une COP est une conférence des parties ou « Conference of the Parties », sous l’égide de l’ONU. Depuis 1995, à Berlin, il s’en tient une grande chaque année — d’où le numéro qui l’accompagne — pour permettre surtout aux 196 états de faire le point, de discuter de la crise climatique et, en théorie, de s’accorder sur des objectifs et mesures à prendre. On se souviendra de la COP21 à Paris, avec la signature de l’objectif mondial de ne pas dépasser 1,5 degré Celsius de réchauffement de la planète ou de la COP26, reportée d’un an à cause de la pandémie. Les COP ont été conçues comme des événements décisionnels qui font suite à une consultation par tous des « communications nationales et des inventaires des émissions de GES » (ONU). La présidence est tournante, afin que tous les continents ou grandes régions du monde puissent montrer leur leadership en la matière. Ayant lieu fin novembre habituellement, elle a tendance ces dernières années année à réunir plus de lobbyistes climatosceptiques (ou négationnistes) que de groupes et organismes environnementaux. La COP29 se déroulera à Bakou, en Azerbaïdjan, dans 8 jours.
Parallèlement, il y a des mini-COP thématiques, comme celle qui s’est tenue à Cali, en Colombie, toute la semaine dernière, à propos de la biodiversité. Elle s’est doublée le 28 octobre, d’une journée à ce sujet à Montréal, « Finance et biodiversité », coorganisée par Finance Montréal et le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique. Elle était la seizième du genre, d’où son titre : COP16. On nous avait avertis : « C’est une négociation très complexe, avec de nombreux intérêts ». Son ambition ? Dans la foulée du cadre mondial sur la biodiversité, signé à Montréal (déjà) en 2022, un accord signé (mais non contraignant) sur le financement par les états et le contrôle des efforts (toujours par les gouvernements) que l’humanité s’est engagée à accomplir pour arrêter de détruire les terres, les mers et les océans. Rien de moins. Et de fait, pour ne pas changer, elle n’a abouti à aucune entente. Quelques avancées pour la reconnaissance des afrodescendants et des peuples autochtones ou la mise sur pied d’un fonds multilatéral, mais rien sur les 200 milliards de dollars par an de dépenses mondiales pour sauver la nature. Personne ne veut payer, surtout pas les pays riches comme le Canada.
Et nous, en Outaouais, sur une initiative éclairée et pionnière du CREDDO, nous avons eu également notre mini-mini-COP16, qui réunissait à Chelsea le gratin des parties impliquées dans l’environnement dans notre région, afin de parler biodiversité, en particulier dans le parc de la Gatineau. Concept clef et ô combien méconnu : la connectivité du territoire, connue sous le nom de « corridor écologique ». Il s’agit de permettre aux animaux de tout simplement se déplacer d’une zone à une autre de leur habitat naturel… au lieu d’y construire une route en plein milieu ou de déboiser pour édifier des constructions. Et autant je fustige volontiers le gouvernement libéral de Trudeau pour ses hésitations, autant il faut louer la députée de Pontiac, Sophie Châtel, pour ses efforts à conférer au parc de la Gatineau un statut légal qui fige ses limites géographiques. La question demeure toutefois: comment embarquer le secteur privé, entreprises et constructeurs, dans le train fou des dérèglements climatiques afin d’en ralentir la course ?
La « der des der » ?
Didier Périès
Je ne sais pas ce qui doit me déprimer le plus : le fait qu’à l’occasion du 11 novembre, on se souvienne de nos morts, « sacrifiés pour la liberté et la démocratie », tout en entonnant un « Ô Canada » ou une « Marseillaise » aux accents bellicistes et au vocabulaire guerrier, au nom d’un nationalisme (la patrie ? Le pays natal ?) qui a conduit à toutes les dernières grandes guerres ? Et qui encore aujourd’hui, en 2024, jette des voisins les uns sur les autres comme autant de bêtes féroces ? Ou bien la réélection de Donald Trump, symptôme du recroquevillement croissant des pays du Nord global sur eux-mêmes, dans des nationalismes réactionnaires et xénophobes, qui laissent de côté les vrais enjeux existentiels pour l’humanité et la vie sur Terre telle que nous l’avons connue jusqu’à présent ?
Grosses et grandes questions, me direz-vous ; grands enjeux qui font peur et nous dépassent, songent beaucoup d’entre nous, qui préfèrent rester dans le déni, détourner le regard et parler économie. Je reviendrai sur Trump : après tout, les discussions à son propos sont hypothétiques : il n’entre en fonction qu’en janvier… à moins qu’il ne soit pressé de franchir le seuil de la maison blanche et du bureau ovale avant. L’actualité, c’est la guerre, ou plutôt, devrais-je dire, les guerres.
Les guerres dans le sens traditionnel de « luttes armées entre deux états, considérées comme des phénomènes historiques » (le Robert). Ces conflits, loin de réduire en nombre, ainsi que l'on pourrait s’y attendre au XXIe siècle, augmentent. Certes, dans un monde multipolaire sans véritable grand jeu d’alliance — à part l’OTAN — elles ressemblent davantage à de lointains conflits régionaux, qu’à des guerres mondiales, comme celles du XXe siècle ; d’où notre difficulté à nous sentir concernés. Cependant, elles nous déstabilisent en réalité dans notre vie quotidienne, parce que nos économies sont interdépendantes et le monde plus global que jamais : énergie, production de biens et de services, approvisionnement alimentaire, etc. Le moindre risque sur le transport maritime dans le canal de Suez ou la moindre explosion d’une raffinerie au Moyen-Orient peuvent déclencher une hausse des prix à la consommation que tous ressentiront durement aux quatre coins du globe ! La question reste toujours dans ces cas-là : à qui profite le crime ? Certainement pas aux populations civiles des pays concernés ou à nous, simples citoyens anonymes…
Et puis, il y a également les guerres que l’on qualifie de culturelles. Après plusieurs décennies d’amélioration des droits des femmes et une certaine reconnaissance vis-à-vis des homosexuels et des personnes non binaires, nous vivons depuis quelques années à la fois une radicalisation de la lutte au nom des droits des minorités en tous genres, parfois au détriment des droits collectifs, et parallèlement un backlash, un retour de bâton très préoccupant. L’hétérosexualité comme norme « naturelle » et le « masculinisme » comme posture au sein de ce même couple binaire se répandent encore dans nos sociétés. La fermeture d’esprit que constituent ces systèmes de pensée, rétrogrades et conservateurs pour ceux-ci, niant la science et les faits pour ceux-là, constitue selon moi un profond recul moral et conduisent à de la violence physique. Alors que les êtres humains vivent de plus en plus sous la houlette de pouvoirs autoritaires (75 % de la population mondiale!), ils sont une forme de guerre à la démocratie.
L’écoblanchiment ou comment détourner nos économies
Didier Périès
Parlons un peu finances, parce que, si nous avons l’impression d’en avoir moins dans les poches aujourd’hui qu’hier, on nous dit également qu’il n’y a pas assez d’argent quand vient le temps de payer pour des transports publics, une meilleure éducation pour nos enfants ou simplement pour accéder à un médecin. Quant à prévenir l’aggravation de la crise climatique, n’en parlons pas !
Dernièrement, la capitalisation sur les places boursières de nos pays n’a jamais été aussi haute, ce qui signifie : des montants astronomiques échangés (et non taxés), et des bénéfices incroyables pour les détenteurs d’actions (très peu taxés en comparaison avec les impôts sur le revenu du travail). Dois-je aborder la question des salaires des « stars », du sport à la musique, en passant par la technologie ou celle des paradis fiscaux ? Dans une époque où les états, les pouvoirs publics, peinent à équilibrer leurs comptes, l’argent ne manque pas. Y compris et surtout dans les états pétroliers, comme ceux de la péninsule arabique… ou en Azerbaïdjan, où se déroule la COP 29.
Là, cette fois encore, la montagne accouche d’une souris, même si on y a parlé finances, parce que les pays du Sud réclament à cor et à cri un dédommagement pour les dégâts historiques – et actuels - infligés par les pays du Nord global. En effet, ils subissent plus que jamais notre mode de développement extractiviste, et leurs plus gros impacts environnementaux : submersion des îles dans le Pacifique ; pluies et inondations diluviennes en Asie forçant des déplacements de population massifs ; désertification du continent africain et de plusieurs régions en Amérique du Sud. Grosso modo, la moitié des GES dans le monde provient de l’exploitation et de notre prodcution/consommation des énergies fossiles.
Il faut donc réduire notre utilisation des hydrocarbures pour infléchir la croissance exponentielle du réchauffement climatique. Et la « bourse du carbone », soit payer pour pouvoir polluer, n’est qu’une fausse solution, dont l’effet dissuasif n’est pas prouvé. Les projections réalistes aujourd’hui sont au-delà de 3 degrés. Le Canada lui-même, troisième plus grand pollueur par habitant au monde, en est seulement à 7 % de ses objectifs de réduction de GES pour 2030.
Alors, que les COP se déroulent maintenant dans des états non seulement producteurs de pétrole, mais qui s’en vantent, défie l’entendement. Cela explique que nous nous y intéressons de moins en moins. Allô ! Personne ne vous écoute plus, votre déclaration finale est couverte par le fracas des armes des différents conflits armés dans le monde, et par le smog des incendies et de la pollution ! Seuls quelques ministres et beaucoup de lobbyistes propétroles (grassement payés par des subventions financées à même nos impôts pour la « transition énergétique ») se sont rendus Azerbaïdjan. Quelle blague ! On nomme cela l’écoblanchiment.
La solution n’est pas dans le « gros bon sens », mais plutôt dans les données scientifiques et des solutions inévitables et soutenables. Comme une véritable reddition de compte par les entreprises sur leurs données environnementales, comme une véritable taxation verte « pollueur-payeur », comme un véritable encadrement règlementaire des « fonds ESG » (ou climatiques), censés ne contenir que des compagnies socialement et écologiquement responsables, mais parmi lesquels seuls 5 % le sont. Après vos impôts, regardez un peu où va votre argent déposé à la banque, vous pourriez être surpris.
Éditoriaux de 2023
La fin de l’état-providence
Didier Périès
Vous direz peut-être que je mélange tout, que je fais des liens entre des choses sans rapport entre elles, et pourtant… Comment ne pas réagir aux conflits sociaux dans le système éducatif, de la santé ou dans les transports publics, au niveau québécois, ou avec la dévastation que connaissent les médias d’information au niveau pancanadien ?
Dans tous ces cas, la situation est catastrophique. Tous ces exemples sont des services à la population, ce que l’on pourrait également nommer le filet social. En effet, leur rôle est de rétablir l’équilibre, de maintenir une équité entre nous, les citoyens, afin que chacun-e ait accès à l’éducation, à la santé, à l’information ou à un moyen de transport.
En éducation, on manque d’enseignants, les jeunes ne veulent plus entrer dans cette profession que tous déclarent si importante — sauf pour le ministre Drainville, pour qui la priorité est la chasse aux profs « délinquants ». Mais si les piquets de grève du personnel scolaire sont soutenus par maints coups de klaxon, combien de parents poussent leur ado à débuter un travail rémunéré dés 14 ans ? Le salaire brut d’un enseignant en début de carrière est de 53 000 $ ; n’importe quel ti-cul ayant lâché l’école en secondaire peut s’improviser « spécialiste » en paysagement et gagner plus. La rémunération n’est pas tout, évidemment, on pourrait également aborder les conditions de travail, la charge mentale et physique, qui forcent les enseignants à des contorsions inimaginables. Et Legault ose parler d’augmenter leur « flexibilité » ?
En santé — encore un métier du don de soi au service des citoyens — la pénurie de personnel est chronique, conséquence 1) de coupures répétées dans les 30 dernières années par manque de vision stratégique, on savait qu’avec le papy-boom, les besoins seraient immenses 2) d’une doctrine néo-libérale aveugle aux besoins de la société au nom de l’équilibre budgétaire 3) d’un égoïsme patent des ordres médicaux incapables de lâcher le moindre sous au nom de la solidarité sociale. Les technocrates qui décident pourront toujours réorganiser, restructurer, moderniser, jouer aux chaises musicales, cela ne remplacera jamais un véritable service : nos hôpitaux sont vides de soignants, le premier ministre nous exhorte à ne plus nous rendre aux urgences et les gens qui le peuvent — comme moi — passent au privé en désespoir de cause.
Dans les transports publics, les caquistes ont daigné éponger le déficit des sociétés de transport municipales exceptionnellement. Bravo ! Dans une époque où posséder un véhicule coûte si cher, où l’aménagement urbain nous force souvent à prendre la voiture, seul un accès à un moyen de déplacement rapide, fréquent et quasi gratuit pourra ramener la population dans les transports en commun. Quelle honte y aurait-il à ce que cela soit intégralement subventionné ?
La rentabilité à tout prix dans les services essentiels est une hérésie. les coupes dans les médias traditionnels en sont un autre exemple. Pour commencer, pourquoi la radiotélévision publique qu’est Radio-Canada a-t-elle été forcée de se financer par la la publicité ? Maintenant que les entreprises se tournent vers les médias sociaux, les revenus de ce média public (et non d’état) sont en chute libre ! Mais quel genre de politique peut penser assurer l’avenir d’une démocratie en laissant l’information de ses citoyens au bon soin des Méta et des TikTok de ce monde ? Les forces obscures de l’ultralibéralisme sont à l’œuvre.
Les Cowboys fringants : un monument national
Hommage à Karl Tremblay
Didier Périès
On ne prend conscience de la place que prennent certaines personnes que lorsqu’elles disparaissent. En juin 2022, j’avais écrit un éditorial après avoir vu en concert Les Cowboys fringants, lors de l’Outaouais en fête. Une fois de plus, j’avais été ébloui, transporté par l’énergie du groupe et la ferveur des spectateurs. La semaine dernière, le chanteur du groupe, Karl Tremblay, est mort ; il est fort possible que cela marque la fin du groupe. Ce qui n’enlève rien à ce qu’il représente dans le cœur des Québécois de plusieurs générations, c’est à dire leur groupe de musique le plus emblématique. Peut-être même le plus grand groupe de l’histoire du Québec… Et pour les nouveaux arrivants, que nous fûmes avec mon épouse et mes deux filles, en 2005 – sans conteste, un formidable accélérateur d’intégration linguistique, culturelle et sociale. En guise d’hommage posthume à Karl Tremblay, je vous livre à nouveau de larges extraits de ce texte, parce qu’ils illustrent plus que jamais mon opinion à propos des Cowboys fringants.
« […] Peu avant [le concert], l’un de mes amis, qui devait m’accompagner au parc des Cèdres, m’avait décrit comment le groupe québécois allait le chercher profondément avec ses mélodies entrainantes et ses textes puissants. […] Leurs mélodies, où les guitares le disputent aux percussions, aux cuivres ou aux vents et aux cordes (surtout au violon), nous restent longtemps en tête… Toutefois, dimanche soir, et bien que certains puissent me rétorquer qu’après tout il n’y avait que les supporters inconditionnels qui avaient fait le déplacement — ce dont je doute — ce que j’ai vécu allait au-delà de ça. Certes, ce sont de grands professionnels qui tournent au Québec, au Canada et partout dans la francophonie internationale depuis plus de vingt-cinq ans ; ils jouent très bien, en parfaite harmonie musicale à l’intérieur du groupe, ont un jeu de scène de fou, savent mettre le feu au parterre et enchainer les titres. Mais il y a plus.
Les paroles de leurs chansons sont vraies, elles touchent. Les jeunes, les moins jeunes, les plus vieux ; leur auditoire est intergénérationnel. Donc, pour reprendre la formule de mon ami, leurs paroles vont « chercher » le ou la Québécoise en faisant référence à des tranches de vie, à des éléments culturels (personnes, événements) typiques, dans un langage à la fois familier et poétique, avec un sens de la formule hors pair. […]
Ceci dit, est-ce que toutes leurs chansons sont compréhensibles par tous, même sans avoir vécu au Québec ? Peut-être pas toutes […] toutefois la plupart d’entre elles véhiculent un message universel, parce qu’elles abordent des expériences humaines fondamentales. C’est ça qui est également fort : comment aller chercher l’universel à travers l’anecdotique. Avec leurs dix-sept albums, les Cowboys fringants illustrent plus que jamais l’âme du Québec : un esprit festif, ouvert, bonhomme, un brin nostalgique, mais très lucide sur l’état de la société et farouchement indépendant. Une voix singulière dans une Amérique à la culture très états-unienne et anglo-saxonne, envahissante et uniforme. Comment ne pas se sentir un peu plus québécois après les avoir écoutés ? […] Merci Karl, Jean-François, Marie-Annick, Jérôme, Dominique et les autres, vous faites partie d’un patrimoine québécois bien vivant ! Et où que tu sois, Karl, tu rejoins la constellation des plus grands.
Guerre et paix
Didier Périès
Cette année est spéciale. Deux conflits armés semblent toucher plus particulièrement la population canadienne, bien qu’aucun soldat canadien n’y soit impliqué. Cela explique peut-être l’engouement des cérémonies du 11 novembre, samedi dernier, pour commémorer l’armistice de la Première Guerre mondiale, celle qui devait être « la guerre qui mettrait fin à toutes les guerres ». C’est toujours malheureusement comme ça : on part la fleur au canon et on revient dans un cercueil, sans que cela empêche d’autres conflits d’être déclenchés pour autant.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, qui découla de la première, les soldats canadiens ont été impliqués dans maints conflits armés, de la Corée à l’Afghanistan, en passant par l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda. Toutefois, dans ces derniers, ils étaient Casques bleus, au sein de forces de maintien de la paix de l’ONU, ce qui est bien différent.
Et évidemment, des affrontements, il y en a eu d’autres, dont certains en cours, comme celui entre Ukrainiens et Russes ou encore celui entre les Israéliens et le Hamas, sans parler de l’Afrique… Et vu ce qui continue de se passer tout autour de notre planète, des conséquences chez nous en termes de relations sociales (antisémitisme, islamophobie, haines et clivage), les guerres ne sont pas près de s’arrêter ! Au contraire, ainsi que le prouvent les études universitaires : notre époque se caractérise par moins de guerres à grande échelle, qui font plus de morts chez les militaires, et plus de guerres civiles, interethniques ou religieuses, qui font davantage de morts civiles.
Coïncidence imprévue dans ma classe de secondaire 4, nous finissons une unité de travail sur le thème du « regard horrifié » en tentant de répondre à la question : l’être humain peut-il coexister en paix avec son voisin ? Pour ce faire, nous avons étudié le roman autobiographique de Joseph Joffo, Un Sac de billes, qui raconte la fuite d’une famille juive et en particulier de ses deux plus jeunes garçons pour éviter la déportation et une mort quasi certaine, pendant la Deuxième Guerre mondiale. La question parait plus pertinente que jamais.
Justement, chez nos jeunes, les opinions sur la guerre en général, et surtout sur « nos » guerres à nous du Nord global, peuvent varier ; entre les cadets pétris de militarisme et de patriotisme, qui envisagent de s’engager ou de faire la réserve et respectent l’uniforme, et les universitaires formés aux sciences sociales, qui constatent que les guerres ont souvent été un moyen de conforter un certain colonialisme, voire que ces mêmes ingérences constituent les causes des conflits actuels, entre ces deux positions, il y a un monde.
Ce qui est certain, c’est que toute guerre est une défaite de la pensée, que si un conflit armé a lieu, chacun d’entre nous doit essayer de « raison garder », d'en comprendre les nuances. Par exemple, qu’Israël se bat contre une organisation terroriste dont l’objectif est de le détruire et l’a prouvé de la pire des manières ; que s’ériger contre le Hamas n’est pas anti-palestinien, encore moins faire preuve d’islamophobie ; ou que l’on peut souhaiter des corridors humanitaires et la remise en cause de la politique d’occupation illégale par les « colons » israéliens en Cisjordanie sans être antisémite. Malheureusement, l’être humain du XXIe siècle est toujours incapable d’éviter de se battre avec son voisin pour un bout de terre au nom de la paix.
Kill who ?
Didier Périès
Dans la foulée de la loi 96, encore fortement discutée par nos compatriotes anglophones, et ses conséquences, apparait aujourd’hui une nouvelle pomme de discorde. Avant d’en parler, je tiens à rappeler qu’en principe, enlever aux uns et penser que mécaniquement les autres en bénéficieront parait séduisant, mais s’avère généralement naïf ou simpliste.
La nouvelle ? Le gouvernement caquiste a annoncé la semaine dernière une nouvelle mesure concernant les frais d’inscription dans les universités anglophones pour les résidents hors Québec. Ce que décrient rageusement ROC et les Anglo-Québécois est le fait que Les droits de scolarité, progressivement dérèglementés ces dernières années (notamment ceux des étudiants internationaux), vont désormais être intégralement payés par les étudiants eux-mêmes. Pour être plus précis, les candidats qui viennent d’autres provinces ou de l’étranger, paieront ce que coûte effectivement leur formation, soit le double du montant actuel, par exemple et respectivement, près de 17 000 $ et 20 000 $ par année à l’Université Concordia. Par ailleurs, le gouvernement compte augmenter la part qu’il prélève sur ce revenu, afin, clame-t-il, de la reverser au réseau universitaire francophone.
Quelques précisions cependant. D’abord, un prix plancher sera effectivement imposé aux étudiants étrangers (sauf les Français, les Belges ou d’autres ayant des ententes bilatérales), les universités pourront facturer davantage à leur discrétion. Ensuite, cela seuls les nouveaux inscrits à la rentrée de septembre 2024 sont touchés, y compris les nouveaux inscrits en deuxième cycle, quand il n’y a pas de mémoire à écrire. Enfin et surtout, les frais n’augmenteront pas pour ceux qui s’inscrivent dans une institution francophone.
On a entendu des défenseurs de l’argument économique (Valérie Plante, mairesse de Montréal et plusieurs groupes de pression anglophones), ils ne tiennent pas : un peu moins de 5 % des étudiants au Québec viennent du reste du Canada et 16 % de l’étranger, et ces revenus issus des droits de scolarité constituent plus de 40 % du revenu total seulement pour les universités anglophones ! La mesure les poussera vers Toronto ou Vancouver ? Eh bien, ils verront par eux-mêmes combien coûte le logement là-bas ! Même avec des droits de scolarité clairement plus élevés, le Québec et Montréal restent encore très concurrentiels, tous frais inclus.
De plus, il est bien établi que ces institutions constituent une porte d’entrée pour de futurs Canadiens unilingues qui repartent dans d'autres provinces, ou restent, mais sans apprendre le français ; il en va de même des étudiants ontariens, qui forment le gros des troupes : aussitôt leur diplôme en poche, ils reviennent en Ontario tout en contribuant à l’anglicisation de Montréal pendant leurs études. En période de pénurie de personnel, particulièrement dans la santé, je suis vraiment content que mes impôts forment des médecins qui partent exercer ailleurs !
Quant à Legault, il espère faire coup double, probablement par calcul politique : il dame le pion sur la défense du français à un Parti québécois montant et va chercher quelques millions de dollars supplémentaires. Même si c’est le cas, mais là n’est pas le problème… L’enjeu est plutôt le désengagement de l’état dans la formation postsecondaire ; c’est en sens inverse qu’il faudrait aller, afin de rendre l’éducation supérieure plus accessible ! En revanche, couper dans le budget des cours de français à McGill est franchement une mesure de rétorsion mesquine : comme si McGill se préoccupait de toute façon du français !
Pensée carrée, pensée binaire
Didier Périès
Vendredi dernier a eu lieu la traditionnelle Marche pour le climat de fin septembre, la même qui avait vu Greta Thunberg y participer en 2019, à Montréal et qui avait connu une mobilisation record à Ottawa. Dans le même temps, le premier ministre Trudeau a connu une réunion mouvementée de son caucus, en cette rentrée parlementaire. Il est critiqué, probablement victime de l’usure du pouvoir, mais pas seulement : à force de promettre à chacun ce qu’il veut entendre et de n’entreprendre aucune réforme majeure, tout en préservant les relations avec le NPD, il parait juste ne pas avoir de colonne vertébrale. Et même si la question du logement est sur toutes les lèvres en ce moment et que le gouvernement libéral, sous la pression des provinces, dont le Québec, tente de reprendre la main en annonçant une exemption de TPS sur les matériaux et la main-d’œuvre pour la construction de logements locatifs, on passe à côté du grand enjeu de notre époque: la crise climatique en cours et ses conséquences dans tous les aspects de notre existence.
Les conservateurs, quant à eux, mènent par 14-15 points dans les sondages. Ils sortent de leur congrès annuel plus motivés que jamais… À part qu’ils n’ont pas de programme autre que de critiquer la gouvernance libérale et mener des attaques ad hominem. Le discours de Poilièvre est d’une affligeante pauvreté. Sérieusement, avoir pour principe politique le « bon sens », peut-on imaginer plus populiste et justement dénué de sens ? Par contre, soutenir le blocage à Ottawa ; enlever à la banque du Canada tout pouvoir ; développer, encore plus que le parti libéral, la production pétrolière ; abolir Radio-Canada et CBC ; remettre en cause l’avortement, les avancées sur la question du genre, voilà à quoi mène le « bon sens » du chef conservateur !
Or je constate avec stupeur que les électeurs canadiens sont incapables de penser autrement que de manière binaire : on est tanné des libéraux, alors votons conservateur ; quand on sera tanné des conservateurs, on votera libéral. Enfin ! pas plus que la réalité est seulement noire ou blanche, le spectre politique ne se résume à ces deux partis qui ont gouverné le Canada depuis 150 ans. Quid du NPD et du Parti vert du Canada ? Pourquoi ne pas envisager les autres alternatives existantes ? Pourquoi ne pas leur donner leur chance dans la mesure où PCC et PLC ont montré leur incurie à opérer les changements nécessaires pour affronter la crise climatique et les injustices socio-économiques grandissantes ? Pour peu que l’on comprenne que donner la balance du pouvoir, c’est donner le pouvoir! Chaque vote compte ! Et cela ne prend que quelques députés de plus au parti vert ou au NPD pour l’avoir, ce pouvoir qui permet d’influer sur les politiques du parti qui gagnera les élections.
Alors, qu’est-ce qui cloche ? La fameuse « tradition britannique », que tant de Canadiens — et au fond monarchistes — défendent pour sa stabilité (que d’autres pourraient plutôt appeler de la rigidité), ce cadre de pensée nous empêche d’avancer sur la voie d’une pleine démocratie qui favorise vraiment le multipartisme et donc réponde mieux aux sensibilités des électeurs. Qu’attendons-nous nous donc pour nous affranchir de ce cadre simpliste et binaire, penser la politique d’une manière plus ronde, plus nuancée et exprimer un véritable vote stratégique ?
L’école du futur
Didier Périès
Je m’en allais gaiement vers un éditorial plus environnemental, parce qu’après l’été que nous venons de passer au Canada, il y a des raisons d’en parler… et d’agir. Mais nous y reviendrons. En effet, j’ai été coupé dans mon élan par une actualité toute chaude, pas seulement la rentrée scolaire en général, mais ma rentrée scolaire dans mon école.
Dans mon école, on se targue d’être à la fine pointe de l’éducation, d’en suivre — voire d’anticiper — les dernières tendances. Vendus au tout technologique, nos élèves ont en classe non seulement leur téléphone, mais également un ordinateur et une tablette, cette dernière étant fournie les premiers jours d'école. Nous jonglons avec les applications, slalomons entre TikTok et Instagram, surfons sur les différentes plateformes existantes… Nos élèves sont-ils plus intelligents, plus savants qu’ailleurs ? En tout cas, ils savent exploiter les facilités qu’offrent les outils numériques et l’internet à leur avantage.
Dans mon école, on promeut l’initiation aux affaires, à l’économie, à la comptabilité dès le secondaire 3 et aux technologies autant que faire se peut, comme clefs de la réussite scolaire, professionnelle et existentielle. La route est toute tracée vers un gros salaire, des postes exécutifs et la promotion sociale. Les langues, les arts et les sciences sociales, à quoi ça sert ? Nos anciens élèves sont-ils plus heureux qu’ailleurs ? En tout cas, ils savent trouver les voies rapides pour gagner beaucoup sans être trop intelligents ni forcément des citoyens responsables.
Dans mon école, on applaudit à l’arrimage entre éducation supérieure et monde de l’industrie, car tout est industrie, des arts au droit, en passant par la santé ou l’éducation… Les étudiants doivent pouvoir répondre à la demande des entreprises par des formations adéquates et remplir les postes de spécialistes de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage, d’experts, de la soutenabilité, d’analystes en intelligence des affaires ou en sécurité de l’information, d’ingénieurs en technologie financière. Ces mots vous sont étrangers ? Normal, ce sont des professions émergentes. Nos élèves ont-ils plus d’esprit critique ou sont-ils de plus grands penseurs qu’ailleurs ? En tout cas, ils savent se faire ouvrir les portes des meilleures formations universitaires canadiennes en s’arrogeant les meilleures bourses au passage.
Parce que voyez-vous, dans mon monde (éducatif), les individus sont en concurrence les uns avec les autres, ils doivent se bâtir un CV qui leur donne un avantage compétitif, ils développent leurs compétences d’analyse, d’adaptation, de communication, de créativité, de contrôle qualité et de leadership plutôt que leurs connaissances et leur capacité de raisonnement ou leur altruisme. Car rien n’est gratuit en ce bas monde, le bonheur est forcément proportionnel à la taille de notre compte en banque et seuls les meilleurs arrivent en haut de l’échelle sociale.
Pour ces gens-là, au diable l’éducation à la citoyenneté, la responsabilité sociale ou l’invention d’un monde plus juste et solidaire ; la panacée est de pouvoir mettre ses compétences transversales au service de l’entreprise, de sa propre entreprise ! À l’image du monde de demain, l’école de demain ne peut être que globale, entrepreneuriale, toujours dans l’ « innovation » pédagogique pour n’être finalement que des usines à reproduire une structure sociale inégalitaire. Une école pleine de jeunes « compétents », mais ignorants, ouverts à la diversité, mais égoïstes, censés penser « en dehors de la boîte », mais sans véritable désir de changer le monde.
Dernière
Didier Périès
Toujours dans la série de chroniques inspirées de ce qui se passe en France cet été, puisque j’y suis encore en vacances, je vous offre ce texte. Il devrait vous remonter un peu le moral, en ces temps mornes où l’horizon parait bouché, parce que loin des grandes idées — voire des idéaux — loin des discours creux sur les misères de notre époque avec leurs solutions à court terme et à trois sous – desquels je reparlerai sous peu — il y a les relations humaines qui nous remplissent de bonheur et nous réchauffent le cœur.
J’écris ces quelques mots au lendemain du mariage de ma sœur. Vous vous étonnez et doutez que votre éditorialiste préféré (et quinquagénaire) ait une sœur si jeune ? Vous avez raison, elle n'est pas dans la vingtaine, mais elle a bel et bien pris la décision de se marier (civilement) avec son conjoint, après plus de vingt ans de vie commune. Cela change-t-il quelque chose au fond ?
Un peu quand même, puisque l’expérience de vie qui conduit à ce genre de choix n’est pas la même à 45 ans qu’à 25 ans ; le statut des amis invités, les liens qui les unissent aux mariés sont différents. Imaginez que pour faire simple, ils n’avaient invité que les parents, les frères et les parrains/marraines… les deux tiers de l’assistance étaient donc constitués uniquement des amis, et quels amis ! J’ai failli dire les vrais amis, car rendu à 45-50 ans, le temps a opéré une certaine sélection naturelle parmi nos connaissances. En général, ceux et celles qui restent appartiennent à notre paysage affectif, ils nous connaissent très bien, ils font en quelque sorte partie de la famille.
Et moi là-dedans ? Eh bien je les ai rencontrés, j’ai eu le temps de faire la connaissance de chacun-e d’entre eux tout au long des 24 heures où je les ai côtoyés. Ah ! Oui j’avais oublié de dire qu’en France, souvent encore, si le mariage commence dès la rencontre des invités avant la cérémonie, comme ailleurs, disons vers 11 h 30, il se prolonge par un apéritif, puis un long repas, avec des animations et des jeux, avant un souper et une soirée qui se termine à 3 h, 4 h ou 5 h du matin (voire pas du tout) ; et le lendemain matin, on se retrouve pour un déjeuner et un dîner ensemble…
Convivialité, partage, longues conversations à bâton rompu, le plus souvent sous les effets de l’alcool (le « petit jaune », le fameux Ricard, auquel s’ajoute la bière, les vins — un différent pour chaque plat — et les bulles !) ! Les langues alors se délient, on apprend des choses sur les uns et les autres, en particulier sur les mariés. De confidence en confidence, à l’évocation des bons et des mauvais souvenirs, on apprécie davantage le temps passé, l’histoire commune, l’amitié qui nous unit…
Et c’est précieux. En langage moderne, c’est du « temps de qualité ». En termes plus prosaïques, c’est du pur bonheur. Nul besoin de drogues de synthèse, de dépenses à coup de milliers de dollars ou de grands tralalas, la formule magique est plus beaucoup plus simple : partagez du temps avec les gens que vous aimez et qui vous aiment. Parce que comme Big Flo et Oli le chantent, il faut se dire que « ça peut pas être la dernière ».
De l’info, encore de l’info, toujours de l’info!
Didier Périès
Ah ! Enfin une bonne nouvelle… si l’on y réfléchit bien ! Vous avez entendu parler de la loi C-18 du gouvernement Trudeau ? Elle a été votée en juin et dans cinq mois, elle entre théoriquement en application. En gros, les « géants du web » tels Méta –, Facebook, Instagram, WhatsApp — et Google notamment, auront trois mois pour s’entendre avec les médias canadiens sur une somme qui leur sera versée en guise d’indemnité ; sinon, il y aura médiation, puis arbitrage par le CRTC dans les cinq mois qui suivent. Les libéraux encadrent donc plus qu’ils ne forcent le changement, mais au moins ils agissent.
En tout cas, ladite redevance est une contrepartie pour le partage d’articles et de reportages par les médias traditionnels. En effet, ce sont bien ces derniers (les journaux, les radios, les organes de presse) qui emploient les journalistes sur le terrain, afin de faire la cueillette d’information, puis de rédiger les textes ou monter des reportages audio et vidéo. Vous conviendrez également que les médias sociaux, qui offrent des fils d’actualité, ne font que réutiliser ce contenu sans jamais rien payer, alors qu’ils engrangent des profits grâce à la publicité qu’ils attirent sur leur plateforme et aux abonnements que leurs clients contractent ? Il parait donc logique et raisonnable qu’ils payent leur juste part dans ce monde où tout a un prix, même l’air et l’eau que nous respirons et où les revenus des médias d’information ont plongé drastiquement, menaçant aujourd’hui jusqu’à leur existence même. Pourquoi l’information en serait-elle exclue ?
Certain-e-s pourraient se demander si l’on n’en fait pas trop, ou au contraire, pas assez. C—18 est-elle comparable à ce qui se fait ailleurs ? Examinons les faits. En Australie, depuis 2021, les GAFAM rémunèrent à coup de centaines de millions de dollars par an les médias pour la reprise de leur contenu d’information. En France, un accord a été conclu en 2022 entre Google et les agences de presse. Et en Californie, plusieurs projets de loi ont été adoptés ou vont l’être, afin de mieux réguler les médias sociaux et en particulier pour rémunérer les rédactions, qui fournissent l’information originale, à hauteur de 70 % des revenus perçus par les entreprises du numérique qui les publient. Le titre en est éloquent : « Loi de préservation du journalisme ». Finalement, le dicton dit vrai : quand on se compare, on se console.
En vérité, c’est encore mieux… Méta croit punir les citoyens en coupant l’accès aux pages d’informations des grands quotidiens sur Facebook. Au contraire, merci Mark Zuckerberg ! Et oui, cette situation va nous pousser à consulter directement les organes de presse et non à nous informer indirectement, via des entités à but lucratif qui n’ont ni d’éthique professionnelle ni de compétences particulières pour juger de l’importance des nouvelles à offrir à leurs clients. Nous avons été et sommes encore, dans une certaine mesure, les otages des GAFAM. Vous remarquerez que les nouvelles partagées sont trop courtes, incomplètes pour vraiment comprendre l’actualité en plus d’être non exhaustive (tous les sujets ne sont pas couverts). À la limite, on pourrait presque qualifier cela de désinformation… Alors, rendons-nous plutôt directement à la source, qu’il s’agisse du site web, de la version papier ou du balado confectionnés par les professionnels de l’information que sont les journalistes.
Madame B., la femme forte du Québec
Didier Périès
Comme elle portait bien son nom ! Avant même de savoir que Bombardier était le patronyme de l’inventeur de la motoneige et un constructeur d’avions, j’avais eu vent de ce nom peu commun en France. D’abord, parce que j’avais assisté en direct au coup d’éclat de Denise Bombardier dans les années 1980, face à l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff, et puis au fil des années, lors des différentes et nombreuses visites de Madame B. effectuait dans l’hexagone.
Si elle fut l’exemple même de toute une génération de femmes québécoises nouveau genre, qui bénéficièrent de la Révolution tranquille, en accédant à une éducation supérieure non religieuse (1964 : baccalauréat en arts ; 1971 : maitrise en science politique à l’Université de Montréal), c’est en France qu’elle vécut et étudia par la suite avant d’obtenir son doctorat en sociologie. De là probablement, sa vaste culture générale et son intérêt pour la chose sociopolitique, avec une bonne dose d’indépendantisme et d’engagement dans la défense du français.
Cependant, à mes yeux, Denise Bombardier était avant tout une écrivaine. J’ignorais alors qu’elle avait déjà à l’époque une carrière dans les médias, et en particulier à Radio-Canada, comme recherchiste, ensuite comme animatrice ; parcours qui ne s’arrêtera qu’en 2003. Interviewant les plus brillants esprits (francophones) de son époque, elle fut quand même la première femme à la tête d’une émission d’affaires publiques ! Elle fit même du cinéma !
Entretemps, sa carrière d’autrice avait pris son envol : articles, chroniques, blogue, paroles de chanson, essais et romans… plus de vingt ouvrages, étalés sur 35 ans, avec quelques titres marquants, surtout autobiographiques, et qui constituent également des repères dans sa bibliographie : Une enfance à l’eau bénite, L’Anglais et ses mémoires, dernier opus paru en 2018, Une vie sans peur et sans regret.
Au-delà, et cela tous les témoignages des personnes dont le chemin a croisé celui de madame B. ou de celles qui l’ont vue ou lue le confirment, outre sa culture, c’était sa personnalité qui marquait les esprits. Franche, voire grande gueule, passionnée, courageuse, généreuse, ambitieuse, elle pouvait paraître revêche et trop directe en public à plusieurs. Toutefois, en ce qui me concerne, elle incarnait la femme québécoise intellectuelle, libérée par son éducation sur bien des sujets, la Québécoise moderne de l’après-Révolution tranquille. Teintée encore d’un certain conservatisme, il est vrai, mais un exemple à suivre à certains égards. Et dans la sphère privé, elle semblait plus ouverte et débridée !
Son enfance sous la coupe d’un père au verbe assassin et dominateur explique certainement la propension de madame B. aux réparties cinglantes lors de diverses disputes et polémiques, littéraires ou pas, auxquelles elle aura participé tout au long de sa vie. Toutefois, on ne saurait la réduire à quelques bonnes phrases. Elle avait des opinions tranchées sur bon nombre de thèmes clivants, identitaires, qui agitent encore aujourd’hui la société québécoises (le statut du français, la place des femmes, la laïcité pour n’en nommer que quelques-uns). De fait, elle provoquait donc des réactions entières : on l’aimait ou on al détestait.
Rien à dire, Denise Bombardier portait bien son nom, et personne ne pourra jamais le lui reprocher. J’ai personnellement beaucoup apprécié son Dictionnaire amoureux de la langue française. Déformation professionnelle, j’imagine. En tout cas, une grande Québécoise nous a été brutalement arrachée.
Qui sont les Québécois ? Qui sont les Canadiens ?
Didier Périès
Quelque part entre la « fête nationale de la Saint-Jean-Baptiste » et la « fête nationale du Canada », j’écris ces lignes. Vous aurez noté la redondance de ces expressions, qui illustre déjà un aspect du problème... Et puis, parlons plutôt de « nous »!
Une première réponse consisterait à analyser les composantes de ces populations d’une manière statistique. Au Canada, aujourd’hui, environ les trois quarts sont « blancs » (caucasiens), 16 % asiatiques, 5 % autochtones et 4 % noirs ; dont 75 % qui ont l’anglais comme langue d’usage et 21 % le français. Si l’on incluait l’origine par pays ou par continents et la langue maternelle, une plus grande diversité encore apparaitrait ; près de 13 % de la population parle une autre langue que l’anglais ou le français à la maison… Ajoutons que ces chiffres ne rendent compte ni de la répartition géographique (est-ouest ; par province) ni de l’histoire de ces communautés. Pour ce qui est du Québec, le français y est sans surprise majoritaire à 80 %, l’anglais à 6 %, talonné par l’arabe (4 %), avec des origines surtout « canadienne » ou européenne ; Asiatiques et Africains constituant moins de 10 % de la population. Sont également absentes les grandes tendances migratoires et historiques, surtout récentes, et la référence à l’origine « canadienne » parait incongrue : sont-ce seulement les citoyens nés au Canada ? Or c’est bel et bien l’Histoire qui a forgé la situation sociodémographique et le statut des langues actuels : nous sommes tous des voyageurs ou leurs descendants, qui nous sommes arrêtés ici à un moment donné ; certains, comme les autochtones, il y a bien plus longtemps. À cet égard, nous ne pouvons prétendre à être davantage que les « gardiens » de cette terre et non les propriétaires.
Cependant, connaitre tout cela ne nous empêche pas de nous questionner sur notre identité. C’est même nécessaire pour avancer, individuellement autant que collectivement. Le problème au Canada est que notre histoire en tant que pays « indépendant » date à peine d’un siècle et que l’immigration (notre ADN en tant que société) a superposé les couches de population aux origines, cultures, religions, usages et valeurs différentes. Le Québec a suivi la même trajectoire, mais à retardement et parce que retardé par l’omnipotence de la culture catholique francophone, elle-même longtemps dominée par une élite socio-économique protestante anglophone. Et il faut l’admettre, le racisme, bien que systémique, n’est pas non plus absent entre les communautés minoritaires, y compris dans ce ROC, souvent donneurs de leçons d’ouverture d’esprit au Québec, mais qui ne pratique pas nécessairement l’intégration par les mariages mixtes ou l’interculturalisme.
Comment faire dès lors ? C’est là que la politique, incarnée théoriquement par nos représentants élus, intervient, en bâtissant un cadre, en donnant une direction, un sens à cette identité qui évolue constamment. Cela peut passer par la création d’un « destin national », à travers les exploits militaires lors des guerres qui ont émaillé les cent dernières années, à travers les grands mouvements sociaux, telle la révolution tranquille, ou encore à travers une idéologie (le multiculturalisme et le bilinguisme canadiens). Dans tous les cas, pour moi il est clair que l’on ne peut résumer notre identité collective à la somme de nos identités individuelles, mais si « fête nationale » il doit y avoir, elle se doit d’inclure le plus grand nombre.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois
Didier Périès
Je sais que l’actualité de ces derniers jours a tourné — fort opportunément d’ailleurs pour les partis au pouvoir, tant au niveau provincial que fédéral — autour de l’immigration et de la langue, deux sujets qui touchent aisément la population, parce qu’ils ont quelque chose de concret, à défaut d’être vraiment palpables. Ils nous interpellent, pas vrai.
Et bien justement, ils ont occulté un autre enjeu, pourtant majeur, sur lequel le gouvernement caquiste doit rendre des comptes : la réponse à la crise climatique. Et plus spécifiquement son « plan pour une économie verte 2030 ». Pour commencer, le fait que l’environnement soit envisagé sous la seule perspective de l’économie en dit long sur la cécité idéologique (et scientifique) de notre société. Les enjeux sociaux (éducation, santé), économiques (industrialisation, investissements, revenus…), politiques et environnementaux sont interconnectés, mais pas pour François Legault.
D’ailleurs, parler de « plan », pour ce qui est au mieux une liste d’épicerie, est bien pompeux ; le premier ministre du Québec présente son rejeton comme « le plus ambitieux des soixante états et provinces d’Amérique du Nord », rien de moins ! Il est vrai que l’on ne peut taxer Legault d’inaction : certaines mesures sont bonifiées, variées et intéressantes, par exemple en matière de transition vers des emballages écoresponsables dans l’alimentation, de décarbonation des bâtiments ou de transport actif. Ses formules sont hyperboliques : le « réchauffement climatique [et non la crise] est le défi du XXIe siècle ». Mais franchement, ses actions ne sont pas à la hauteur.
Il table d’abord sur l’électrification grandissante du transport (individuel, scolaire, marchand), parce que nous avons évidemment l’hydroélectricité ! On sait bien que cette ressource est pour ainsi dire illimitée et peu chère. Or 1) elle a un coût financier et environnemental certain (2,1 cents/kWh à la production certes, mais surtout la destruction d’écosystèmes entiers) 2) si nous devions tous avoir un véhicule électrique, nos barrages électriques n’y suffiraient pas 3) le Québec achète au Labrador une énergie à un prix honteux — 0,25 cent/kWh — qui ne peut qu’augmenter dans les années à venir. Dans la pensée un peu simpliste de la CAQ, cette source d’énergie renouvelable et peu polluante serait la solution magique à tout… ou presque.
Pour le reste, on peut compter sur les progrès technologiques. C’est certain, on va régler avec la technologie les problèmes de l’érosion des berges, des vagues de chaleur, de la gestion des déchets, du gaspillage éhonté de l’eau douce, de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, de la multiplication des inondations monstres et des grands incendies, ou de la multiplication des problèmes de santé respiratoires. Dans mon univers un peu rationnel et critique, on appelle cela la pensée magique. Comment un gouvernement qui se dit pragmatique, près de la réalité des gens, peut-il afficher une telle ignorance, une telle déconnexion ?
Il n’y a dans son action aucune vision cohérente et globale, véritablement informée et stratégique sur la crise climatique. Les mots de François Legault sont contredits par les actes de ses ministres, à commencer par le peu d’argent qu’il prévoit de donner aux municipalités, pourtant en première ligne, quand il s’agit des conséquences concrètes et quotidiennes du dérèglement climatique. 850 millions de dollars sur cinq années, au lieu des 2 milliards réclamés. C’est ce que notre avenir vaut pour la CAQ.
Les pieds dans l’eau
Didier Périès
Je vous l’avoue, j’ai hésité. Parler de notre nouveau roi était tellement tentant ! Un moment historique comme celui-là, pouvais-je ne pas en parler ? C’est vrai, on ne peut que tomber en pâmoison devant le charme désuet de ces individus intouchables, qui se reproduisent peu ou prou entre eux, héritent d’un titre sans avoir besoin d’étudier ou de travailler, qui se vêtissent comme il y a deux cents ans. Après tout, la famille royale anglaise, qui peut encore défaire nos gouvernements à 7000 km de distance, et la monarchie en général n’incarnent-elles pas tout ce qu’il y a de plus rétrograde et colonialiste ?
Plus sérieusement, si l’on évite de se faire tirer du lit à deux heures du matin pour évacuer notre maison à cause de grands incendies, pourra-t-on garder la tête — ou la maison — hors de l’eau, quand on observe la récurrence et l’amplitude des inondations que l’on vit ? Nous devrons de plus en plus nous poser collectivement cette question dans les années à venir. Et y trouver une réponse.
On me rétorquera qu’il y a en fait plusieurs réponses. Par exemple, par la prévention, en cartographiant les zones inondables, en s’assurant que les municipalités et le gouvernement provincial préparent des plans d’intervention, en règlementant plus strictement le zonage résidentiel, en ajustant la fiscalité pour pouvoir reloger les résidents des zones inondables, en redessinant les trottoirs en y ajoutant des saillies ou en protégeant mieux les milieux humides pour détourner les eaux des égouts qui débordent… Quelques-unes de ces actions sont aujourd’hui en cours après les inondations de 2017 et de 2019. Toutefois, trop souvent, les différents paliers de gouvernement sont en mode « gestion de crise » !
D’autres pourraient avancer que la problématique est plus fondamentale, ontologique : pourquoi vouloir à tout prix contrôler Mère Nature, au lieu d’accepter ses humeurs et ses excès? Après tout, quel orgueil de penser que l’on puisse lui être supérieurs ! Aujourd’hui, les chercheurs et les scientifiques ont introduit le concept d’« espace de liberté » des cours d’eau, qui s’accompagne d’un principe de travail avec elle. En clair, plutôt que de construire des digues et de surélever les maisons, on réaménage les rives et on relocalise les habitations. Certaines MRC (Coaticook, Saint-André d’Argenteuil) mettent cela en pratique ; leur nombre est grandissant, mais on en est encore à des projets de recherche à l’échelle provinciale.
Enfin, parler des cours d’eau au Québec, c’est immanquablement aborder la question culturelle. Le peuplement s’y fait par les rivières, le long des rivières, bravant depuis toujours les éléments. Est-il dans ces conditions raisonnable de penser que l’on pourra déménager tant de Québécois riverains ? Comment les convaincre, nous convaincre d’abandonner tout ce patrimoine bâti ? Quid des maisons centenaires, des maisons de notre enfance ? C’est plus fort que nous, c’est consubstantiel de notre identité ! Malheureusement, tout comme les inondations le sont des rivières, résultat naturel des crus et de la fonte printanière chaque année.
Conséquence : pas plus tard que la semaine passée, les municipalités ont réclamé plus de 2 milliards pour faire face à la crise climatique. Ce n’est que le début… Le gouvernement caquiste leur a répondu qu’il n’avait pas la marge de manœuvre, après avoir consenti une baisse d’impôt équivalente. Il se dit peut-être que les gens pourront toujours s’acheter une pompe ou un bateau gonflable avec !
Nouvelle offensive contre le français…
Didier Périès
… sous prétexte de défendre le bilinguisme. Alors que les attaques contre la loi 93 continuent, on assiste à une nouvelle levée de boucliers du Canada anglophone contre la loi C13, dite « sur les langues officielles », qui permettra peut-être aux libéraux de récupérer le Québec aux prochaines élections fédérales. Non pas qu’ils croient dans un bilinguisme officiel somme toute assez récent, mais ils le pratiquent parfois tièdement. Cependant, la reconnaissance que la situation des deux langues est asymétrique constitue une étape historique. Le gouvernement Trudeau aurait même atteint ses cibles d’immigration francophone pour la première fois ! Cibles modestes, mais bon…
Maintenant, au tour des juges à la retraite de voir leur argumentaire fallacieux répercuté dans les journaux du ROC. Et les propos avancés sont assez incroyables. Par exemple, la rénovation de la loi sur les langues officielles conduirait à une fracture entre les deux groupes linguistiques, rendant les positions inconciliables. Ah ! Oui ? Mais 1) ce clivage existe déjà 2) de quelle attitude parle-t-on ? En effet, si l’on observe simplement le milieu de travail qui représente la quintessence de cette loi (le gouvernement fédéral et ses ministères), alors les faits sont là : les réunions se font en anglais ; les francophones se heurtent souvent à un plafond de verre pour accéder aux postes de direction les plus élevés ; le niveau C ou l’exemption restent plus faciles à atteindre en français qu’en anglais.
De plus, contrairement à ce que prétend le vénérable juriste, nous sommes loin de la situation de la Belgique et de sa « dualité linguistique » ; même si certains points communs existent, l’anglais reste la langue très largement majoritaire en Amérique du Nord, la langue d’une grosse partie des affaires et celle d’Hollywood. Comment peut-on encore arguer que la loi actuelle, qui date de 1988, rompt l’« équilibre » entre la situation de l’anglais et celle du français ?
Ultime argument : cela défavoriserait les Canadiens unilingues anglophones. Pardon, je croyais que tout le monde apprenait le français à l’école, au Canada. J’ai dû me tromper… En tout cas, combien de fois dit-on aux francophones (ou allophones) que l’on ne peut travailler sans l’anglais ? D’ailleurs au Québec, les élèves des écoles francophones continuent l’anglais jusqu’en secondaire 5. S’il existe bel et bien deux langues officielles, alors on est en droit d’attendre de la part de tous les Canadiens un certain bilinguisme : francophones autant qu’anglophones doivent faire des efforts… Et pas seulement au fédéral et dans les entreprises de « compétence fédérale », question de principe, non ?
Enfin, depuis 1988, reconnaissons que la situation du français s’est dégradée d’un océan à l’autre, donc cette loi nécessitait évidemment d’être revisitée afin de renforcer le français, aussi peu que ce soit, partout où c’est possible. Le statu quo n’est pas une option, parce qu’il fait immanquablement pencher la balance du côté de l’insécurité linguistique, qui conduit à l’assimilation.
Le véritable bilinguisme n’est pas de se soumettre à la loi du plus grand nombre, mais bel et bien d’être compris dans la langue de son choix et de pouvoir comprendre l’autre langue officielle : parlez-moi en anglais si vous voulez, je vous répondrai en français ; si nous nous comprenons, personnellement, je n’y verrai aucun inconvénient. Au Canada, je m’attends à pouvoir la pratiquer en tout temps, en tout lieu.
Régressisme
Didier Périès
Je sais, le mot n’existe pas… mais convenez qu’il faudrait l’inventer. Après tout, le terme « progressisme » existe bel et bien, lui ! Je plaide souvent pour éviter de nous comparer aux États-Unis. En effet, même si nous sommes nord-américains, avec un mode de vie comparable, nos valeurs sont, je crois, différentes — résultat d’une histoire et d’un substrat culturel distincts — à fortiori en tant que francophones.
C’est vrai en général, mais là, j’ai un doute. Le virage à droite qui me préoccupe est insidieux, mais bien réel, et on le retrouve à l’échelle internationale. Il a déjà une influence chez nous, quand on voit l’émergence d’Éric Duhaime et la montée en puissance au fédéral de Pierre Poilièvre. Tous deux ont fait leur la célèbre maxime du journaliste français Léon Zitrone, qui a formulé une tactique aussi vieille que l’humanité : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe ! L’essentiel, c’est qu’on parle de moi. ». J’ose espérer que leurs sorties respectives ne sont pas plus que cela, parce s’ils croient vraiment aux âneries qu’ils profèrent…
Juste pour n’en citer qu’une du chef du Parti conservateur du Canada (PCC) : il voudrait que CBC soit désignée par twitter comme un « média financé par le gouvernement » (au même titre que Russia Today en Russie ou China Xinhua News en Chine), parce qu’il faudrait « protéger les Canadiens contre la désinformation et la manipulation des médias d’état ». La radiotélévision publique au Canada, est financée en — petite - partie par le gouvernement certes, mais ce dernier ne peut intervenir dans le contenu éditorial et la liberté d’expression est respectée ici globalement, faut pas rigoler !
Ce genre de remarques, qui nous ferait retourner au siècle dernier, n’est que la partie émergée d’un iceberg idéologique qui s’étend de plus en plus sur le continent. Pensez aux dernières remarques d’Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec. Sa pétition pour interdire les dotations aux activités de lecture dans les bibliothèques du Québec par des drag-queens au prétexte que… Que quoi ? Qu’elles « vont commencer à essayer de transformer les enfants en « wokes » ? Une drag-queen n’est rien d’autre qu’un homme qui se déguise en caricature de « femme » ; rien de plus « straight » en fait. Comme l’homosexualité, ce n’est pas une maladie virale ! La semaine précédente, il se disait opposé à ce que l’état règlemente le travail des enfants. Ben oui ! Faisons confiance aux parents pour les mettre au turbin à n’importe quel âge ! Comme dans les mines de charbon du XIXe siècle, avant que les luttes syndicales ramènent peu à peu l’âge de l’éducation obligatoire à un niveau acceptable, du moins en Europe, parce qu’ici, faire travailler les enfants au lieu de les éduquer ne semble choquer personne. Pour ne pas « faire mon Français », un exemple venu du Royaume-Uni : le travail des enfants de moins en 11 ans y a été interdit en 1891 ! Avec Duhaime, on serait à peine mieux, c’est dire !
Et chez nos voisins, après la Floride, c’est maintenant au tour du Mississippi, du Texas, de la Pennsylvanie et du Tennessee : après la remise en cause du droit à l’avortement, on s’attaque au contenu des bibliothèques publiques, en censurant par la loi les publications qui parlent d’homosexualité, de diversité de genres, de racisme ou de dictature. Un avis là-dessus messieurs Duhaime et Poilièvre ?
Libres de circuler… et d’en mourir
Didier Périès
Comment ne pas être touché-e par le drame mortel survenu sur le territoire Mohawk d’Akwesasne ? Bien sûr, plusieurs questions s’ensuivent : que faisaient là ces deux familles à vouloir traverser le Saint-Laurent ? Qui les accompagnait ? Et pourquoi ? Y avait-il quelque chose à faire pour éviter leur mort ? Les lois en vigueur suffisent-elles ? Est-ce un problème de moyens donnés aux autorités, en particulier à la police autochtone ?
Intéressons-nous aux humains. À ce qui fait qu’un individu est prêt à risquer sa vie, et celle de ses proches — pour aller ailleurs. Je réponds souvent aux gens qui s’étonnent que j’aie quitté le sud-ouest de la France pour le Canada : « L’herbe est plus verte chez le voisin ». Même si cela est fondamentalement vrai, c’est insuffisant pour répondre complètement à la question. Quelle que soit la motivation des émigrants/immigrants — que l’on ne peut juger tant c’est intime — il faut comprendre que, parfois, n’importe quel ailleurs est mieux que ce que l’on connait. Et se déplacer, ce que l’on appelle la « liberté de circulation » est un droit humain fondamental : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays » (Déclaration universelle des droits de l’homme, article 13).
Cependant, pour la majorité des états dans le monde, cela ne signifie pas pour autant entrer et sortir — et même séjourner — sans contrôle. Bref, nous avons le droit d’émigrer en général, mais pas celui d’immigrer ! Ce qui paraît un peu contradictoire, mais explique tant de situations problématiques que nous vivons aujourd’hui.
Au bout de cette logique, un constat implacable : nous ne sommes absolument pas égaux au regard du droit à la liberté de circulation ; cela dépend de trop nombreux facteurs, comme le pays de naissance, la nationalité, les législations et autres privilèges. En effet, les ressortissants titulaires d’un diplôme supérieur des pays du sud émigrent davantage. En Afrique subsaharienne, ils ont 37 fois plus de chances de s’expatrier, en raison de politiques d’immigration sélectives des pays du nord global. Pour venir au Québec, plus tu as de diplômes et d’années universitaires, plus tu as de points, ce qui peut te permettre d’obtenir le certificat de sélection du Québec plus facilement…
Toutefois, bien souvent, on ne reconnait pas tes formations. Donc tu as deux options : prendre un boulot alimentaire pour payer ton loyer et faire vivre ta famille ou avoir assez de fonds pour reprendre des études à zéro, quels que soient ton expérience et ton niveau de qualification ! Imaginez le gâchis. Parallèlement, si tu viens d’un pays tel que l’Afghanistan, alors tu peux voyager dans 4 pays dans le monde (sur 195) sans visa, contre 128 si tu es français. C’est à peine mieux pour les Africains, encore une fois.
Et pour finir, quand on ne construit pas de murs — pas seulement aux États-Unis — pour empêcher les demandes d’asile, que l’on n’installe pas de barbelés ou que l’on ne ferme pas les chemins, on utilise les barrières naturelles (montagnes, fleuves…) ; forçant des hommes, des femmes et des enfants, qui ne font que fuir la pauvreté, la faim, les conflits armés et autres maux, à effectuer des voyages plus dangereux, par des voies détournées. 5000 à 8000 personnes en meurent chaque année. Auxquelles, on peut en ajouter maintenant 8.
Équité linguistique, pas égalité
Didier Périès
La semaine dernière encore, je lisais dans le Bulletin cette lettre en pleine page sur deux colonnes de la part de la Task Force on Linguistic Policy. S’il est vrai que la question de l’ingérence chinoise est l’actualité du moment, et que nous devrions nous sentir concernés (truquage des résultats des dernières élections, accès à nos données personnelles par Tik Tok), se joue en ce moment une partie d’échecs cruciale pour notre avenir en tant que pays bilingue, un trait essentiel à notre identité profonde en tant que Canadien, selon les libéraux eux-mêmes.
Or, comme d’habitude, ceux que l’on entend (ou lit) le plus sont souvent les extrémistes, en l’occurrence certains groupes de pression anglo-québécois. Déjà, le fait que leur lettre soit uniquement en anglais montre le peu de cas qu’ils font du bilinguisme ; et puis leur nom, qui est une sorte d’appel à la guerre, confirme l’exagération permanente dans laquelle ils drapent leur propos, ne serait-ce qu’en déclarant que la loi fédérale C13 (sur la modernisation de la loi sur les langues officielles du Canada) est le « précurseur de l’indépendance du Québec et la fin du Canada tel que nous le connaissons » (traduction libre).
Mais n’importe quoi ! Je le sais, vous le savez, nous le savons tous : les Québécois ont passé leur tour historique pour l’indépendance ; pour en être certain, demandez-leur ! Et de quel Canada parle-t-on ici ? Parce que le gros argument de nos compatriotes anglophones est que cette loi ne traite pas également les deux langues officielles… Évidemment ! Dans les faits, les deux langues ne sont pas à égalité, ni à petite échelle (au Québec) et encore moins à grande échelle (continentale). L’égalité suppose une absence de discrimination ; l’équité, d’attribuer à chacun ce qui lui est dû. Que fait-on quand une minorité est historiquement et culturellement lésée ? On lui confère certains avantages (quota, réglementation spécifique, budget, etc.) afin de rétablir l’équilibre. Ce que ces mêmes groupes de pression réclament, en arguant faussement qu’ils défendent les minorités ethniques — comme si tous les immigrants qui arrivent au Québec étaient de facto anglophones ! — pourquoi ne pas l’appliquer au français ? Surtout si l’on considère son statut réel dans la société nord-américaine. Cela s’appelle l’équité.
De plus, les cris d’orfraie qu’elle pousse nous en rappelle d’autres. Elle suggère qu’elle a peut-être été à l’origine des lois passées à partir de 1969 pour la reconnaissance du bilinguisme, ce qui, au passage, n’est pas comme reconnaitre le « fait français ». Mais qu’en disait à l’époque les Anglo-québécois ? Immigrants ou pas, ils parlaient du droit de choisir, surtout, en général, l’anglais ; 20 000 personnes manifestaient déjà devant le parlement en 1969 contre la loi sur le bilinguisme. Et à propos de la loi 101, sans laquelle le français aurait disparu du paysage ? Opposition systématique : opposition en 1974, lors du vote de la loi sur le français comme la langue officielle ; opposition via la Cour suprême en 1979 ; en 1982, via la loi sur langues officielles ; en 1988 sur l’affichage ; en 2010 sur les écoles passerelles… Années après année, toutes ces actions réduisent les droits linguistiques fraichement acquis pour protéger le français. Faut-il rappeler que les communautés québécoises d’expression anglaise, elles, contrairement aux minorités francophones du ROC, ont parfaitement accès aux services d’éducation ou de santé dans leur langue ?
Inaccessible espoir
Didier Périès
La conjonction d’évènement est toute personnelle ; elle ne prétend à aucune objectivité. Toutefois, elle met en lumière l’une des angoisses les plus puissantes qui se puissent parmi les humains et qu’habituellement on refoule. La peur de perdre son enfant est évidemment une réaction instinctive de l’espèce qui refuse de s’éteindre, mais davantage également.
Dans nos sociétés du Nord global, l’enfant est à la fois adulé et haï. En effet, nous vivons dans un univers peuplé de parents « hélicoptères », toujours là autour de leur(s) petit(s), à les accompagner partout et en tout temps, à prévenir le moindre traumatisme - physique ou psychologique - à les surprotéger, quitte à leur laisser croire qu’ils sont les meilleurs, les plus intelligents. Nous vivons dans une société d’éducateurs (enseignants, entraineurs, etc.) dont l’objectif est de développer le potentiel — forcément exceptionnel — de leurs joueurs, de les faire progresser sans douleur, ni épreuve, ni échec (surtout) : tout le monde est bon, tout le monde a gagné… même après une défaite !
Parallèlement, jamais dans l’histoire de l’Humanité, nos jeunes adultes ont-ils moins exprimé le désir d’avoir des enfants, de perpétuer la lignée. L’individualisme exacerbé par une société de consommation et de divertissement, qui vise surtout à satisfaire nos moindres désirs personnels et nous fait prendre des vessies pour des lanternes, les distrait des vrais enjeux de notre temps. Pourquoi s’embarrasser d’un enfant, obstacle à un hédonisme sans frein ? Quel intérêt à grever son budget, à creuser son endettement ? L’horloge biologique ne joue plus. De surcroît, l’horizon qui se présente à notre relève est franchement déprimant : pandémies, guerres, crise de la démocratie, récession économique, sur fond de changements climatiques et d’inégalités flagrantes et grandissantes à tous les niveaux : qui voudrait offrir cela à des petits d’hommes et de femmes ?
Et puis surviennent des tragédies comme l’attaque à l’autobus d’une garderie à Laval, ou, à plus large échelle, les séismes en Turquie et en Syrie aux dizaines de milliers de morts (dont des milliers d’enfants). Et en ce qui me concerne, la disparition subite de l’un de mes anciens élèves (et joueur de tennis) à l’âge de 20 ans, mort d’une rupture d’anévrisme. La goutte de sang qui fait déborder le vase. Alors, on sent bizarre, tout pensif ; comme les autres, on est sonné, frappé dans sa chair, traumatisé. Ce qui ne nous empêche pas de tomber dans le sensationnalisme et le voyeurisme via les médias, dans la sensiblerie dégoulinante.
Il n’en demeure pas moins que le choc est justifié : il n’est pas dans l’ordre naturel des choses que les enfants meurent avant leurs parents. C’est une infraction incompréhensible aux règles de fonctionnement de notre existence et de la vie en général. Ces drames nous renvoient non seulement à ce que nous laisserons derrière nous, mais ils nous renvoient aussi à propre mort. Et c’est effrayant, n’est-ce pas ? Cependant, comme pour la perte d’un enfant, il n’y a pas d’explication… Un-e responsable ? Oui, certainement : le chauffeur d’autobus, la Nature… et quoi d’autre ? Pourquoi ici et maintenant ? Pourquoi un tel et pas tel autre ? On peut toujours lever les yeux aux ciels et invectiver Dieu ou toute autre puissance suprême, nos appels resteront toujours sans véritable réponse. Il n’y a pas de règles en la matière, il n’y a pas de justice.
La vue du muscle, l’odeur de la sueur
Didier Périès
Le constat est sans appel : la clientèle est de retour dans les gyms en ce mois de janvier 2023. Après les fermetures et les confinements de la pandémie, après une année de transition, 2021, marquée par la guerre en Ukraine, les ratés des chaines d’approvisionnement, l’inflation galopante, la pénurie de main-d’œuvre et l’intensification des « accidents » climatiques, je suis heureux de savoir qu’il y a dans nos existences une chose intangible, qui reste positive : l’envie (le besoin ?) de rester en forme, ou plutôt de ne pas prendre trop de formes. Rien de tel qu’une résolution de début d’année pour nous sentir vivant-e ! J’ironise, mais j’en ai moi-même pris ; cependant, rien de plus que de perdre les deux kilos que je gagne habituellement en avant l’été.
Mais la fréquentation à un niveau qui dépasse celui de 2019, est-ce réellement l’effet des multiples tourtières ayant conduit à ces fameuses « bonnes résolutions » du temps des fêtes ? C'est un véritable sujet de sociologie, que les économistes m’envient à coup sûr… Et oui, les salles d’entrainement sont plus occupées que jamais. Les sondeurs le confirment : faire de l’exercice constitue l’une des résolutions les plus communes chez les Québécois. On s’abonne, on s’achète l’« outfit » qui va bien, on chausse nos plus belles espadrilles, et zou ! Sur le tapis mécanique ! Han ! Que je te soulève de la fonte ! Bien qu’une majorité de ces zélés sportifs s’essouffle au bout de quelques semaines, il n’en reste pas moins que la tendance est lourde ces dernières décennies : nous sommes de plus en plus à « cultiver » notre corps sur une base régulière. Et ce n’est pas qu’une question de tactique, style « Mets tes séances à l’agenda, mais reste flexible », « Vas-y moins, mais régulièrement », « Suis un entrainement adapté avec un professionnel” ou “Fixe-toi un objectif concret, précis et à court terme”.
Au fond, au-delà de la perte de poids, du cardio ou du mieux-être (vivre en santé, une question de santé mentale aussi), cette fascination générale pour sculpter son corps (regardez les réseaux sociaux, les séries TV et les télé-réalités), associée à la marchandisation des services, répond à des motivations plus profondes… et désespérantes. Il s’agit du rapport entre notre enveloppe physique comme interface avec qui nous entoure. Une préoccupation qui existe depuis longtemps - sinon depuis toujours - dans nos sociétés : les Romains et les Grecs esthétisaient déjà le corps humain à travers la performance. Évidemment l’hygiénisme du XIXe siècle est passé par là ; aujourd’hui, on parle de saines habitudes de vie.
Surtout, alors que l’individualisme s’est imposé au fil du XXe siècle en tant que valeur cardinale, nous sommes sommés de nous bâtir une apparence de santé. À part que la maladie , la mort nous rattrapent quand elles veulent. En véritables entrepreneurs de nous-mêmes, après les rituels quasi religieux que nous suivons scrupuleusement, semaine après semaine, nous exerçons ainsi notre liberté, nous reprenons le pouvoir, nous nous sentons enfin exister ! Certains avancent l’hypothèse que la peur et l’incertitude de ces dernières décennies nous poussent davantage à trouver réconfort dans l’une des rares choses sur laquelle nous avons du pouvoir : notre corps. Notre corps comme ressource à transformer en capital existentiel, voilà la version moderne et narcissique de la nécessité d’exister !
Bonne année 2023 !
Didier Périès
J’aurais bien commencé l’année en abordant les perspectives pour les mois à venir… Mais l’actualité m’a rattrapé et ce début janvier est plutôt marqué par une immoralité latente. Je vais donc jouer au « père la pudeur », aussi grinçant et désagréable cela peut-il être.
Dès le 2 janvier, les 100 dirigeants d’entreprises les mieux payés au Canada avaient déjà touché au moins une année du salaire d’un-e Canadien-n-e moyen-n-e. Soit plus de 200 fois que ces travailleurs dont le revenu est autour de 53 000 $. En ce qui me concerne, j’en suis à gagner deux fois ce montant, et je suis « riche », objectivement et pour Revenu Canada : je me permets de ne pas vraiment regarder le prix des aliments à l’épicerie… Mais vous avez remarqué que j’ai employé le verbe « gagner », parce qu’en effet je travaille assez dur pour mériter ce salaire. Quid de ces grands patrons, dont le quotidien consiste à participer à des conseils d’administration, « impulser les politiques » de leur groupe ou « avoir une vision stratégique » ? Plusieurs remettent même en cause leur pertinence, au regard de leurs tâches effectives…
En tout cas, dans cette catégorie on place ces hautes personnalités du monde l’entreprise privée qui sont non seulement payés des millions pour leurs services à la tête de grandes entreprises, mais sont aussi très souvent comme « cul et chemise » (permettez-moi l’expression) avec nos dirigeants politiques. Oui, je sais, c’est très grave du point de vue éthique, c’est de la collusion ; nous, on parlerait tout simplement de « chums ». Par exemple, Justin Trudeau et Dominic Barton, ex-grand patron mondial de la firme de conseil McKinsey, sont chums. Si les images peuvent tromper (leur accolade en 2017), les actions ne trompent guère : après avoir chargé le cabinet-conseil dudit Barton de penser pour lui dans le domaine de la défense, de la santé (en pleine pandémie) ou de la politique énergétique (c.-à-d. exploitation des énergies fossiles), au coût de 66 millions de dollars en 7 ans (contre à peine plus de 2 millions en 9 ans pour les conservateurs), le gouvernement Trudeau lui a confié la présidence d’un comité consultatif d’économistes chargé de la « transformation » d’immigration Canada. Certes il y a des choses à changer, à repenser, mais confier cela — et tout le reste — à une entreprise privée transnationale qui travaille juste avec les plus offrants (Russes, Chinois, Français, Américains…) sans appel d’offres et de plus en plus souvent ? Il y a là un méchant conflit d’intérêts à travailler pour tant de pays si différents, sur des sujets aussi sensibles, non ? Ça ne vous choque pas ? L’idée des 450 000 immigrants par an pour combler la pénurie de travailleurs, c’est McKinsey ! Une gang de brillants experts qui, en échange d’une rétribution mirobolante, ont organisé une dizaine de présentations et rédigé deux ou trois rapports !
Cerise sur le sundae ! Pour récompenser Dominic Barton de ces bons et loyaux services, les libéraux de Trudeau n’ont pas hésité à lui offrir le poste d’ambassadeur du Canada en Chine entre 2019 et 2021, quand il a pris sa « retraite » de McKinsey. Il me semble qu’ailleurs dans le monde — et je ne veux pas jouer mon conservateur, je ne le suis certainement pas — la société civile aurait d’ores et déjà réclamé la démission du chef de l’état pour un tel scandale. Et l’aurait obtenue.
Faites-nous confiance, qu’ils disaient…
Didier Périès
On ne pense pas toujours au contenu de nos assiettes, ou en tout cas pas en termes de qualité, surtout lorsque notre budget ne nous le permet pas. C’est malheureusement encore trop le privilège des riches de manger « bio » (je sais, l’assertion est discutable, nous aurons l’occasion d’en reparler).
Par exemple, les organismes génétiquement modifiés (OGM). Ils sont utilisés dans la recherche fondamentale pour mieux comprendre certains mécanismes biologiques, dans l’industrie pour produire certaines molécules d’intérêt ou en santé pour produire des vaccins ou des médicaments comme l’insuline, ou comme vecteur pour des thérapies géniques. Mais surtout, c’est dans le domaine agricole qu’on en retrouve. Notre panier alimentaire en est rempli, sans que l’on s’en soucie, en particulier parce que nous n’avons pas été éduqués sur la question pendant notre scolarité. Cependant la question mérite d’être approfondie.
Pour faire bref, ce sont des animaux, végétaux ou bactéries) auxquels on ajoute ou enlève des gènes par des techniques de génie génétique, dans des laboratoires, afin de leur conférer de nouvelles caractéristiques. Particularité : la transgénèse peut être réalisée à partir d’espèces différentes. Et oui, vous avez bien lu, ce qui est impossible dans la Nature, nous, les humains, n’hésitons pas à le faire ! Mieux, il existe de nouvelles techniques de sélection (NBT) qui ne nécessitent même pas l’ajout d’un nouveau gène et qui n’impliquent pas de transgénèse dans l’organisme final, mais à certaines étapes de la modification… Bref, vache sans corne, pomme qui ne brunit pas, poule immunisée à la grippe aviaire, tout est possible. La science admet qu’ils impliquent des risques environnementaux significatifs.
Depuis longtemps en Europe, la production (mais pas l’importation) des OGM, y compris avec les NBT, est interdite sauf pour le maïs MON819 qui a permis de faire pousser ce maïs doté d’un nouveau gène provenant d’une bactérie qui crée une molécule insecticide. Pour permettre d’améliorer le rendement, me direz-vous, c’est donc pour le mieux. À première vue, oui. Cependant, qu’il s’agisse des plantes transgéniques que nous ingérons directement ou des animaux modifiés, comme le saumon au Canada, rien ne prouve que ces OGM ne provoquent rien sur notre corps, à court, moyen ou long terme… Et le principe de précaution ? En effet, comment ne pas imaginer qu’introduire un OGM ne présente un risque pour nous ? Ils sont inconnus à notre physiologie et contiennent des traits dont on ne connait pas les effets sur leur environnement, comme les transformer en plantes invasives et déséquilibrer tout un écosystème !
Alors, les gouvernements préconisent une « surveillance à long terme », de « poursuivre les évaluations sanitaires », etc. Ou pire. Ainsi, non seulement le Canada est l’un des cinq plus gros producteurs mondiaux d’OGM, mais il travaille main dans la main avec le lobby de l’agrochimie Croplife, qui représente des compagnies comme Bayer. Une enquête de Radio-Canada vient de mettre à jour qu’une certaine « Tiger team » a été constituée par le gouvernement libéral afin de préparer une réforme sur les OGM qui n’oblige plus à déclarer la présence d’OGM, tout simplement. Bon consulter les différentes parties en présence — chercheurs, consommateurs, producteurs — d’accord, mais demander du conseil à ces derniers et élaborer des stratégies de communication avec eux sans que personne n’en sache rien ? C’est au mieux une collusion toxique au mépris des citoyens et au pire une corruption inacceptable !
Éditoriaux de 2022
Guerre et paix
Didier Périès
Cette année est spéciale. Deux conflits armés semblent toucher plus particulièrement la population canadienne, bien qu’aucun soldat canadien n’y soit impliqué. Cela explique peut-être l’engouement des cérémonies du 11 novembre, samedi dernier, pour commémorer l’armistice de la Première Guerre mondiale, celle qui devait être « la guerre qui mettrait fin à toutes les guerres ». C’est toujours malheureusement comme ça : on part la fleur au canon et on revient dans un cercueil, sans que cela empêche d’autres conflits d’être déclenchés pour autant.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, qui découla de la première, les soldats canadiens ont été impliqués dans maints conflits armés, de la Corée à l’Afghanistan, en passant par l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda. Toutefois, dans ces derniers, ils étaient Casques bleus, au sein de forces de maintien de la paix de l’ONU, ce qui est bien différent.
Et évidemment, des affrontements, il y en a eu d’autres, dont certains en cours, comme celui entre Ukrainiens et Russes ou encore celui entre les Israéliens et le Hamas, sans parler de l’Afrique… Et vu ce qui continue de se passer tout autour de notre planète, des conséquences chez nous en termes de relations sociales (antisémitisme, islamophobie, haines et clivage), les guerres ne sont pas près de s’arrêter ! Au contraire, ainsi que le prouvent les études universitaires : notre époque se caractérise par moins de guerres à grande échelle, qui font plus de morts chez les militaires, et plus de guerres civiles, interethniques ou religieuses, qui font davantage de morts civiles.
Coïncidence imprévue dans ma classe de secondaire 4, nous finissons une unité de travail sur le thème du « regard horrifié » en tentant de répondre à la question : l’être humain peut-il coexister en paix avec son voisin ? Pour ce faire, nous avons étudié le roman autobiographique de Joseph Joffo, Un Sac de billes, qui raconte la fuite d’une famille juive et en particulier de ses deux plus jeunes garçons pour éviter la déportation et une mort quasi certaine, pendant la Deuxième Guerre mondiale. La question parait plus pertinente que jamais.
Justement, chez nos jeunes, les opinions sur la guerre en général, et surtout sur « nos » guerres à nous du Nord global, peuvent varier ; entre les cadets pétris de militarisme et de patriotisme, qui envisagent de s’engager ou de faire la réserve et respectent l’uniforme, et les universitaires formés aux sciences sociales, qui constatent que les guerres ont souvent été un moyen de conforter un certain colonialisme, voire que ces mêmes ingérences constituent les causes des conflits actuels, entre ces deux positions, il y a un monde.
Ce qui est certain, c’est que toute guerre est une défaite de la pensée, que si un conflit armé a lieu, chacun d’entre nous doit essayer de « raison garder », d'en comprendre les nuances. Par exemple, qu’Israël se bat contre une organisation terroriste dont l’objectif est de le détruire et l’a prouvé de la pire des manières ; que s’ériger contre le Hamas n’est pas anti-palestinien, encore moins faire preuve d’islamophobie ; ou que l’on peut souhaiter des corridors humanitaires et la remise en cause de la politique d’occupation illégale par les « colons » israéliens en Cisjordanie sans être antisémite. Malheureusement, l’être humain du XXIe siècle est toujours incapable d’éviter de se battre avec son voisin pour un bout de terre au nom de la paix.
Kill who ?
Didier Périès
Dans la foulée de la loi 96, encore fortement discutée par nos compatriotes anglophones, et ses conséquences, apparait aujourd’hui une nouvelle pomme de discorde. Avant d’en parler, je tiens à rappeler qu’en principe, enlever aux uns et penser que mécaniquement les autres en bénéficieront parait séduisant, mais s’avère généralement naïf ou simpliste.
La nouvelle ? Le gouvernement caquiste a annoncé la semaine dernière une nouvelle mesure concernant les frais d’inscription dans les universités anglophones pour les résidents hors Québec. Ce que décrient rageusement ROC et les Anglo-Québécois est le fait que Les droits de scolarité, progressivement dérèglementés ces dernières années (notamment ceux des étudiants internationaux), vont désormais être intégralement payés par les étudiants eux-mêmes. Pour être plus précis, les candidats qui viennent d’autres provinces ou de l’étranger, paieront ce que coûte effectivement leur formation, soit le double du montant actuel, par exemple et respectivement, près de 17 000 $ et 20 000 $ par année à l’Université Concordia. Par ailleurs, le gouvernement compte augmenter la part qu’il prélève sur ce revenu, afin, clame-t-il, de la reverser au réseau universitaire francophone.
Quelques précisions cependant. D’abord, un prix plancher sera effectivement imposé aux étudiants étrangers (sauf les Français, les Belges ou d’autres ayant des ententes bilatérales), les universités pourront facturer davantage à leur discrétion. Ensuite, cela seuls les nouveaux inscrits à la rentrée de septembre 2024 sont touchés, y compris les nouveaux inscrits en deuxième cycle, quand il n’y a pas de mémoire à écrire. Enfin et surtout, les frais n’augmenteront pas pour ceux qui s’inscrivent dans une institution francophone.
On a entendu des défenseurs de l’argument économique (Valérie Plante, mairesse de Montréal et plusieurs groupes de pression anglophones), ils ne tiennent pas : un peu moins de 5 % des étudiants au Québec viennent du reste du Canada et 16 % de l’étranger, et ces revenus issus des droits de scolarité constituent plus de 40 % du revenu total seulement pour les universités anglophones ! La mesure les poussera vers Toronto ou Vancouver ? Eh bien, ils verront par eux-mêmes combien coûte le logement là-bas ! Même avec des droits de scolarité clairement plus élevés, le Québec et Montréal restent encore très concurrentiels, tous frais inclus.
De plus, il est bien établi que ces institutions constituent une porte d’entrée pour de futurs Canadiens unilingues qui repartent dans d'autres provinces, ou restent, mais sans apprendre le français ; il en va de même des étudiants ontariens, qui forment le gros des troupes : aussitôt leur diplôme en poche, ils reviennent en Ontario tout en contribuant à l’anglicisation de Montréal pendant leurs études. En période de pénurie de personnel, particulièrement dans la santé, je suis vraiment content que mes impôts forment des médecins qui partent exercer ailleurs !
Quant à Legault, il espère faire coup double, probablement par calcul politique : il dame le pion sur la défense du français à un Parti québécois montant et va chercher quelques millions de dollars supplémentaires. Même si c’est le cas, mais là n’est pas le problème… L’enjeu est plutôt le désengagement de l’état dans la formation postsecondaire ; c’est en sens inverse qu’il faudrait aller, afin de rendre l’éducation supérieure plus accessible ! En revanche, couper dans le budget des cours de français à McGill est franchement une mesure de rétorsion mesquine : comme si McGill se préoccupait de toute façon du français !
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Didier Périès
Selon Élections Québec et Statistiques Québec, ce sont respectivement, et du premier au dernier, le montant de votants, de citoyens inscrits et de Québécois au total. Il y a plusieurs conclusions évidentes à tirer de ces trois nombres, il suffit d’en regarder les deux premiers chiffres !
Pour commencer, seulement deux personnes sur trois ont fait le déplacement pour exercer leur droit. Ce n’est clairement pas assez pour une démocratie, mais si l’on se souvient du chiffre des élections municipales (33 %), on se console, comme dit l’expression ! Et c’est égal au taux de participation de 2018. Alors ? Alors… La participation stagne depuis plusieurs années, avec une tendance à la baisse sur un demi-siècle, toutes élections confondues. Certains pourraient demander que le vote soit rendu obligatoire… D’autres rétorqueraient aussitôt qu’on leur prend une liberté de plus… Que faire ? Il y a manifestement un désintérêt croissant pour la politique (partisane), une perte de confiance énorme, une perte du crédit donné à nos gouvernements pour accomplir leur mission, pour prendre soin de la population. C’est grave. Et si l’on comptabilisait le vote blanc, par exemple, comme l’expression véritable d’une fidélité à la démocratique, et non seulement comme un désaveu des forces en présence ?
Ensuite, la CAQ, qui se targue d’avoir « un mandat clair » de la population, ne récolte finalement que 41 % de 66 % ; un quart (soit à peine un sur deux) des électeurs ayant voté, soit un-e Québécois-e sur quatre. Vos deux voisins, celui de droite et de gauche, mais aussi celui au centre en face de vous, n’ont pas voté pour le premier ministre de la continuité Legault. Vu sous cet angle, cela parait incroyable, non ? Avec leurs 600 000 votes et leur soi-disant « mandat fort », eux aussi, les libéraux devraient moins claironner : s’ils avaient la moindre parcelle d’intégrité politique et morale, ils devraient plutôt reconnaitre que, dans les faits (en termes de soutien populaire), ils sont troisièmes derrière QS… et pas mieux que le PQ. Ajoutez-y le PCQ, qui les talonne !
Ces quatre partis font pitié, disons-le. Pour des raisons différentes et que l’on peut déplorer ou pas, selon nos préférences. Cependant, objectivement, entre un parti libertarien — naissant et opportuniste — un parti qui a perdu le Nord — et racole ce qu’il peut, cantonné qu’il est à Montréal — un parti qui a retrouvé son Nord, mais dont les électeurs voient de moins en moins la pertinence — et un vrai parti de gauche, qui a la justice chevillée au corps, mais qui s’est converti au wokisme et au multiculturalisme — comment faire pour qu’ils soient justement et dignement représentés à l’Assemblée nationale ? Peut-être, introduire de la proportionnalité dans un scrutin uninominal majoritaire à un tour venu directement des temps anciens du dominion britannique ?
C’est pour cette même dernière raison qu’aucun parti n’est prêt s’allier à un autre, prêt à collaborer pour monter une liste électorale ? N’y a-t-il donc aucun point commun, aucun terrain d’entente, aucun dénominateur commun entre vous ? Quelque chose qui permettre au Québec de gagner contre les crises que nous traversons, quitte à y perdre un peu ? La « tradition parlementaire », le système britannique ont bon dos. Pour le bien de tous, s’il vous plait, mettez vos ego de côté, soyez humbles et surtout, soyez pragmatiques !
Quelle « transition énergétique » ?
Didier Périès
Au moment où j’écris ces lignes, je ne connais pas le résultat précis des élections provinciales. Évidemment, la CAQ va rester aux commandes du Québec, avec une majorité de sièges… et la plus forte minorité de voix parmi les partis en présence. Le résultat d’une distorsion systémique qui a posé et pose un problème grandissant de représentativité démocratique.
Cependant, il existe au moins un sujet qui nous concerne tous (simples citoyens, associations, entreprises, partis de droite comme de gauche — si cette dichotomie existe encore —), un sujet qui fait l’unanimité, mais largement galvaudé et que certains toutefois dénoncent. La transition énergétique doit pourtant une priorité absolue — oui, devant l’inflation, l’immigration ou l’économie — pour le nouveau gouvernement.
Pour comprendre ce concept, il faut se rappeler que notre dépendance aux énergies fossiles (essentiellement pétrole, gaz et charbon), en remplacement des énergies traditionnelles (l’eau et le bois) et au détriment des énergies renouvelables (marémotrice, éolienne, solaire, etc.), cette addiction est un choix qui date de la fin du XVIIIe siècle pour répondre à la poussée démographique et à l’accroissement des productions en Europe. C’est dans les années 1860-1870 que l’hégémonie du charbon se réalise… peu après remplacée par celle du pétrole, à l’orée du XXe siècle. La Première Guerre mondiale marque le début du règne de l’automobile, la seconde celui de l’avion. À l’époque, une convention impose même à tous les états de vendre le kérosène à prix coutant, sans taxe. Cette mesure, qui devait permettre la mobilité du plus grand nombre, nous a juste collectivement précipités dans l’une des crises existentielles les plus graves que l’humanité ait jamais traversées. Nous n’en sommes toujours pas sortis : réfléchissez-y bien, notre mode de vie est littéralement basé sur l’automobile. Et qui est prêt à en changer ? Vous ? Moi ?
Or, plusieurs nous ont prévenus depuis longtemps, bien avant que se présente l’enjeu climatique dans les années 1970, avec la découverte du trou de la couche d’ozone. L’historien Lewis Mumford, le philosophe Ivan Illich ou l’économiste Alfred Sauvy ont entrevu l’impasse du « tout-auto » (autrement appelé la « mentalité moteur »). Mais qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Tous les constructeurs, avec l’aval de nos gouvernements, nous présentent l’automobile électrique comme la solution, un transport propre (quid de sa construction ?), en oubliant de parler de la production d’énergie en amont, par des centrales thermiques ou nucléaires… Objectif d’ici 2050 : la neutralité carbone, qui se fera à coup de subventions massives qui elles-mêmes vont augmenter la pression fiscale, au détriment des revenus et de la redistribution dans des domaines tels que la santé et l’éducation.
De surcroît, le problème demeure que nos solutions ne sont valables que si elles sont également appliquées par les autres régions du monde (90 % de la population mondiale). Nous sommes par ailleurs consommateurs de produits de plus en plus énergivores : électronique de nos véhicules, téléphones 5G, cinéma-maison, frigos ou maisons connectés, métavers… Tous friands de minerais rares, au point que les énergies renouvelables ne pourront probablement pas y suffire. Et c’est sans compter que l’être humain n’a jamais autant brûlé de charbon et de pétrole ! Au fond, une véritable transition énergétique requiert deux actions simples dans les actes — mais difficiles psychologiquement : diminuer notre consommation d’énergie, voire notre consommation tout court ; et limiter l’utilisation de l’automobile et de ces variantes !
Barbecue et grillades : un été bien assaisonné !
Didier Périès
Comment passer l’été sans parler de grillades, de barbecue ? Quoique chez plusieurs d’entre nous, le BBQ est une activité à l’année longue, par tous les temps, y compris sur le balcon, en plein hiver. Et puis il est rare que je parle d’alimentation, alors c’est l’occasion…
Cela dit, je voudrais adopter une perspective légèrement différente de la perspective habituelle quand vient le temps du « barbuc’ ». Loin de moi l’idée de vous convaincre d’abandonner cette noble pratique venue des temps immémoriaux, où l’être humain n’avait que le feu pour faire cuire ses aliments, mais parlons d’empreinte écologique. À l’heure où le gouvernement libéral de Trudeau et de Fergus nous en passe une petite vite, pendant que nous sommes en congé, en planifiant d’exclure le transport et le raffinage de la comptabilité des GES produits par l’industrie pétrolière et gazière, nous au moins, essaierons de faire notre part, n’est-ce pas ?
Donc, quelques infos sur le « coût environnemental » de nos grillades : émissions de GES, consommation de combustible fossile et solutions de rechange… Déjà, il faut savoir que la production de viande est en soi un gros émetteur de GES en plus de gaspiller énormément d’eau potable (on va la payer un jour, c’est certain !). Sachez que vos deux steaks, même accompagnés de légumes style poivrons ou asperges et de maïs, équivalent déjà à un trajet de 125 km en voiture. Si vous les remplacez par du tofu, votre bilan carbone est divisé par sept ! Et si vous voulez, à la manière des libéraux, « compenser » vos émissions, c’est-à-dire continuer de polluer en mangeant de la viande de bœuf, par exemple une fois sur deux, alors vous devriez ingurgiter 28 poivrons ou pas moins de 30 épis de maïs… Hum, pas évident.
On se rappellera que l’agriculture, qui subit de plein fouet la crise climatique — les événements météorologiques extrêmes détruisent les récoltes, appauvrissent des sols et conduisent à des famines… — est la cause de 20 % des émissions de GES dans le monde. Parmi ces dernières, viande et poissons en constituent à eux seuls 36 %, alors qu’ils ne représentent que 7 % de notre assiette en moyenne ; pour les légumes, c’est le contraire. Le détail qui tue quand on parle des émissions reliées à différents aliments est évidemment ce que l’on prend en compte, comme pour le reste, c’est-à-dire l’ensemble du cycle de vie du produit, de l’utilisation des sols jusqu’à la cuisson, en passant par le transport et la transformation donc, en ce qui concerne la nourriture. Mais dans tous les cas, la solution réside davantage dans un maximum qui mange moins de viandes (ou qui passent du bœuf au poulet, au porc, au canard), plutôt que dans un petit nombre qui devient végétalien.
Et puis vous pouvez changer de mode de cuisson : OK pour des grillades, mais au charbon de bois, au gaz ou à l’électricité ? Cette dernière est de loin la moins polluante, à l’opposé du charbon, vous vous en doutez… Et il y a d’autres modes de cuisson en extérieur que le BBQ. Moi qui reviens d’Europe ai souvent profité, à la maison comme au restaurant, des « pierrades » (ou pierres à cuire), un mix de plancha et de raclette. Je vous le garantis, c’est convivial, ludique et savoureux !
Ode à la génitrice
Didier Périès
Qu’a-t-elle reçu ? Un dessin maladroit, un collier de nouilles, un poème, des fleurs, un bon-cadeau pour le spa ou une manucure ? Quel est le cadeau parfait pour une maman ? On sourit avec tendresse quand nos enfants ont 5 ou 10 ans, à 15, cela devient plus complexe pour aboutir à une contrainte (plus ou moins) ou à une célébration un peu quétaine rendus à l’âge adulte. C’est la fête des Mères !
Cette fête a pourtant une histoire des plus ancienne, aussi vieille que le patriarcat… ou presque. On en trouve les premières traces dans la Grèce antique, mais aussi dans toute l’Asie Mineure, puis à Rome. Toutes ces festivités en l’honneur des « matrones » se déroulaient déjà au printemps, la saison de la fertilité par excellence. La vénération de la « vierge » Marie, qui va la remplacer en Europe au Moyen-âge, n’est pas née de rien… Plus tard au XVe siècle, les Anglais ont leur Mothering Sunday pendant le carême, mais c’est seulement aux États-Unis, en 1908, que la fête telle que nous la connaissons voit le jour, et cela en souvenir de la mère de l’institutrice Anna Jarvis, une militante des droits de la femme dans le domaine de l’éducation. Mother’s day adopté au Royaume-Uni en 1914, puis par l’Allemagne en 1923, avant que les autres pays européens embarquent. La Première Guerre mondiale permet aux Américains de diffuser l’idée, via leurs associations de secours aux blessés, aux populations occupées ou tout simplement par les soldats du corps expéditionnaire. Cela commence avec la distribution d’une carte postale à envoyer aux mères des militaires et par un film d’actualité réalisé par Gaumont.
La fête des Mères est donc officialisée dès 1918 en France, en souvenir des mères dont les enfants sont morts au combat, sur fond de crainte qu’une dépopulation survienne. Mais c’est sous le maréchal Pétain, pendant la Seconde Guerre mondiale, dont la devise est « Travail, famille, patrie », que cette fête va devenir une célébration quasi liturgique. La date au dernier dimanche du mois de mai en sera fixée par une loi en 1950 en France, alors qu’ici, elle se déroule plutôt le deuxième dimanche, sous l’influence étatsunienne. Aujourd’hui, c’est également devenu une fête commerciale, qui voit les familles dépenser des dizaines de dollars (voire des centaines, comme aux États-Unis), et qui est célébrée partout dans le monde…
Pourtant, on pourrait essayer de prendre un peu de hauteur, de sortir du cadre. En effet, tout comme la Saint Valentin, elle semble d’abord être une fête commerciale si elle se résume à acheter un bouquet et aller manger au restaurant. Il suffit de voir les publicités, les promotions et autres incitations qui pleuvent à cette occasion. Surtout si c’est pour renvoyer la femme à son rôle de ménagère (pensez à tous les spéciaux sur l’électroménager !) ou de « passionnée » des cosmétiques, des vêtements, des bijoux et des accessoires de mode. À une époque où les mères les plus âgées sont souvent remisées dans une maison de retraite, il y a là une cruelle ironie : on recrée le temps d’un repas la famille que l’on oublie au quotidien. En même temps, comment ne pas rendre hommage à toutes ces femmes remarquables, que la société somme d’être à la fois une amante, une mère et une professionnelle parfaite ?
Une ironie douce-amère
Didier Périès
Aujourd’hui, vous lisez un éditorial sur l’air du temps. Parfois les évènements se télescopent au point qu’apparait toute l’ironie de la situation si nous prenons un peu de recul pour réfléchir. La semaine passée seulement, se sont déroulées simultanément des manifestations « pour la liberté » ici, au Canada, en France, aux Pays-Bas, en Australie ou en Nouvelle-Zélande ; le Superbowl a eu lieu concomitamment aux Jeux olympiques d’hiver de Beijing ; le gouvernement Legault a promis près de 1,5 milliard de dollars pour aider Airbus et sa C series, pendant que les marchés boursiers reculent jour après jour, à cause des incertitudes sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Vous me direz que c’est une liste à la Prévert, que je fais des liens entre des situations trop différentes. Et bien, ce sont justement toutes ces choses disparates qui font l’air du temps… et leur juxtaposition est savoureuse, même si l’on fait la grimace.
En effet, comment ne pas goûter l’ironie de célébrer la performance de nos athlètes à des Jeux olympiques dans la plus grande dictature au monde, flattant ainsi un sentiment national qui a conduit aux pires guerres des 150 dernières années et s’illustre encore dans la crise ukrainienne ? Ou bien on peut se délecter de voir les manifestations pour la liberté se généraliser, alors que, paradoxalement, partout les restrictions sanitaires se relâchent ! Au Québec, il n’y aura plus de limitation au nombre de personnes dans les regroupements à partir de la semaine prochaine. À propos, il est risible de voir nos policiers incapables de réagir pour arrêter l’occupation — la police n’a rien fait contre l’installation de toilettes sèches ou de spas à Ottawa ! — alors que les manifestants à Paris ont été éparpillés à coup de gaz lacrymogène. 14 personnes arrêtées en deux semaines à Ottawa contre 58 en une seule journée dans la capitale française…
Les prix des denrées alimentaires partout augmentent, l’inflation connait des records historiques, les taux d’intérêt des banques vont suivre, étranglant financièrement des milliers d’entre nous ! Et personne ne se pose de questions sur les salaires inouïs de nos sportifs professionnels au hockey — qui ont d’ailleurs boudé les JO —, au base-ball, au soccer, au golf, etc. ? Combien d’entre nous, bien à l’aise dans leur sofa, armés d’une aile de poulet et d’une bière, devant le spectacle de l’année qu’est le Superbowl, se posent des questions sur l’indécence du budget de cet évènement « sportif » ?
La cerise sur le sundae, c’est évidemment la leçon que nos gouvernements — le fédéral est qualifié de tyrannique, bien qu’il laisse les manifestants prendre en otage nos routes et centres-villes depuis deux semaines ! — donne aux manifestants, une leçon sur la liberté, les droits civiques et la démocratie : eh, les gars, vous avez été élu avec combien de voix ? 15 %, 25 %, 30 % maximum ? Et avec une abstention de 30 %, 50 %, 70 % ? Cela pourrait-il avoir un lien avec la grogne sociale et la perte de confiance actuelle dans les institutions ? Et il a fallu non pas une pétition ou un recours judiciaire par des citoyens excédés, mais plutôt un coup de gueule des grands patrons de l’industrie automobile pour que soit déclaré l’état d’urgence en Ontario, et le pont Ambassador rouvert. Vous comprenez pourquoi il me reste aujourd’hui un goût doux-amer à la bouche.
Jusqu’où aller pour sa liberté ?
Didier Périès
Franchement, j’ai pitié. Oui. Vous avez bien lu. Il était difficile de ne pas aborder LE sujet d’actualité du moment dans la région, d’abord, parce que vous en avez peut-être subi les conséquences, ensuite, parce que les causes qui le sous-tendent sont véritablement problématiques.
Au départ, il y a une grève planifiée pendant des semaines par des chauffeurs de camion de l’ouest (principalement), assortie d’une manifestation qui se finirait à Ottawa. Motif : Le gouvernement du Canada a demandé aux camionneurs long-courriers une preuve vaccinale pour pouvoir traverser la frontière avec les États-Unis sans quatorzaine. À noter : la mesure est déjà appliquée aux États-Unis et cinq chauffeurs sur six au Canada sont déjà vaccinés.
Puis s’est greffée une manifestation de soutien au mouvement, dont les deux organisateurs principaux sont les Albertains Patrick King, fondateur de Wexit Canada (devenu le Maverick Party) et Tamara Lich, professionnelle du secteur des hydrocarbures. Ils sont tous deux de grands défenseurs de la thèse du « Grand remplacement » et du « génocide des blancs ». Leurs ennemis ? Les « antifas » (comme si être antifasciste était une insulte), les journalistes, les « libéraux » (comprendre : tous les gens qui votent à gauche du Parti populaire de Maxime Bernier) et plus généralement, tous les tenants de l’État-providence. Là, on ne joue plus dans la même catégorie, on peut carrément parler de récupération politique.
Enfin, tout au long du parcours, et même depuis l’arrivée des premiers camions vendredi dernier, se sont ajoutés quantité d’individus aussi divers que des vaccinés tannés des mesures sanitaires, des sceptiques de la vaccination — mais vaccinés — des « antivax » purs et durs, des idéalistes épris de liberté individuelle, des anarchistes, des néonazis ou encore des suprématistes blancs « confédérés » (au Canada, en 2021 !!!). Bref, toute une palette de Canadiens aux motivations hyperdifférentes, mais réunie par l’urgence de se faire entendre, de manifester leur mécontentement, leur ras-le-bol de… de… Et bien, c’est confus, justement : de la vaccination ? Du port du masque ? De la distanciation ? Du lavage de mains ? Du couvre-feu ? Du confinement ? Des mesures contre la COVID-19 ? De l’ingérence gouvernementale dans nos existences ? De tout ce qui entrave notre liberté ?
En tout cas, ce mouvement a récolté en moins de deux semaines plus de cinq millions de dollars par quelque 60 000 donateurs de partout autour du monde ! Moi qui ai de la difficulté à récolter quelques milliers de dollars pour payer un avocat en immigration à mon ami burkinabé qui cherche à venir chez nous… J’aimerais bien connaitre la formule ! Si je vous dis que c’est pour sa liberté (d’expression, de circulation, de pensée), son droit à vivre en sécurité et en santé, à offrir une éducation à ses enfants, vous donnerez ?
Franchement, je les plains tous nos concitoyens qui supportent ce mouvement. Je les plains et je les comprends : il faut vraiment être désespéré-e pour s’associer à la clique la plus réactionnaire, la plus populiste et la plus antidémocratique que notre terre ait portée depuis le siècle dernier comme unique solution au sentiment d’injustice qui nous étreint devant les inégalités de plus en plus criantes de notre société. Malheureusement, la tendance est lourde, internationale et durable. Nos gouvernements devraient donc surtout se demander pourquoi et comment nous en sommes arrivés là, pour éviter d’être submergés par la vague dans les années à venir…
Améliorez le PublisSac, ne l'interdisez pas
Lily Ryan
Les "sacs publicitaires" sont l'enfant de l'affiche pour un marketing irresponsable. Les municipalités subissent des pressions pour interdire les sacs afin de réduire les déchets. À Gatineau, les sacs publicitaires sont trop utiles pour qu'on s'en débarrasse. Pourquoi démanteler un système qui fonctionne, alors que de simples améliorations peuvent faire une grande différence.
Le problème du sac, c'est que certains dépliants sont impossibles à recycler ou à réutiliser s'ils sont brillants. Le sac lui-même est en plastique, et donc difficile à recycler. Un autre problème est le désordre qui se produit dans les entrées des immeubles d'habitation lorsque les sacs publicitaires s'empilent de manière désordonnée.
Le Bulletin a demandé à ses lecteurs de réutiliser - et non de recycler - tout le papier journal qu'ils reçoivent à la maison. Réutiliser le papier journal pour emballer le compost, pour le paillis de jardin ou pour allumer des feux est bien plus respectueux de l'environnement que le jeter dans le bac bleu. Le contenu du bac bleu est trié et envoyé dans différents pays pour un traitement final. Certains déchets recyclables sont vendus sur un marché (comme le papier journal), mais certains sont traités comme des déchets sans seconde vie. Tout cela constitue une dépense pour nos villes (lire : les contribuables), à laquelle s'ajoute le Québec (qui rembourse aux villes une partie du déficit de recyclage). La ville de Québec exige alors des producteurs de papier, comme ce journal, ou des entreprises qui exploitent des circulaires, qu'ils versent au gouvernement du Québec un taux fixe sur tout le papier journal qui sort d'une imprimerie. Ainsi, la démarche écologique des villes et des provinces consisterait simplement à exiger que toutes les circulaires soient facilement compostables, tout comme le papier journal.
Il y a longtemps qu'un arbre n'a pas été abattu pour fabriquer du papier journal, si c'est un problème pour les lecteurs concernés. Le papier journal est fabriqué à partir de sous-produits de l'industrie du bois, ce qui réduit en fait les déchets au Québec ! Et l'encre des journaux est à base végétale, là encore moins nocive pour l'environnement que les produits chimiques utilisés dans les décennies passées. Les sacs eux-mêmes pourraient être à base de végétaux, plutôt qu'en plastique, et pour ce qui est des entrées en désordre, eh bien une solution commence à la maison.
En Outaouais, à Gatineau, les gens cherchent plus à lire, pas moins. On peut voir des gens qui lisent des dépliants de l'avant à l'arrière ! Ils ne cherchent pas seulement des coupons ou des offres spéciales. Ils passent du temps à lire quelque chose de nouveau. Avec les journaux à l'intérieur, le PubliSac est davantage utilisé pour la diffusion de l'information.
Sachant que de nombreuses personnes souhaitent lire davantage, mais n'ont pas l'habitude - ou les moyens - d'acheter plus de magazines, de livres et de journaux, promouvoir l'interdiction des sacs publicitaires frise l'élitisme.
Que diriez-vous de consacrer vos efforts à l'interdiction des sacs publicitaires à leur amélioration - et à la croissance du Bulletin ! -- en ajoutant du contenu aux sacs publicitaires ? (Traduction)
Droit à l’avortement et liberté religieuse
Didier Périès
Le débat est passionnant. Étant (aussi) citoyen canadien, je vais adopter la perspective canadienne, en tant que défenseurs de la liberté religieuse et en même temps du droit à avorter (donc du droit d’une femme à disposer de son corps). Parce qu’il faut le dire, notre constitution, la fameuse Charte des droits et libertés, qu’elle soit canadienne (et non signée par le Québec) ou québécoise, propose une vision pour le moins schizophrène.
Je dis cela, cependant, toujours en tant que Canadien, je reste persuadé que la situation des Américains et celle des Canadiens ne sont pas comparables… mais en même temps comparables. Pensez-y : les premiers vivent en république, au sein d’une fédération d’états avec un régime présidentiel ; nous, nous vivons dans une monarchie parlementaire, avec une confédération de provinces. Dans les deux cas toutefois, l’un des principes fondamentaux de la démocratie, c’est la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Or, comme le président des États-Unis, notre Premier ministre nomme les juges de la Cour suprême, le plus haut tribunal au pays ! C’est l’illustration flagrante de la collusion peu démocratique entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Comment s’étonner des dérapages que l’on voit aussi aujourd’hui aux États-Unis, où les partis sont beaucoup plus polarisés, avec le projet d’arrêt sur le droit à l’avortement ?
Vous me direz : « Mais ici, c’est pas les États-Unis, il y a un grand consensus politique autour de cette question », « La population ne remet pas du tout en cause ce droit fondamental des femmes ». Euh ! renseignez-vous sur les chiffres aux États-Unis : il n’y a pas un seul sondage qui montre une quelconque opinion majoritaire en faveur de l’abrogation du droit à l’avortement, qui signifie pourtant un retour cinquante ans en arrière ! Et si les partis politiques canadiens s’accordent pour réaffirmer leur position pro-choix (une trentaine de députés sont quand même pro-vie), ils se présentent tous aussi comme d’ardents défenseurs de la liberté religieuse. Cette même liberté religieuse, présente dès le préambule de la Constitution, qui consacre la prééminence de Dieu au-dessus de tous les autres droits. C’est la négation même de toute neutralité de l’état !
« Allô, Houston, nous avons un problème »… potentiel, puisqu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’une minorité religieuse (chrétienne, musulmane, hindouiste, juive ?) fasse pression auprès d’un parti politique pour qui la rectitude politique et le respect des droits individuels outrepassent les droits collectifs et la neutralité de l’état, ou se constitue en « partie civile » avec une requête auprès d’une cour suprême finalement assez politisée. En gros, nous devrions espérer que les futurs premiers ministres soient suffisamment progressistes et hypocrites pour faire fi du paradoxe de défendre un droit universel – celui pour une femme de choisir de garder son fœtus ou pas - contre un droit individuel — celui pour tout croyant d’évoluer dans une société conforme aux règles de sa religion.
Encore une fois, le débat social états-unien est l’illustration parfaite qu’un état démocratique moderne, progressiste, doit absolument donner la parole aux principales concernées d’abord, les femmes, et ensuite clairement se détacher de la religion, de toutes les religions, et considérer sa neutralité — donc celle de ses employés — comme une valeur cardinale. Sans cela nous risquons de nous faire face sous peu dans une contradiction insoluble pouvant mener à la régression et à l’obscurantisme.
Vive la francophonie !
Didier Périès
Vous croyiez que je laisserais le Mois de la francophonie au Canada se terminer sans en parler ? Laisser à nos concitoyens anglophones tout le terrain médiatique pour dénigrer les projets de loi récents proposés par les gouvernements canadien et québécois ?
Depuis des semaines, je lis régulièrement des articles, des entrevues, des « rapports sur les travaux de l’Assemblée nationale », ici ou ailleurs, et je me retiens, en me disant qu’il y a des enjeux, des sujets plus importants. C’est vrai, mais bon, nous venons de passer la Journée internationale de la francophonie (le 20 mars, pour le passage au printemps) dans l’indifférence quasi générale, tout au moins chez nous.
Ainsi, selon Marlene Jennings, on voudrait « éradiquer » l’anglais au Québec? Rien que ça ! Admettons… Avec quelques dispositions ? Commençons avec le projet de Loi C-13 « Loi modifiant la loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale… ». En gros, cette loi imposerait de nouvelles obligations et droits relatifs à l’utilisation du français aux consommateurs et employés de cette catégorie d’entreprises au Québec et dans les « régions [du Canada] à forte présence francophone”. Cela concerne les entreprises ayant un mandat fédéral ou exerçant des activités fédérales, avec beaucoup d’exceptions en fait. Elles devraient “promouvoir” la deuxième langue officielle et leurs employés pourraient désormais travailler en français. Les consommateurs des services ou produits afférents auraient le droit 1) d’être servis en français 2) de porter plainte auprès du commissaire aux langues officielles. Quelle attaque à l’anglais ! On ne parle même pas de les assujettir à la Loi 101 (la Charte de la langue française ou CLF) !
Le projet de loi 96, quant à lui, est une actualisation, un léger renforcement de la CLF, puisqu’il réaffirme simplement que la seule langue officielle du Québec est le français. Ce qui devrait par se traduire par une plus grande importance donnée à l’affichage en français, par une information aux consommateurs en français, par une traduction en français des actes juridiques, par un personnel juridique et/ou des avocats qui parlent le français, par des contrats commerciaux obligatoirement en français, par une communication avec le personnel d’une entreprise en français, notamment sur les conditions d’emploi, la formation, etc., par une obligation de francisation dans les entreprises de plus de 25 employés et finalement en demandant aux étudiants francophones dans les cégeps anglophones de suivre 3 cours en français, l’équivalent de l’épreuve uniforme de français du collégial.
Vous trouvez ça exagéré ? Franchement, pourquoi se pose-t-on la question, alors qu’ailleurs au Canada, il semblerait que la prédominance de l’anglais ne gêne pas le moins du monde nos “Quebecers”, grands défenseurs du bilinguisme canadien… quand ça les arrange ! Quid des dizaines de milliers d’immigrants anglophones unilingues qui s’installent au Québec, parmi lesquels beaucoup d’étudiants de McGill et de Concordia ? Que dire aussi du poids institutionnel inouï (en santé et en éducation, par exemple) pour une minorité linguistique officielle du Canada qui totalise moins de 10 % de la population ?
Comment dit-on en anglais “Mieux vaut prévenir que guérir” ? Les cris d’orfraie des Anglo-Québécois dans les derniers mois ressemblent à s’y méprendre à une guerre préventive. Vanité des vanités… La véritable bataille n’est-elle pas ailleurs? Créons un statut de « langue nationale », et conférons-le aux langues autochtones!
La démocratie endormie (1)
Didier Périès
Les Français du Québec et du Canada, parmi lesquels beaucoup de binationaux, sortent d’un mois de campagne électorale présidentielle, avec douze candidats et deux semaines d’élections. En effet, le processus se fait en deux étapes : au premier tour sont présents tous les candidats et les citoyens en choisissent un nommément (pas un député qui va ensuite nous représenter au parlement : ça, ce sont d’autres élections, les législatives) ; au deuxième tour, seuls les deux candidats qui ont fait le meilleur score s’opposent (pourquoi pas trois ou quatre ? Mystère). Une sorte de finale qui conduit nécessairement à une majorité absolue, à plus de 50 % des suffrages exprimés. En France, le président de la République représente donc clairement une majorité des citoyens qui ont voté.
Que ressort-il de cette élection qui constitue ce qui se rapproche le plus de nos élections fédérales, qui puisse éclairer notre forme de démocratie, ici, au Québec comme au Canada (avec un même système électoral, aux mêmes défauts et qualités) ? D’abord, si le système de primaires au sein des partis a gagné en popularité ces dernières années — chaque parti en avait eu lors des élections présidentielles de 2017 — finalement, à part dans deux partis (sur douze), elles ont été abandonnées. Pourquoi ? Et bien, seuls les adhérents des partis votent dans des primaires, pas la population entière — non-militante pour l’essentiel — ; les partis y dépensent beaucoup de temps, d’énergie et d’argent, mais pour quels effets positifs ? La participation de la population n’en est pas modifiée, en tout cas pas positivement.
Justement, le taux de participation (ou l’abstention, selon les points de vue), l’un des deux grands problèmes de nos démocraties occidentales avec le sentiment de ne pas être entendu, représenté. En France, à 29 %, il est le pire depuis 25 ans, en baisse constante depuis les deux dernières élections. Ici, il est de plus de 30 % systématiquement. Évènement de second plan, derrière la guerre en Ukraine et la CoVid-19, cette élection n’a pas mobilisé les Français qui, en cela, n’ont fait que suivre leur président actuel, Emmanuel Macron. En effet, ce dernier s’est déclaré candidat deux semaines avant le scrutin, a refusé tout débat contre ses adversaires et n’a tenu qu’un seul rassemblement. On a parlé de campagne « sous morphine ».
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce manque d’engouement. Le beau temps (eh oui !), le discrédit de la classe politique, le manque – apparent - d’enjeux (ils parlent pas des vraies affaires), l’absence d’adhésion au concept de démocratie (trop de bla-bla, pas assez d’actions), une représentativité défaillante (aucun des 12 partis et candidats ne me plait!). Problème prouvé par les enquêtes : à force d’être indécis (20 % des Français ignoraient pour qui voter dans les dernières 24 h et 10 % dans la dernière heure), on finit par rester chez soi !
Alors, comment faire mieux ? Comment aller chercher nos enfants, nos parents, nos amis, nos voisins, qui se détournent des élections et minent ainsi une démocratie qui, il faut le souligner, ne se résume pas à nos institutions représentatives (on peut être bénévole dans des organismes non partisans, s’exprimer dans différents médias, manifester, s’adresser directement aux élus…) ? Comment réveiller, redonner aux gens le goût d’exprimer leur voix lors des élections, dans un geste qui est le symbole même de la démocratie ?
Desastres de la guerra
Didier Périès
Lorsque j’ai vu le reportage filmé à Bucha, puis ailleurs en Ukraine, j’ai eu une impression de déjà-vu, mais en plus nauséeuse, plus horrifiante. J’ai d’abord songé aux eaux-fortes du peintre espagnol Francisco Goya, réalisées pendant l’occupation française de l’Espagne au début du XIXe siècle. Elles sont terribles à voir… et quasi-identiques aux images provenant des villes d’Ukraine. Vous me direz que j’aurais pu également penser à celles de la Syrie, ou plus récemment à celles d’un charnier au Mali qui a déclenché une polémique. S’il est vrai que le point commun entre les trois est la présence de soldats ou de mercenaires russes, malheureusement, russes ou pas russes, la guerre provoque (je pèse mes mots) systématiquement ce genre d’atrocités. Le plus étonnant est que l’on feint de le découvrir à chaque fois. Amnésie volontaire ? Déni devant la triste réalité humaine ? Cynisme racoleur ? Il peut y avoir plusieurs raisons. Les faits demeurent. Les civils sont toujours ceux qui payent le prix fort en cas de conflit armé. Même la légendaire « guerre en dentelle » du XVIIIe siècle n’avait rien de propre ; c’était une véritable boucherie. C’est la réalité de la guerre !
Alors, il parait qu’il y aurait maintenant des lois de la guerre, que certaines choses seraient immorales, outrancières. Curieux, je me suis renseigné. Effectivement, ce n’est pas nouveau. Depuis les trêves pour ramasser les cadavres et enterrer dignement ses morts dans l’Antiquité jusqu’aux « conventions » les plus récentes (par exemple, celle pour la prévention et la répression du crime de génocide, en 1948) et autres codifications, comme celle de l’article 8 du Statut de Rome sur les crimes de guerre, dans le cadre du tribunal pénal international, on peut trouver quantité de mesures prises afin de limiter les excès en situation de guerre. On dit que le concept de crime de guerre est aussi ancien que les « lois de la guerre », qui faisaient elles-mêmes partie du « droit des gens », et ce sur tous les continents, dans toutes les sociétés. Ont-elles empêché les viols d’enfants ou de vieillards, les massacres, les exécutions sommaires de civils ou de militaires ? Pas que je sache. Je pourrais vous en donner la liste. Ce qui est remarquable, c’est que les règles se soient multipliées, jusqu’à créer un « droit international » en la matière, alors que nos moyens de destruction et que la létalité de nos armes grandissaient exponentiellement. Imaginez qu’une seule bombe atomique tactique pourrait détruire Gatineau en quelques secondes !
Évidemment, il y a des nuances. Ainsi tous les actes de cruauté commis à l’occasion d’une guerre, ne sont pas pour autant des crimes de guerre. Selon la Convention de Genève (1949), envahir un pays dans ses limites officielles et reconnues par la communauté internationale, sans raison valable, sans qu’il y ait agression ou danger préalable est déjà une infraction aux lois de la guerre ; l’homicide intentionnel, la torture, les expériences biologiques, la destruction et l’appropriation de biens, la prise d’otages, la déportation sont aussi considérés comme de « simples » crimes de guerre. Au-delà, on parle de crime contre l’humanité : « l’extermination, la réduction en esclavage, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre » (Charte de Londres, 1946).
La guerre fabrique des monstres, elle ravage les corps et les âmes des victimes civiles autant que des belligérants.
Le droit à la propriété en question
Didier Périès
Dans la pyramide de Maslow, le besoin de logement (au même titre que l’emploi ou l’intégrité physique) vient en deuxième, après les besoins essentiels, physiologiques : la faim, la soif, la sexualité, la respiration, le sommeil, etc. Pourtant, dans notre société, les gens valorisent énormément l’endroit où ils habitent (région, ville, quartier, maison ou appartement). Avoir son « chez-soi » est souvent l’une des premières étapes dans la vie d’un-e jeune adulte, voire pour certains, un objectif de vie à court terme, avant même d’avoir une activité professionnelle. C’est un symbole de notre réussite sociale ou de l’image que l’on veut en donner, en tout cas.
Ici, en Amérique du Nord, les vastes espaces ont depuis les débuts de la colonisation laissé penser aux nouveaux arrivants que se loger serait facile, qu’il y avait de place en masse, comme on dit. Et avec le faible coût des matières premières, notamment du bois, plusieurs générations de Canadiens ont pu accéder à la propriété et se faire bâtir une habitation à moindre coût. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et pour longtemps, à moins qu’un changement drastique de société et de paradigme économique ne survienne. Pour les jeunes, mais pas seulement, cet accès à la propriété est aujourd’hui un rêve lointain, un espoir sans lendemain. Pourquoi ?
D’abord, parce que l’espace disponible, proche des centres-villes, partout diminue, alors que l’exode rural se poursuit ; puis, l’accès aux matériaux de construction naturels, leurs coûts d’extraction, de transformation et de transport ont naturellement augmenté au fil des décennies ; enfin, la pandémie, la crise climatique et la guerre en Ukraine ont parachevé le tout. Ah ! J’ai oublié la hausse des taux hypothécaires… Et ce que l’Europe ou certaines contrées en Asie ou en Afrique vivent depuis longtemps a fini par nous frapper… Mais veut-on vraiment de ce modèle-là de développement, d’étalement urbain qui force à l’utilisation de la voiture — parce que les transports publics peinent à suivre — et accroit un parc de logements qui ne sont que temporaires, justement parce que « cheap » et de mauvaise qualité ? Si devenir propriétaire est impossible, être locataire à vie est-il concevable, souhaitable ? Quelle alternative ?
L’une des solutions très en vogue dans les années 2010, surtout à Montréal, a été la copropriété (en indivise — vous détenez une part, mais pas un lot distinct — ou pas : les condominiums). Vous avez un-e ami-e fidèle ? Il-elle peut apporter une partie de la mise de fonds ? Alors, mettez votre argent en commun pour acheter là où vous voulez (ou presque), malgré la surenchère généralisée… Vivre à plusieurs, c’est aussi partager les frais fixes ; il y a des avantages. En revanche, en tant que propriétaire, il y a des inconvénients : l’entretien, la rénovation, les créances (taxes municipales et scolaires) sont à votre compte. Il faut donc jouer collectif.
Au fonds, le problème n’est-il pas ailleurs ? Se loger est un besoin crucial certes, mais la propriété est-elle une nécessité ? Posséder est un pouvoir de fait sur une chose, en être le-la propriétaire est un pouvoir de droit. Peut-on avoir l’un sans chercher à avoir l’autre ? Oui, cela garantit une certaine liberté, ou plutôt être libre consiste entre autres à pouvoir posséder quelque chose… auquel on finit par s’attacher : c’est le plaisir d’avoir. Dès lors, quelle place laisse-t-on à l’être ?
Les Cowboys fringants : un monument national
Didier Périès
Éclaircissons tout de suite un point : je ne suis pas un fan inconditionnel des Cowboys fringants, qui connaitrait tous leurs albums, toutes leurs chansons par cœur et/ou qui irait à tous leurs concerts dans la province. Je les ai vus trois fois dans les dernières années et chaque fois lors de l’Outaouais en fête… comme dimanche soir dernier. Et ce fut encore une fois (ou plus que jamais) incroyable, à plusieurs égards !
Peu avant, l’un de mes amis, qui devait m’accompagner au parc des Cèdres, m’avait décrit comment le groupe québécois allait le chercher profondément avec ses mélodies entrainantes et ses textes puissants. S’il est vrai que certains morceaux sont des ballades, beaucoup suivent un irrésistible et endiablé rythme, parfois même sur des paroles tristes, voire déprimantes… quelle que soit la catégorie dans laquelle on veuille les faire rentrer (folk ? Country québécoise ? Rock folk ?), on peut aisément faire la fête sur les Cowboys ! Leurs mélodies, où les guitares le disputent aux percussions, aux cuivres ou aux vents et aux cordes (surtout au violon), nous restent longtemps en tête…
Toutefois, dimanche soir, et bien que certains puissent me rétorquer qu’après tout il n’y avait que les supporters inconditionnels qui avaient fait le déplacement — ce dont je doute — ce que j’ai vécu allait au-delà de ça. Certes, ce sont de grands professionnels qui tournent au Québec, au Canada et partout dans la francophonie internationale depuis plus de 25 ans ; ils jouent très bien, en parfaite harmonie musicale à l’intérieur du groupe, ont un jeu de scène de fou, savent mettre le feu au parterre et enchainer les titres. Mais il y a plus.
Les paroles de leurs chansons sont vraies, elles touchent. Les jeunes, les moins jeunes, les plus vieux ; leur auditoire foule est intergénérationnel. Donc, pour reprendre la formule de mon ami, leurs paroles vont chercher le ou la Québécoise en faisant référence à des tranches de vie, à des éléments culturels (personnes, événements) typiques, dans un langage à la fois familier et poétique, avec un sens de la formule hors pair. Leurs titres ou refrains sont emblématiques, au point que si devais si citer un, je devrais en ajouter trente ! Ils m’ont même inspiré en 2007, lorsque j’ai mis en place le programme de rugby à l’école secondaire Grande-Rivière et cherché une devise : « Droit devant ! ».
Ceci dit, est-ce que toutes leurs chansons sont compréhensibles par tous, même sans avoir vécu au Québec ? Peut-être pas toutes. Cependant, la plupart d’entre elles, véhiculent un message universel, parce qu’elles abordent des expériences humaines fondamentales. C’est ça qui est également fort : comment aller chercher l’universel à travers l’anecdotique. Avec leurs 17 albums, les Cowboys fringants illustrent plus que jamais l’âme du Québec : un esprit festif, ouvert, bonhomme, un brin nostalgique, mais très lucide sur l’état de la société et farouchement indépendant. Une voix singulière dans une Amérique à la culture très états-unienne et anglo-saxonne, envahissante et uniforme. Comment ne pas se sentir un peu plus québécois après les avoir écoutés ? Je me demande si les Anglo-Québécois ressentent les mêmes émotions à les entendre ou encore s’il existe l’équivalent en anglais ; et si non, pourquoi. Merci Karl, Jean-François, Marie-Annick, Jérôme, Dominique et les autres, vous faites partie d’un patrimoine québécois bien vivant !
Tous les goûts sont dans la nature
Didier Périès
J’aurais pu intituler mon éditorial « Tous les sexes sont dans la nature », reprenant du même coup le titre du livre de Thierry Lodé, qui a servi de révélateur — un peu comme les produits chimiques en photographie — pour rendre plus nette ma compréhension intuitive de la question du genre et de l’orientation sexuelle. Parce que quoique nous en pensions, nos opinions à ce sujet viennent surtout de notre éducation, laquelle a été essentiellement forgée par notre culture judéo-chrétienne. Les grandes religions monothéistes d’aujourd’hui (Judaïsme, Christianisme, Islam) sont d’une même lignée et ont plus en commun dans leurs fondements que de différences, notamment quand il s’agit de la vision des genres (homme, femme), de l’orientation sexuelle (hétéro, homo, pan) et du rôle de la sexualité au regard de la procréation. Je pense avoir déjà consacré plusieurs textes ces cinq dernières années à ces distinctions…
Alors, que nous explique Thierry Lodé dans son essai de vulgarisation scientifique ? Et bien pour commencer, il replace la question de la sexualité dans la perspective plus générale de la vie sur Terre depuis son apparition, il y a plus de trois milliards d’années ; ses nombreux exemples illustrent ses vastes connaissances sur une Nature qui présente tellement de diversité de formes, de conditions, de fonctionnements que c’en est enivrant ! Et au sein de ces rôles dévolus aux uns et autres se trouvent la copulation et les relations sexuelles. Je les différencie, parce qu’il apparait qu’elles ne sont pas consubstantielles ; comprenez-moi bien, là où il y a reproduction, il y a sexualité — en général : pensez à certains organismes vivants qui se divisent eux-mêmes pour se multiplier, à l’identique — mais l’inverse n’est pas vrai du tout !
Si pour 95 % du vivant se reproduire se fait bel et bien et au sein d’une même espèce, d’autres conditions doivent quand même être réunies : l’âge des partenaires, un comportement spécifique de séduction, deux « sexes » ou principes (le fécondant et le fécondé). Attention, je n’ai pas parlé de masculin et féminin ou de pénis et de vagin. C’est justement là que la biologie apporte un éclairage déterminant. La sexualité à travers ses milliers de déclinaisons dans le règne animal et végétal est si complexe qu’elle complique la reproduction (la perpétuation et l’adaptation de notre ADN aux conditions de vie) tout en la rendant plus attractive.
Par ailleurs, l’hermaphrodisme, la transidentité (changer de genre au cours de sa vie) et l’homosexualité furent longtemps la règle plus que l’exception. Encore de nos jours, dans beaucoup d’espèces, y compris chez les mammifères, copuler entre mâle et femelle afin de se reproduire est tout à fait compatible avec des pratiques homosexuelles, y compris chez un même individu. Ainsi les lions, pourtant symboles de puissance virile, n’y échappent pas. La bisexualité est la norme et le concept de partenaire unique tout au long de l’existence n’est pas un fait pas si généralisé que cela. En fait, la diversité des sexualités est nécessaire à notre évolution pour nous adapter, à notre survie.
Maintenant, vous pouvez continuer de croire ce que vous voulez sur ce que doit être un couple, une sexualité normale ou l’appartenance à un genre plutôt qu’à un autre. Cependant cela ne repose pas sur la réalité de la nature dont la science nous apporte des preuves.
Cravate club
Didier Périès
Chose promise, chose due. Il y a quelque temps a eu lieu une tempête épique dans le verre d’eau de la politique française, qui rappelle les prises de bec qui surviennent ponctuellement chez nous, à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des communes. En effet, la bataille s’est jouée autour du sujet ultrasensible du port de la cravate dans l’hémicycle, rien de moins.
À l’origine, la proposition par l’un des députés (de droite — qui comprend Renaissance, le parti du président Macron, Les Républicains et le Rassemblement national) de rendre obligatoire la cravate, en modifiant les règlements de l’assemblée législative française. Tollé de l’autre côté, principalement représenté par la NUPES, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, une coalition improbable des principaux partis de gauche, incluant le Parti communiste.
La pomme de discorde se résume quand même à un petit bout de tissu. Aux dires de certains experts politiques, cette dernière serait pourtant lourde de sens et même le symbole à elle seule du système parlementaire français et du pouvoir d’une certaine élite ! Par conséquent, la couper, la dénouer ou pire, l’enlever, serait un acte de désobéissance civile anti-bourgeois, anticonformiste, d’une modernité incroyable… On serait « sans cravate » (dixit Mélenchon), comme d’autres furent « sans-culotte » dans les années 1790.
Le député des Républicains à l’origine de la dispute, lui, avance qu’il faut combattre cette « forme de relâchement vestimentaire » qui illustrerait peut-être un laisser-aller du comportement des députés, voire de la pensée… L’habit fait-il à ce point le moine, en l’espèce des politiciens ? N’est-il pas temps en 2023 de moderniser la tenue de nos représentants ? À défaut de changer le système électoral, un tel changement cosmétique pourrait paraitre séduisant aux marchands de rêves qui nous gouvernent.
En tout cas, un vent de fraicheur a soufflé sur l’auguste assemblée, lorsque les députés de la NUPES se sont pointés en bras de chemise ou en t-shirt. Face à eux, les députés d’extrême droite paraissaient engoncés dans leurs costumes-cravate ou leur tailleurs un peu étriqués. Le problème est que l’Assemblée nationale française ne dispose d’aucun code vestimentaire officiel. Pour les visiteurs, une simple mention d’une « tenue correcte (pour les hommes : veste ou blouson à manches longues, pantalon long ») est faite dans L’instruction générale du Bureau. Pour les parlementaires, on parle seulement d’une “tenue de ville” ! Après, il y a des usages… On a ainsi longtemps refusé le pantalon aux femmes, au profit des jupes ou des robes. D’ailleurs, les députées de la NUPES ont marqué leur désapprobation en portant sur des leurs tenues les cravates les plus laides et les plus insolites possibles.
L’affaire n’est pas nouvelle en vérité, puisque plusieurs fois l’histoire parlementaire de l’hexagone a été émaillée d’incidents vestimentaires, comme autant de gestes symboliques : Pierre Leroux portera le bleu des ouvriers en 1848 ; Christophe Thivrier se présentera également avec la blouse bleue des mineurs en 1889 ; Jack Lang en veste noire à col Mao en 1985 ; Patrice Carvalho en bleu de chauffe en 1997 ; Valérie Pécresse en jean en 2012 ; Jean Lasalle en gilet jaune en 2018 ou les députés de la France insoumise plus récemment en veste de couvreur à col cassé. Et pourquoi ne pas discuter maintenant des chaussures tant qu’on y est ? Pas plus dans une assemblée législative que dans la rue une tenue vestimentaire n’est anodine.
Barbecue et grillades : un été bien assaisonné !
Didier Périès
Comment passer l’été sans parler de grillades, de barbecue ? Quoique chez plusieurs d’entre nous, le BBQ est une activité à l’année longue, par tous les temps, y compris sur le balcon, en plein hiver. Et puis il est rare que je parle d’alimentation, alors c’est l’occasion…
Cela dit, je voudrais adopter une perspective légèrement différente de la perspective habituelle quand vient le temps du « barbuc’ ». Loin de moi l’idée de vous convaincre d’abandonner cette noble pratique venue des temps immémoriaux, où l’être humain n’avait que le feu pour faire cuire ses aliments, mais parlons d’empreinte écologique. À l’heure où le gouvernement libéral de Trudeau et de Fergus nous en passe une petite vite, pendant que nous sommes en congé, en planifiant d’exclure le transport et le raffinage de la comptabilité des GES produits par l’industrie pétrolière et gazière, nous au moins, essaierons de faire notre part, n’est-ce pas ?
Donc, quelques infos sur le « coût environnemental » de nos grillades : émissions de GES, consommation de combustible fossile et solutions de rechange… Déjà, il faut savoir que la production de viande est en soi un gros émetteur de GES en plus de gaspiller énormément d’eau potable (on va la payer un jour, c’est certain !). Sachez que vos deux steaks, même accompagnés de légumes style poivrons ou asperges et de maïs, équivalent déjà à un trajet de 125 km en voiture. Si vous les remplacez par du tofu, votre bilan carbone est divisé par sept ! Et si vous voulez, à la manière des libéraux, « compenser » vos émissions, c’est-à-dire continuer de polluer en mangeant de la viande de bœuf, par exemple une fois sur deux, alors vous devriez ingurgiter 28 poivrons ou pas moins de 30 épis de maïs… Hum, pas évident.
On se rappellera que l’agriculture, qui subit de plein fouet la crise climatique — les événements météorologiques extrêmes détruisent les récoltes, appauvrissent des sols et conduisent à des famines… — est la cause de 20 % des émissions de GES dans le monde. Parmi ces dernières, viande et poissons en constituent à eux seuls 36 %, alors qu’ils ne représentent que 7 % de notre assiette en moyenne ; pour les légumes, c’est le contraire. Le détail qui tue quand on parle des émissions reliées à différents aliments est évidemment ce que l’on prend en compte, comme pour le reste, c’est-à-dire l’ensemble du cycle de vie du produit, de l’utilisation des sols jusqu’à la cuisson, en passant par le transport et la transformation donc, en ce qui concerne la nourriture. Mais dans tous les cas, la solution réside davantage dans un maximum qui mange moins de viandes (ou qui passent du bœuf au poulet, au porc, au canard), plutôt que dans un petit nombre qui devient végétalien.
Et puis vous pouvez changer de mode de cuisson : OK pour des grillades, mais au charbon de bois, au gaz ou à l’électricité ? Cette dernière est de loin la moins polluante, à l’opposé du charbon, vous vous en doutez… Et il y a d’autres modes de cuisson en extérieur que le BBQ. Moi qui reviens d’Europe ai souvent profité, à la maison comme au restaurant, des « pierrades » (ou pierres à cuire), un mix de plancha et de raclette. Je vous le garantis, c’est convivial, ludique et savoureux !
Les élections, parlons-en ! (1)
Didier Périès
Mais pas de n’importe quelle manière… Comme pour un bon gros cadeau (empoisonné parfois, pensez aux repas de famille), avant d’en examiner le contenu, admirons-en l’emballage. Parlons des slogans, mais en partant du plus petit au plus grand, pour faire honneur à toutes les cendrillons potentielles de ce monde.
Parti vert du Québec — « Le seul parti vraiment vert ». Slogan difficile à contredire, vu la redondance avec le nom du parti… Comme les autres partis de « gauche », le PVQ propose une plateforme axée en réalité autant sur la justice sociale que sur l’écologie, avec une perspective clairement multiculturaliste et fédéraliste. Ça, on s’en rend moins compte à partir de leur slogan qui a au moins le mérite d’être cohérent avec la mission de ce parti.
Parti conservateur du Québec — « Libres chez nous ». Ah ! Voilà de vrais populistes, qui flattent la fibre nationale en jouant sur la formule consacrée des Jean Lesage (« maitres chez nous »), tout en l’adaptant à leur discours libertarien. Petit problème (d’où le vil populisme) : le PCQ est fédéraliste et fan des privatisations ! On met un gros concept passe-partout, mais qui est une des grandes questions en philosophie et hop, on croit que le tour est joué. Pauvres hères, si on était dans la dictature que vous croyez, le PCQ n’existerait même pas ! Relisez vos livres d’histoire !
Parti québécois — « Le Québec qui s’assume. Pour vrai » ; retour à la case départ : le souverainisme, l’indépendance. Au moins, le PQ joue franc-jeu en adoptant un slogan fidèle à son programme. Il fait néanmoins le choix d’un registre de langue plus relâché (« pour vrai »), histoire de s’adresser au peuple. Mouais… Et on parle du vrai, de l’authentique, et donc d’une certaine forme de vérité qui renverrait les autres partis dans l’erreur au mieux, dans le mensonge au pire. Drôle de rhétorique !
Parti libéral du Québec — « Votez vrai » et en sous-titre : « vrais enjeux, vraies solutions ». C’est idiot, de loin, j’avais d’abord cru lire « vos enjeux, nos solutions » ou quelque chose approchant, et je me disais, Hum, un peu populiste, mais au moins, ça peut parler aux électeurs ! Là, cela signifie-t-il que les autres disent faux, qu’ils mentent ? Mais au fait, qu’est-ce que la vérité ? On tombe à nouveau dans le devoir de philo avec ce concept ambiguë… terrain glissant !
Québec solidaire — « change d’ère » ; changer d’air ? On aime le jeu de mots peut-être volontaire, quand on connait la place que prend désormais la plateforme environnementale dans ce parti épris de justice sociale. Justice sociale, justice climatique, voilà ce qu’aurait pu être leur slogan, mais QS veut induire un changement d’époque. Cela fait-il des partis plus anciens des dinosaures ? Petite subtilité : l’apostrophe a été remplacée par une flèche, qui symbolise la direction, le mouvement…
Coalition avenir Québec — « Continuons ». Slogan absent des affiches des candidats de la CAQ ici, comme s’il n’y en avait pas besoin, puisque qu’avec eux, on connait le programme, n’est-ce pas ? Paresse un peu méprisante ou sobriété volontaire ? Après deux ans de pandémie qui ont mis beaucoup des réformes en pause, la CAQ veut « garder son élan » de « changements ». Lequel ? Personnellement, je n’en vois guère justement ; sous couvert de réforme, c’est le plutôt le statu quo qui se profile, et en environnement, en santé, en éducation, c’est même pire.
Quelle « transition énergétique » ?
Didier Périès
Au moment où j’écris ces lignes, je ne connais pas le résultat précis des élections provinciales. Évidemment, la CAQ va rester aux commandes du Québec, avec une majorité de sièges… et la plus forte minorité de voix parmi les partis en présence. Le résultat d’une distorsion systémique qui a posé et pose un problème grandissant de représentativité démocratique.
Cependant, il existe au moins un sujet qui nous concerne tous (simples citoyens, associations, entreprises, partis de droite comme de gauche — si cette dichotomie existe encore —), un sujet qui fait l’unanimité, mais largement galvaudé et que certains toutefois dénoncent. La transition énergétique doit pourtant une priorité absolue — oui, devant l’inflation, l’immigration ou l’économie — pour le nouveau gouvernement.
Pour comprendre ce concept, il faut se rappeler que notre dépendance aux énergies fossiles (essentiellement pétrole, gaz et charbon), en remplacement des énergies traditionnelles (l’eau et le bois) et au détriment des énergies renouvelables (marémotrice, éolienne, solaire, etc.), cette addiction est un choix qui date de la fin du XVIIIe siècle pour répondre à la poussée démographique et à l’accroissement des productions en Europe. C’est dans les années 1860-1870 que l’hégémonie du charbon se réalise… peu après remplacée par celle du pétrole, à l’orée du XXe siècle. La Première Guerre mondiale marque le début du règne de l’automobile, la seconde celui de l’avion. À l’époque, une convention impose même à tous les états de vendre le kérosène à prix coutant, sans taxe. Cette mesure, qui devait permettre la mobilité du plus grand nombre, nous a juste collectivement précipités dans l’une des crises existentielles les plus graves que l’humanité ait jamais traversées. Nous n’en sommes toujours pas sortis : réfléchissez-y bien, notre mode de vie est littéralement basé sur l’automobile. Et qui est prêt à en changer ? Vous ? Moi ?
Or, plusieurs nous ont prévenus depuis longtemps, bien avant que se présente l’enjeu climatique dans les années 1970, avec la découverte du trou de la couche d’ozone. L’historien Lewis Mumford, le philosophe Ivan Illich ou l’économiste Alfred Sauvy ont entrevu l’impasse du « tout-auto » (autrement appelé la « mentalité moteur »). Mais qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Tous les constructeurs, avec l’aval de nos gouvernements, nous présentent l’automobile électrique comme la solution, un transport propre (quid de sa construction ?), en oubliant de parler de la production d’énergie en amont, par des centrales thermiques ou nucléaires… Objectif d’ici 2050 : la neutralité carbone, qui se fera à coup de subventions massives qui elles-mêmes vont augmenter la pression fiscale, au détriment des revenus et de la redistribution dans des domaines tels que la santé et l’éducation.
De surcroît, le problème demeure que nos solutions ne sont valables que si elles sont également appliquées par les autres régions du monde (90 % de la population mondiale). Nous sommes par ailleurs consommateurs de produits de plus en plus énergivores : électronique de nos véhicules, téléphones 5G, cinéma-maison, frigos ou maisons connectés, métavers… Tous friands de minerais rares, au point que les énergies renouvelables ne pourront probablement pas y suffire. Et c’est sans compter que l’être humain n’a jamais autant brûlé de charbon et de pétrole ! Au fond, une véritable transition énergétique requiert deux actions simples dans les actes — mais difficiles psychologiquement : diminuer notre consommation d’énergie, voire notre consommation tout court ; et limiter l’utilisation de l’automobile et de ces variantes !
1 865 573/4 169 137/8 604 500
Didier Périès
Selon Élections Québec et Statistiques Québec, ce sont respectivement, et du premier au dernier, le montant de votants, de citoyens inscrits et de Québécois au total. Il y a plusieurs conclusions évidentes à tirer de ces trois nombres, il suffit d’en regarder les deux premiers chiffres !
Pour commencer, seulement deux personnes sur trois ont fait le déplacement pour exercer leur droit. Ce n’est clairement pas assez pour une démocratie, mais si l’on se souvient du chiffre des élections municipales (33 %), on se console, comme dit l’expression !Et c’est égal au taux de participation de 2018. Alors ? Alors… La participation stagne depuis plusieurs années, avec une tendance à la baisse sur un demi-siècle, toutes élections confondues. Certains pourraient demander que le vote soit rendu obligatoire… D’autres rétorqueraient aussitôt qu’on leur prend une liberté de plus… Que faire ? Il y a manifestement un désintérêt croissant pour la politique (partisane), une perte de confiance énorme, une perte du crédit donné à nos gouvernements pour accomplir leur mission, pour prendre soin de la population. C’est grave. Et si l’on comptabilisait le vote blanc, par exemple, comme l’expression véritable d’une fidélité à la démocratique, et non seulement comme un désaveu des forces en présence ?
Ensuite, la CAQ, qui se targue d’avoir « un mandat clair » de la population, ne récolte finalement que 41 % de 66 % ; un quart (soit à peine un sur deux) des électeurs ayant voté, soit un-e Québécois-e sur quatre. Vos deux voisins, celui de droite et de gauche, mais aussi celui au centre en face de vous, n’ont pas voté pour le premier ministre de la continuité Legault. Vu sous cet angle, cela parait incroyable, non ? Avec leurs 600 000 votes et leur soi-disant « mandat fort », eux aussi, les libéraux devraient moins claironner : s’ils avaient la moindre parcelle d’intégrité politique et morale, ils devraient plutôt reconnaitre que, dans les faits (en termes de soutien populaire), ils sont troisièmes derrière QS… et pas mieux que le PQ. Ajoutez-y le PCQ, qui les talonne !
Ces quatre partis font pitié, disons-le. Pour des raisons différentes et que l’on peut déplorer ou pas, selon nos préférences. Cependant, objectivement, entre un parti libertarien — naissant et opportuniste — un parti qui a perdu le Nord — et racole ce qu’il peut, cantonné qu’il est à Montréal — un parti qui a retrouvé son Nord, mais dont les électeurs voient de moins en moins la pertinence — et un vrai parti de gauche, qui a la justice chevillée au corps, mais qui s’est converti au wokisme et au multiculturalisme — comment faire pour qu’ils soient justement et dignement représentés à l’Assemblée nationale ? Peut-être, introduire de la proportionnalité dans un scrutin uninominal majoritaire à un tour venu directement des temps anciens du dominion britannique ?
C’est pour cette même dernière raison qu’aucun parti n’est prêt s’allier à un autre, prêt à collaborer pour monter une liste électorale ? N’y a-t-il donc aucun point commun, aucun terrain d’entente, aucun dénominateur commun entre vous ? Quelque chose qui permettre au Québec de gagner contre les crises que nous traversons, quitte à y perdre un peu ? La « tradition parlementaire », le système britannique ont bon dos. Pour le bien de tous, s’il vous plait, mettez vos ego de côté, soyez humbles et surtout, soyez pragmatiques !
Le serpent de mer
Didier Périès
Nous pourrions nous réjouir d’entendre la mairesse Bélisle annoncer son intention de placer dans la liste des enjeux à présenter au gouvernement provincial fraîchement élu le projet de tramway à l’ouest de la ville. Cependant, pourquoi le remettre sur la table, alors qu’ à part pour le palier fédéral - merci Greg Fergus - il fait déjà consensus ?
Personnellement, je ne comprends pas. S’assurer (à nouveau) que le gouvernement « continuera » dans ce projet nécessaire, structurant et écologiste ? Instiller un doute sur sa pertinence sans le remettre en cause frontalement ? J’ai un doute sur les motivations profondes de notre nouvelle élue. N’a-t-elle pas elle-même parlé de le « repositionner » ? Creusons un petit peu.
Visiblement, les autorités fédérale et provinciale ne s’entendent pas sur le financement et la gestion de ce projet qui sont désormais interprovinciaux, depuis que l’arrimage avec le système de transport ottavien a été acté par toutes les parties. La ville et la STO déclarent vouloir garder en ligne de mire le rail plutôt que la route (l’autobus), mais l’harmonisation des deux réseaux semble problématique… Se désengager de cette initiative telle qu'elle est aujourd'hui est-ce la solution ? En tout cas, le résultat est clair : le financement pour l’étude de l’avant-projet n’est même pas encore arrivé !
Or, à trop tarder, nous allons avoir dans 10 ans un moyen de transport dont la technologie datera d’il y a 15 ans, celle utilisée par Ottawa avec le succès — mitigé — qu’on lui connait. On parle -là d’un « retard » de 25 ans. Une génération ! Veut-on vraiment de cela ? Quelle vision d’avenir, quel leadership environnemental cela illustre-t-il ? Puisqu’il s’agit d’un enjeu de gouvernance, la ville pourrait reprendre la main et changer le tracé, abandonner l’idée du lien interprovincial, réviser le choix de la technologie… Mais cela signifie également repartir de zéro !
En réponse à ces atermoiements, la réponse de nos élus est molle ; ni Mathieu Lacombe ni Greg Fergus ne semblent prendre la mesure de la frustration de la population ; ils disent « continuer à travailler avec tous les partenaires ». Pour ? Rien : aucun résultat tangible dans un dossier dont j’entends parler depuis mon installation dans la région en 2005 ! Ils manquent tout simplement de leadership. Ou bien le député McKinnon et son souhait d’un sixième pont à l’est de la ville a-t-il plus de poids auprès de Trudeau que notre représentant dans Hull-Aylmer ?
Ce qui est certain, c’est que toutes les études montrent que le tramway, en plus d’être moins polluant, représente le meilleur moyen pour répondre aux enjeux de transport collectif en général : il permet de transporter deux fois plus de gens que des autobus et l’on sait qu’une plus grande rotation de petits transports vaut mieux qu’un autobus accordéon à la demi-heure, fût-il un service rapide par bus. À l’horizon 2030, poursuivre sur la lancée du Rapibus signifierait en effet davantage de congestion routière et plus de GES.
L’argument qui prévaut en ce moment de la complexité extrême du projet, parce que nécessitant une coordination entre cinq gouvernements distincts, ne doit pas nous faire oublier une chose : le projet d’un transport structurant et écologique à l’ouest de la ville est absolument nécessaire. Et entre nous, on en a un peu assez d’être les parents pauvres de l’accessibilité aux services essentiels ici, à Aylmer.
Bon COP, bad COP
Didier Périès
J’ai fait mon laïus auprès de mes élèves les plus âgés, parce que je ne pouvais décemment pas l’ignorer. Appelons-le enseigner l’esprit critique ou l’éducation citoyenne, mais certainement pas de la partisanerie. Parce qu’objectivement, utiliser nos impôts pour payer un voyage à la COP 27, en Égypte, aux quatre entreprises pétrolières les plus grosses au Canada, sous prétexte qu’il faut maintenir le dialogue avec ces immenses pollueurs, qu’ils « font partie de la solution », c’est une honte. Ironie extrême : ces sociétés, qui exploitent les sables bitumineux et le gaz de schiste, se sont présentées en tant que championnes de la transition écologique ! En effet, ne vont-elles pas « capturer » le dioxyde de carbone et l’enfermer à tout jamais ? C’était un peu comme inviter un pyromane à trouver des solutions aux feux qu’il a allumés et puis qu’il propose de planter quelques arbres en retour.
À part ça, ça va bien. On voulait réaffirmer que l’objectif de tous les pays de la planète, mu par le même souci du bien commun, était de sortir de l’exploitation des énergies fossiles, rien n’est dit dans le texte final. On visait un maximum de 1,5 degrés d’augmentation des températures moyenne, c’est mentionné du bout des lèvres ; en vérité, tout le monde sait que ce sera infaisable… Mais on ne les dépassera pas, promis, juré, craché ! Et le Canada est le premier à l’affirmer avec force. Le dire, c’est une chose, mettre en œuvre les moyens, en est une autre.
Par ailleurs, le deuxième résultat – historique, lui - de cette COP, mais dont le sujet apparut incidemment à l’ouverture de la réunion, est de prévoir un mécanisme, un fond permanent de dédommagement des pays victimes de catastrophes climatiques ; un genre d’assurance tout risque rapidement débloquée en cas de sinistre environnemental. C’est beau, c’est nouveau, et c’est une initiative des Pays du Sud, les mêmes qui polluent le moins, mais en subissent le plus les effets. Seul petit problème : les plus gros pollueurs de la planète (la Chine et les États-Unis pour ne pas les nommer) ne veulent pas y contribuer ! On ne sait toujours qui va payer ! Et quid du dédommagement des pays colonisés pendant les 150 dernières années d’exploitation et de pollution, et victimes massives aujourd’hui de la crise climatique ? Oups ! On l’a oublié !
Quand on apprend qu’il y avait à Charm el-Cheikh plus de lobbyistes proénergies fossiles que de groupes défenseurs de l’environnement et de la biodiversité, on comprend vite que l’optimisme de notre ministre fédéral de l’environnement, passé maitre dans la langue de bois, avec ses expressions atténuantes et ses déclarations creuses, n’est guère plus qu’un murmure éphémère. Cette fois-ci, les libéraux de Trudeau ont accouché d’un nouveau concept : le Défi mondial sur la tarification du carbone ! Commencez par atteindre les objectifs que vous vous êtes donnés dans votre propre pays, les gars, et on en reparle.
On a beau dire que le dialogue entre les états est nécessaire, que les COP sont juste le reflet ponctuel de l’état d’avancement de nos actions, la pilule est amère à avaler : c’est par une débauche d’allées et venues créatrices de GES, dans une station balnéaire pour les riches, que ces discussions ont lieu et mènent plus à de belles paroles (et encore !) qu’à des actes concrets.
Rébellion contre l’extinction !
Ian Barrett
J’aurais pu écrire en sous-titre « Ou comment éviter de scier la branche sur laquelle nous nous trouvons ». Nous, humains, aimons bien les chiffres, de petits signes visuels qui symbolisent parfois des quantités ou des idées inimaginables. Mais on peut leur faire dire ce que l’on veut. Une bonne illustration en est le 30 %, objectif majeur de la COP15 sur la biodiversité à Montréal. 30 % des milieux naturels terrestres et marins protégés d’ici 2030. Super ! Rien que dans le sud du Canada, il ne reste déjà plus que 7 % de milieux naturels préservés. Donc, au Québec, notre gouvernement caquiste peut respecter cet objectif tout en ne protégeant en fait que des zones peu habitées, voire inhabitables, et continuer de laisser aux promoteurs et aux industries l’initiative du développement du territoire. Un vrai tout de passe-passe d’écoblanchiment !
Soyez rassurés cependant, si la flore et la faune sont toutes deux en péril, si l’humanité telle qu’elle vit aujourd’hui est en péril, la planète, elle, ne l’est pas : elle nous survivra, d’une façon ou d’une autre. En attendant, comme la COP 15 de Montréal le souligne fortement, on observe une accélération historique de la disparition des espèces vivantes, qui constituent chacune, faut-il le rappeler, un maillon de l’écosystème dans lequel nous vivons. Désormais, ce sont 70 % des écosystèmes de la planète qui sont dégradés ou perdus. Et notre coin de pays ne fait pas exception : regardez autour de chez vous ce qu’il en reste de « la Nature » ! Et je ne parle pas juste des arbres ! En effet, nous avons la chance énorme d’être entourés d’eau douce. Partout ailleurs dans les pays du Nord, les citoyens payent pour l’eau qu’ils consomment en vertu de la règle plus que logique de l’utilisateur payeur. 90 % de récifs de corail (qui abrite 6000 espèces et 30 % de la vie marine) disparaitront d’ici 2040 ou qu’un million d’espèces végétales et animales soient en voie d’extinction.
Chez nous, la rivière des Outaouais et les lacs avoisinants abritent des centaines d’espèces variées de plantes et d’animaux, qui déclinent voire meurent sous les effets conjugués de la prolifération d’espèces envahissantes, du développement urbain et de la pollution d’origine résidentielle et industrielle. Nous avons tous entendu parler de la reinette faux grillon, sur laquelle j’avais personnellement été interpellé, sans savoir quoi faire… Elle est maintenant protégée, mais il y en a tant d’autres !
Aux sceptiques, je dis : vous croyez être à l’abri des inondations, des tornades, de la sécheresse dévastatrice pour les cultures, des canicules, des problèmes respiratoires ou de la multiplication des virus aériens ? Mais si vous vous vous sentez tout simplement-e, je réponds : pourquoi ne pas signer une pétition aujourd’hui, faire un don à des organisations comme Garde-rivière des Outaouais demain, acheter des produits d’entretien bio en fin de semaine, participer au nettoyage de la forêt Deschênes au printemps, vous adresser à votre représentant politique occasionnellement ou encore vous impliquer dans votre association de quartier ? Les options sont nombreuses, il ne tient qu’à vous d’agir ! Paradoxalement, la COP 15 risque de s’achever sans objectif chiffré, à cause de l’obstruction de certains pays… Or, réintroduire de la biodiversité est un levier majeur, sinon essentiel, à la lutte contre les changements climatiques, l’ignorer est tout simplement criminel.