Les aménagements cyclables projetés à Hull suscitent des pétitions opposées
Taylor Clark
Des pétitions opposant deux visions en lien avec l’ajout projeté de près de 9 000 mètres de liens cyclables dans le secteur de Hull continuent de faire réagir en ligne.
Conformément aux orientations définies dans le Plan directeur du réseau cyclable de Gatineau, adopté en 2018, la Ville a présenté les différentes propositions d’aménagements cyclables projetés pour le secteur de Hull, et plus précisément pour les quatre axes suivants : Mont-Bleu, Gamelin, Saint-Joseph et Centre-ville. Une séance d’information publique a été organisée le 19 octobre 2023 dans le but de répondre aux questions de la population.
La proposition visant l’axe Saint-Joseph prévoit l’ajout de 8 775 mètres de liens cyclables sur 13 rues. Les aménagements projetés entraîneront la suppression de 339 des 601 espaces de stationnement disponibles dans le secteur. En outre, trois nouveaux sens uniques seront créés : Wìgwàs (Amherst) en direction est depuis Moussette vers Saint-Joseph; Berri en direction sud depuis Gamelin vers Montclair; Berri en direction nord depuis Wìgwàs (Amherst) vers Montclair.
Alain Charlebois, Hullois de longue date, s’est dit stupéfait d’apprendre, durant la campagne électorale des candidats à l'élection partielle, qu’un vaste projet d’infrastructures cyclables prévu dans le quartier Hull-Wright allait transformer deux sections de la rue Berri en sens uniques opposés. Ce dernier dit n'avoir entendu parler de la proposition que pendant la campagne des candidats. En discutant avec ses voisins, il a constaté qu'il n'était pas le seul à être dans le noir le plus total.
« Je suis allé de porte en porte, et je peux dire que 95 % des gens de mon quartier ignoraient tout de ces propositions », d’affirmer le résident.
C'est ce qui a conduit M. Charlebois à lancer une pétition sur la plateforme change.org pour demander au conseil municipal de revoir ses propositions, jugées « excessives », et d'aligner les aménagements cyclables projetés avec les multiples autres projets et priorités pour 2024-2025.
« Il est démesuré de vouloir ajouter autant de pistes cyclables », soutient M. Charlebois. « Je ne suis pas contre le vélo. Avant de prendre ma retraite, je travaillais du côté d’Ottawa et j’avais l’habitude de me rendre au travail à vélo en été. Je n'ai jamais eu de problèmes . Je n’ai jamais observé de congestion sur les pistes cyclables existantes ».
Les signataires de la pétition déplorent les consultations nettement « insuffisantes » menées par la Ville dans le dossier. Ils se disent également préoccupés du fait que le projet d’aménagements cyclables privera les citoyens et les commerçants de centaines d’espaces de stationnements, en plus d’avoir un impact négatif sur la circulation et la congestion routière.
On estime que des options moins coûteuses devraient être envisagées par la Ville, comme l’amélioration de pistes cyclables déjà existantes. « Il serait beaucoup plus économique de sécuriser la bande cyclable de Saint-Joseph par la mise en place d’une signalisation améliorée et la bonification du marquage sur la chaussée... Je pense que les gens seraient davantage portés à l’utiliser si on améliorait la lisibilité.
Ne voyant aucune urgence à entamer les travaux liés aux aménagements cyclables proposés, les signataires de la pétition demandent à la Ville de redéfinir les priorités budgétaires afin de répondre à des besoins plus pressants liés au transport en commun, au logement social, ou encore, à l'itinérance. La pétition de M. Charlebois a recueilli près de 400 signatures à ce jour.
À l’opposé, Andrew Gibson, cycliste invétéré, est largement en faveur des aménagements cyclables prévus dans le quartier, qui viendront combler le manque d'infrastructures pour des rues conviviales et sécuritaires pour les cyclistes et les piétons dans son quartier.
« On aime notre quartier. Les rues de Wrightville sont jolies et ont un beau potentiel. Cependant, les grands excès de vitesse, principalement sur la rue Berri, sont un problème majeur, car les gens ont peur d’utiliser le transport actif sur de telles rues. C’est pourquoi il faut appuyer les propositions d’aménagements de la Ville », soutient M. Gibson.
Ce dernier a participé aux séances de consultation organisées par la Ville ainsi que par l'Association des résidants et résidantes du quartier Wright. Il a profité de ces occasions pour faire valoir ses idées et mettre de l’avant des modifications aux propositions de la Ville et ses commentaires.
Une contre-pétition en faveur des nouveaux aménagements cyclables projetés dans le quartier a été lancée par M. Gibson le 11 août. Deux semaines plus tard, près de 700 signatures avaient été recueillies.
Il a fait remarquer que les préoccupations exprimées dans la pétition opposée étaient légitimes, mais qu’il est important de reconnaître que les changements d'infrastructure, bien qu’ils puissent déranger nos habitudes, sont nécessaires pour l'évolution de nos rues.
Pour augmenter sensiblement le nombre de déplacements à vélo, les infrastructures cyclables doivent être conçues pour offrir un niveau de confort, de sécurité et de convivialité suffisant pour attirer les citoyens intéressés par le vélo, mais étant plus hésitants.
Selon Transports Canada, l’intérêt pour le transport actif, y compris le cyclisme, est en hausse à l’échelle du pays. La pandémie a vu naître un nouvel engouement pour le vélo, poussant les citoyens à se remettre massivement en selle. Il continue toutefois d’être utilisé principalement à des fins récréatives; n'étant pas encore reconnu par le grand public comme une option de transport viable pour les déplacements quotidiens.
Lorsqu'il s'agit de se rendre au travail, l’automobile demeure le mode de transport privilégié à Gatineau. Une enquête Origine-Destination réalisée par le Comité TRANS a révélé que durant la période de pointe du matin, pour les déplacements dont l’origine est située sur le territoire de Gatineau, 66 % des déplacements sont effectués en voiture. Le transport en commun représente 16 % des déplacements, et les modes actifs, 10 % (2 % à vélo et 8 % à pied).
Le Plan des déplacements durables (PDD) de Gatineau, réalisé en 2013, proposait un changement important dans nos façons de nous déplacer en mettant l’accent sur la marche, le vélo, le transport en commun, le covoiturage et l’autopartage. De 2011 à 2031, la Ville s’est donné pour objectif d’accroître pour la période de pointe du matin la part des déplacements de 10 à 15 % à pied et à vélo.
« Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l'infrastructure cyclable est importante, mais les grands principes sur lesquels nous nous appuyons sont la sécurité, la convivialité et l'adaptation au changement climatique. Pour toutes ces raisons, il est bon de mettre en place de nouvelles infrastructures pour encourager et faciliter le transport actif, que ce soit à pied ou à vélo, afin que les gens se sentent en confiance », a déclaré M. Gibson.
Les pétitions pour et contre le projet peuvent être consultées sur la plateforme change.org.
Légende photo : La Ville de Gatineau a présenté les différentes propositions d’aménagements cyclables projetés
Crédit photo : Présentation de la Ville de Gatineau datée du 19 octobre 2023.