Quand un enfant commet l’irréparable, c’est la société qui échoue
Jeune de 10 ans s’enleve la vie
Sonia Roy
AnnSofy, ou Alex, possédait une joie de vivre qui s'éteignait peu à peu depuis quelques temps déjà, selon les dires d’Annick Dinel, sa maman. Cet∙te enfant, qui souhaitait s’identifier en tant qu’Alex (non-genré), s’est enlevé la vie le 9 mars dernier, à l’âge de 10 ans. Outre la douleur innommable vécue par ses proches, ce triste évènement met de l’avant plusieurs réalités sociales importantes telles l’intimidation, l’effet de la pandémie sur la santé mentale ainsi que la difficulté d'acceptation lorsque l’on discute de genre et d’identité.
Alex souhaitait simplement être Alex, selon ses parents. Est-ce que c’était un Alex masculin ou féminin? Nul ne le savait et l’enfant, qui était encore au tout début d’un cheminement qui en pèse à beaucoup, se serait peut-être identifié comme personne non-binaire en grandissant. L’intense combat de découverte qu’iel* menait se manifestait dans les dires d’Alex (qui avait des difficultés à identifier son orientation sexuelle ainsi que son genre) et dans son apparence, privilégiant une coupe de cheveux courte et faisant ses propres choix vestimentaires. Ces actes d’expression courageux lui ont valu d’être victime d’intimidation, fléau quasi inévitable de l’enfance et de l’adolescence dont sont souvent victimes les personnes moindrement différentes. Ajoutons à cela une identité en question ainsi que le contexte pandémique et peu d’entre nous peuvent réellement comprendre la souffrance vécue par Alex.
Bien qu’il y eût une équipe d’intervenant●e●s derrière Alex, Annick Dinnel dénonce le manque flagrant d’aide et de ressources en santé mentale au Québec, plus précisément dans le domaine de l’éducation. Rappelons qu’il y a présentement 20 000 personnes en attente d’un suivi en santé mentale au public au Québec avec des délais pouvant aller jusqu’à 24 mois. La motivation de madame Dinnel? Ses autres enfants, dont sa fille de 3 ans et son éventuelle entrée dans le système scolaire. Monsieur Bastien, le père d’Alex, en avait la garde permanente et n’a pas émis de commentaires publics – sauf par l’entremise de son frère lors d’une entrevue donnée par ce dernier à TVA Ottawa-Gatineau. Monsieur Bastien y est décrit comme étant un père formidable, aimant, à l’écoute et prêt à tout pour ses proches. Une vigile à la mémoire d’Alex/AnnSofy a eu lieu le 16 mars dernier dans le quartier de Mme. Dinel, rue Laflamme à Gatineau. Des files de citoyens ont défilé devant la maison de madame et de ses enfants et ont pu y déposer chandelles, lampions, peluches et ballons de baudruche.
Le ministre de la Famille et Responsable de l’Outaouais, Mathieu Lacombe, a émis ce commentaire via Twitter : « Depuis la lecture de cette nouvelle, je ne cesse de penser à cette fillette, à ses parents, à ses proches… J’ai le cœur complètement brisé. Soyez sûrs d’une chose : nous ferons tout pour lutter contre l’intimidation et améliorer l’accès aux services. ».
Vous vivez des difficultés? Vous ou une personne que vous connaissez passez un moment difficile? Il est primordial d’en parler. Vous pouvez rejoindre la ligne de prévention du suicide du Québec au 1-800-APPELLE, la ligne Info sociale (questions sur la santé mentale) au +811, l’organisme Tel-Jeune au 1+800 263-2266 (clavardage également disponible) ainsi que les intervenant●e●s de Jeunesse Idem, un organisme bien de chez nous, au 819-776-1445.
*iel est un pronom français non-genré qui combine les pronoms il et elle. Dans la littérature, ce pronom est utilisé à des fins d’inclusion, de respect et de professionnalisme.
Légende photo : La vigile à la mémoire d’Annsofy/Alex le 16 mars 2022, rue Laflamme à Gatineau.
Crédit photo : Sonia Roy
Trad. : MET