Enquête en cours sur le traitement allégué d’une diplomate sénégalaise par le SPVG
Sophie Demers
L’intervention musclée du Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) au domicile d’une diplomate sénégalaise dans le secteur d’Aylmer, le 2 août, s’est transformée en incident diplomatique. Alors que la République du Sénégal affirme que l’une de ses diplomates a été « sauvagement » battue dans sa résidence par des policiers, le SPVG soutient plutôt que ses agents ont maîtrisé et arrêté une personne qui s'était montrée violente envers eux.
L'incident a non seulement fait les manchettes d’un bout à l’autre du pays, mais a aussi été rapporté dans la presse internationale et sénégalaise.
La diplomate était engagée dans une bataille juridique avec son locateur devant le Tribunal administratif du logement (TAL), qui a tranché en faveur du locateur et condamné la dame à lui verser plus de 45 000 $, plus intérêts, pour les dommages considérables qu’elle aurait causés au logement qu’elle occupait. On parle notamment de dégâts d'eau et de moisissure sur les murs.
Un avis d'expulsion a été transmis aux occupants du logement. Le 2 août, le TAL a rendu une ordonnance d’expulsion et autorisé son exécution par huissier.
Par voie de communiqué, le SPVG a indiqué que le 2 août 2022, ses agents ont été appelés en renfort pour aider un huissier à exécuter une ordonnance d’expulsion. Les policiers se sont présentés sur les lieux vers 13 h 30. Sur place, ils ont vérifié que le document judiciaire était bel et bien valide et que l'officier de justice ayant autorisé l'ordonnance judiciaire avait été informé que la personne avait un statut diplomatique. Faisant face à une personne agressive qui refusait de collaborer, les policiers sont intervenus afin d'expliquer la démarche à la diplomate et de s'assurer que tout se déroule dans le calme.
Lors de l'intervention, une policière a été frappée au visage. Ses collègues ont alors décidé de procéder à l'arrestation de la diplomate, laquelle a résisté et blessé par morsure un deuxième policier. La diplomate a alors été amenée au sol pour être maîtrisée, a expliqué le SPVG. Elle a été détenue à l'arrière d’un véhicule de patrouille, sous supervision, pendant que le huissier exécutait l’ordonnance. En aucun temps la dame n'a mentionné avoir été blessée ou avoir des douleurs lorsque questionnée.
« Malgré le rappel du statut de diplomate de la victime et de l'inviolabilité de son domicile, les éléments de la police canadienne l'ont menottée et sauvagement tabassée, au point qu'elle a eu du mal à respirer, ce qui a conduit à son évacuation par ambulance à l'hôpital », peut-on lire dans le communiqué publié le 5 août par l’ambassade du Sénégal au Canada sur sa page Facebook.
« Au cours de cette opération, la police canadienne a exercé sur la diplomate une violence physique et morale humiliante devant témoins et en présence de ses enfants mineurs », a écrit l’ambassade, qualifiant l’incident de « raciste et barbare ».
Les ambulanciers auraient aussi appelé le SPVG en assistance plus tard dans la journée, peu après 15 h, pour intervenir auprès de la diplomate. Une dizaine de personnes étaient présentes sur les lieux à ce moment.
Le gouvernement sénégalais a demandé qu’une enquête soit ouverte sans délai, estimant qu’il s’agit d’une « violation flagrante » de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Affaires mondiales Canada, quant à elle, considère cette situation comme inacceptable.
Le SPVG a soumis le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin qu’il détermine si des accusations de voies de fait sur agent et d'entrave au travail des policiers pouvaient être portées ou non dans le contexte. En raison de l'immunité diplomatique applicable, le DPCP a fermé le dossier.
Le Bureau des enquêtes indépendantes a été mandaté pour faire la lumière sur les événements. Le SPVG a assuré qu’il collaborera à toute démarche ou enquête subséquente.
Trad. : MET