Déséquilibre entre l’offre et la demande : la crise du logement s'aggrave à Gatineau
Tashi Farmilo
L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a récemment dévoilé ses prévisions 2025-2026 pour le secteur de la construction et de la rénovation résidentielles au Québec. À Gatineau, la demande locative dépasse largement l’offre, ce qui fait grimper les prix des loyers et exacerbe les problèmes d’abordabilité dans la région.
Le Bulletin de l’habitation – Prévisions 2025-2026 souligne le besoin urgent d’accroître le développement du logement alors que la croissance démographique continue de grimper. Le rapport met en évidence une dure réalité : le taux d’inoccupation des logements demeure obstinément bas, les projets de construction sont mis à mal par les pénuries de main-d’œuvre et la migration interrégionale contribue à l’augmentation de la demande de logements. C’est qu’en raison de sa proximité avec Ottawa, où les loyers sont en moyenne plus élevés, la région attire de nombreux Ontariens qui viennent s’y installer.
« Le marché de l’habitation à Gatineau subit des pressions importantes », a déclaré David Goulet, directeur du service économique de l’APCHQ. « Avec la hausse de la migration interprovinciale et des nouveaux ménages sur le territoire, l’offre de logements ne suit tout simplement pas le rythme ».
Selon les projections démographiques, le nombre de ménages à Gatineau devrait augmenter de 2,2 % au cours des deux prochaines années. Mais alors que la demande explose, le marché demeure serré, particulièrement dans le secteur locatif. La livraison de nombreuses unités locatives l’année dernière a fait passer le taux d’inoccupation de 1 % en 2023 à 1,9 % en 2024, ce qui était encore bien en deçà du seuil d’un marché équilibré. Il est généralement considéré que le taux d’inoccupation des logements devrait se situer autour de 3 % pour un marché de l’immobilier équilibré.
Le prix des loyers pour les locataires a décidément augmenté. En 2024, le loyer moyen à Gatineau a bondi de 7,6 % par rapport à l'année précédente, soit un taux de croissance supérieur à l’inflation nationale. Cette hausse a touché de façon disproportionnée les locataires à faible et moyen revenu, qui ont de plus en plus de mal à trouver un logement qui correspond à leur budget.
« La crise du marché de l’habitation à Ottawa a eu un impact direct sur Gatineau », selon Nicolas Brisson, directeur général de l’APCHQ de l’Outaouais–Abitibi-Témiscamingue. « Beaucoup d’Ontariens traversent de ce côté-ci de la rivière pour profiter de coûts moins élevés, et cela met encore plus de pression sur notre marché déjà serré ».
Après une année 2023 difficile, on a observé une reprise des mises en chantier de 33 % dans la région de Gatineau en 2024, principalement sur le marché locatif. Cette reprise est appelée à se poursuivre en 2025 et 2026, mais demeurera insuffisante pour rétablir l’abordabilité. Au total, on anticipe une croissance des mises en chantier de 13 % pour les deux années.
En outre, des obstacles demeurent. La hausse des coûts des matériaux de construction, la pénurie de travailleurs et la lenteur administrative freinent le développement de nouveaux projets dans la région. « Le processus de délivrance des permis à Gatineau constitue un obstacle majeur », affirme M. Brisson. « Il manque d’efficacité et de prévisibilité, ce qui empêche la construction de nouveaux logements assez rapidement pour répondre à la demande ».
De fait, le nouveau règlement sur les redevances de développement de la Ville de Gatineau est présentement contesté devant les tribunaux par l’APCHQ et un groupe de promoteurs. Au début février, ceux-ci ont déposé une demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec lui demandant d’invalider le règlement entré en vigueur en janvier qui impose aux promoteurs immobiliers une contribution monétaire de près de 4 000 $ pour chaque nouveau logement construit dans l’ouest du territoire. La Ville souhaite ainsi créer un fonds de redevances qui permettra de financer la moitié de la facture pour trois grands projets d’infrastructures prévus dans la zone visée, soit l’élargissement du chemin Vanier, la construction de la nouvelle caserne de pompiers et le futur écocentre.
L’APCHQ soutient que ce règlement est illégal et que la Ville n’a pas respecté les conditions fixées par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Les promoteurs préviennent que la redevance leur étant imposée sera refilée aux gens qui achètent ou louent des propriétés, ce qui ne fera que réduire davantage l’abordabilité du logement. De son côté, la Ville de Gatineau défend le règlement, affirmant qu’il est nécessaire pour s’assurer que les infrastructures suivent le rythme du développement, rappelant que plusieurs exemptions sont prévues dans le règlement pour le logement abordable et social.
Trad. : MET